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lundi, 14 décembre 2009

Les thèses de Zeev Sternhell sur le fascisme français

sternhell_zeev_1223326966.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1985

Les thèses de Zeev Sternhell sur le fascisme français

par Robert STEUCKERS

Qui est Zeev Sternhell? Un historien israëlien, membre du Parti Travailliste de son pays et partisan du dialogue avec les Palestiniens. Son œuvre, constituée jusqu'ici de trois ouvrages majeurs (1), a pris pour thème principal l'histoire du fascisme français, perçue essentiellement sous l'angle de l'évolution des idées. Pour Sternhell, le fascisme français est un fascisme plus pur que ses équivalents italien ou allemand, pour ne parler que des "fascismes" (mes guillemets ne sont pas innocents, ici) les plus notoires. Il est plus pur car ses diverses composantes se distinguent bien clairement du reste des idéologies politiques du XIXème et du XXème siècles. Un autre grand explorateur du fascisme, l'Allemand Ernst Nolte, avait pris pour objets de ses investigations, le national-socialisme hitlérien, le fascisme mussolinien et l'Action Française de Maurras. Ce n'est pas cette dernière que Sternhell examine. Il ne réduit pas le phénomène fasciste français à la geste de Maurras, de son groupe et de son quotidien. Le phénomène est beaucoup plus complexe que cela. Beaucoup plus diversifié aussi. Certes, les interprétations de Sternhell ne sont pas exemptes de défauts et nous reviendrons, en fin d'exposé, sur quelques lacunes ou quelques omissions.

 

Je crois que l'œuvre de Sternhell doit ici être placée dans le contexte du XIXème siècle, qu'elle expose par ailleurs si brillament. Nous vivons aujourd'hui la fin des grandes idéologies. Peu nombreux sont ceux qui croient encore au démocratisme chrétien ou au traditionalisme catholique des ultramontains du siècle dernier, au libéralisme manchesterien qui revient un peu à la mode, au socialisme caricaturé par les médiocrités sociales-démocrates qui sont au marxisme ce qu'un misérable journaliste d'une quelconque feuille démocrate-chrétienne est à Thomas d'Aquin. Personne, en tout cas, n'est prêt à sacrifier sa vie, à donner des heures, des jours voire des semaines de militantisme pour ces vieilleries poussiéreuses.

 

Nous n'avons pas réalisé les espoirs du XIXème siècle, ce siècle où les idées ont fusé, où elles ont mobilisé savants et militants, où on est mort pour elles. Il faut se replonger dans ce XIXème siècle où l'on a jeté les bases des sciences humaines ou exactes les plus diverses. Sans son avidité pour le savoir humain, pas de sociologie, sans un Darwin, pas de biologie moderne, sans une myriade de savants, pas de psychologie, sans Mendeleïev, pas de chimie, sans Bopp, pas de linguistique moderne. La liste est longue. Ce que nous n'avons pas réussi, c'est à créer une nouvelle politique, tenant compte de ces acquis scientifiques, de ces connaissances nouvelles. Le XXème siècle reste, politiquement parlant, en-deçà des connaissances globales que nous possédons depuis une centaine d'années. Il n'est parvenu qu'à neutraliser les défis contenus dans les sciences humaines et exactes nées au cours du XIXème. Nous vivons aujourd'hui cette cassure, ce chiasme qui nous conduit chaque jour davantage sur la piste du déclin. Quelles que soient d'ailleurs nos options, révolutionnaires ou conservatrices. Les conservateurs peuvent puiser des arguments terriblement efficaces dans les découvertes des archéologues ou des linguistes, des philologues ou des historiens du XIXème. Les révolutionnaires tout autant. Un Julius Evola ne serait pas arrivé à ses conclusions sans les travaux d'un Bachofen ou d'un Fustel de Coulanges, sans un Cumont ou un Rohde, sans les acquis de la philologie latine. Marx, et surtout Engels, sont, eux aussi, les fils spirituels de ce XIXème. L'héritage darwinien est présent chez eux. Toute leur critique dirigée contre le phénomène religieux dérive des historiens des religions du XIXème. Toute la théorie d'Engels sur les origines de la famille et de l'Etat provient d'une lecture plus qu'attentive de Bachofen et de Morgan.

 

Mais nous, nous sommes les enfants de l'oubli; les enfants adoptés par une Amérique sans histoire mais affligée de beaucoup de vices. Celui de la gaminerie en tête. Celui de la haine de l'intellect, de la haine des souvenirs ensuite. Le personnel politique dont nous subissons la médiocrité intellectuelle et la vulgarité est aussi un résultat, navrant, de cet oubli.

 

Mais revenons à Sternhell.

 

Une question essentielle doit être posée et c'est celle que nous pose son œuvre: quels sont les fondements du fascisme français, quelles sont les racines, au XIXème siècle, de ces fondements?

 

C'est la question centrale à laquelle son livre La Droite révolutionnaire  tente de répondre. Sternhell voit cinq composantes dans le fascisme français. Passons-les en revue.

 

1. Le Boulangisme:

 

Le substantif "boulangisme" dérive du nom du Général Boulanger. Ce personnage de la vie politique française émerge après les événements tragiques de 1871, la défaite de l'Empire de Napoléon III sous les coups de la nouvelle Allemagne de Bismarck et les tueries sanglantes de la Commune. La gauche parisienne, la plus combative d'antan, a été écrasée sous la mitraille des Versaillais. Les partis de gauche ont perdu leurs meilleurs hommes dans cette effroyable tourmente. Les réparations exigées par l'Allemagne sont énormes. L'économie française ne s'en porte forcément pas bien. Une agitation sociale voit le jour; des grèves éclatent. Boulanger apparaît comme une figure salvatrice. Ce général, non issu des milieux de gauche par la force des choses, attire à lui un très grand nombre d'électeurs socialistes. Son programme de justice sociale, couplé à un charisme évident et à un nationalisme qui réclame le retour de l'Alsace à la "patrie française", lui assure un inconstestable succès électoral. Ces succès, il les enregistre précisément dans les cantons où la gauche, traditionnellement, encaissait le plus de suffrages.

 

sternhellbarres.jpgDe cette aventure boulangiste, Sternhell retient surtout que les masses sont friandes de deux choses: un socialisme concret, pas trop abstrait, pas trop bavard, pas trop théorique et un nationalisme volontaire car elles savent instinctivement, qu'au fond, société et nation sont quasi identiques. Que ce sont des valeurs collectives et non individualistes.L'ennemi, pour ces masses parisiennes, c'est la classe qui a pour philosophie le libéralisme et l'individualisme, donc l'égoïsme, et qui met cette philosophie en pratique, avec, pour corollaire, les résultats sociaux désastreux dont la classe ouvrière se souvient encore.

 

2. L'antisémitisme de gauche et le "racisme":

 

Qu'est-ce que l'antisémitisme de gauche? Il est, à mes yeux, difficile à cerner pour la simple et bonne raison qu'il participe de la lutte contre les religions qu'ont décrétée les libertaires, les socialistes et les révolutionnaires depuis la fin du XVIIIème siècle. La religion chrétienne d'Europe dérivant d'une matrice proche-orientale, on rejettera tout ce qui procède de cette matrice pour renouer avec un héritage refoulé, que redécouvre la philologie en plein essor. Cet héritage, ce sont les antiquités grecque et latine, les patrimoines celte, germanique et slave dans les pays qui n’ont jamais été soumis aux aigles romaines. Les socialistes danois et allemands du Nord redécouvrent ainsi les traditions vikings. Ce recours aux racines a également une fonction politique indéniable: celle d'arracher au clergé le monopole de la culture, puisque le clergé, surtout dans les pays catholiques, constitue le bouclier intellectuel des classes dominantes.

 

a) Blanqui, Toussenel, Tridon:

 

Dans cet univers très diversifié à l'échelle européenne, une figure sort des rangs en France: celle d'Auguste Blanqui.Fondateur du cercle "Les Amis du Peuple", Auguste Blanqui incarne ce que l'on pourrait appeller un "élitisme révolutionnaire". Il a presque passé la moitié de sa vie en prison et tirait de cette expérience une fierté, un orgueil indéniables. Proches de lui, évoluaient deux antisémites: Toussenel et Tridon. Ces écrivains parlaient du "molochisme juif" et expliquaient que la religion biblique dérivait du culte de Baal-Moloch et que Yahvé en était un avatar ultérieur. L'Allemand Georg Friedrich Daumer, un grand oublié du XIXème (2), avait élaboré cette théorie du "molochisme juif" dès 1842. Marx a lu cet ouvrage, dérivé des découvertes philologiques de l'orientaliste Johann Arnold Kanne. Klages en a retenu l'essentiel et Ludwig Feuerbach comptait Daumer parmi ses amis. Le socialiste belge Edmond Picard en reparlera dans un pamphlet antisémite (3), distribué par la social-démocratie en Belgique.

 

La gauche la plus radicale de cette époque reproche dès lors aux religions orientales, et donc au christianisme qui a fait souche en Europe, de dériver d'un culte dont l'axe central est le sacrifice humain. Ce faisant, cette gauche révolutionnaire procède à une analogie entre le capitalisme, assimilé au fait juif chez Toussenel et Tridon, et le Baal-Moloch dévoreur de chair humaine (4). Le capitalisme, comme l'idole proche-orientale, dévore des énergies avant que celles-ci ne puissent donner la pleine mesure de leurs potentialités. Tel est donc le mécanisme de pensée que la théorie, purement philologique de Daumer, injecte volens nolens dans les slogans du socialisme blanquiste. Comment en est-on arrivé à ce glissement, aux possibles effrayants? Il faudra que les recherches parviennent à déterminer si, oui ou non, Toussenel et Tridon ont lu Daumer, des traductions partielles de son œuvre ou de la littérature secondaire concernant ses thèses. Quoi qu'il en soit, les bases d'un antisémitisme populaire sont jetées. Elles se greffent sur un réflexe d'hostilité religieuse, de haine de classe et d'analogies hâtives. Dans la naissance de cet idéologème antisémite, un peu oublié de nos jours, la philologie, comme toujours au XIXème siècle, joue un rôle primordial.

 

L'anticapitalisme est couplé à un antisémitisme, basé, lui, sur une interprétation de nature philologique qui implique le refus d'un héritage "étranger".

 

b) Vacher de Lapouge et le "mythe aryen":

 

L'antisémitisme de gauche se retrouve chez Vacher de Lapouge. Formé à une école marxiste, le noyau central de l'idéologie de Vacher de Lapouge est constitué par un refus de l'individualisme et une adhésion aux théories déterministes, véhiculées par le matérialisme philosophique de l'époque. Les hommes, dans cette optique, sont non seulement déterminés par leur situation socio-économique mais aussi par leur biologie, par leur race. Telle est la démarche de Vacher de Lapouge. Son matérialisme philosophique l'induit à postuler un matérialisme biologique. Dans son livre principal, L'Aryen et son rôle social  (5), il mêle marxisme et darwinisme, parle de lutte des races (superposée bien évidemment à la lutte des classes). August Strindberg, le grand dramaturge suédois, socialiste et anarchiste à sa façon, mettra en scène une intuition du même genre dans Mademoiselle Julie (Fröken Julie  ). Fröken Julie, fille de la bonne bourgeoisie suédoise est séduite par son domestique, brute d'une vitalité débordante. Ce dernier prend la place d'un fils de bourgeois qui, normalement, aurait dû initier Fröken Julie à la sexualité. La lutte des classes est envisagée ici sous l'angle de la biologie et de la sexualité. Lecteur de Darwin, de Marx, de Schopenhauer et de Nietzsche, Strindberg réalise une synthèse que le XXème siècle n'est sans doute plus capable de faire, malgré un David Herbert Lawrence (même problématique dans L'Amant de Lady Chatterley ) ou un Rozanov (6).

 

Vacher de Lapouge renoue également avec une tradition plus ancienne, encore toute empreinte des délicatesses du XVIIIème, la tradition gobinienne. Gobineau, qui se déclarait Normand et, par conséquent, descendant des Vikings danois qui s'emparèrent, avec leur Jarl Rollon, de la Normandie au Xème siècle, voyait dans les Nordiques, les Germains, les peuples qui avaient enrichi l'Europe entière, apportant, outre leur sang, jugé plus "pur", leur sens de l'organisation et leurs qualités guerrières. Le drame du monde contemporain, c'est de ne pas cultiver cet héritage, de faire fi de cette qualité raciale et d'inconsciemment enclencher un processus de dénordicisation. Si les théoriciens racistes allemands, britanniques et américains (7) reprendront à la lettre cette thèse et lui donneront une ampleur considérable, n'allons surtout pas croire qu'en tant que Français, Gobineau constitue une exception. Le "mythe nordique", avant de partir à la conquête des pays anglo-saxons et germaniques, fut une idée bien française. Au début du siècle, Madame de Staël s'était enthousiasmée pour l'Allemagne des poètes et des penseurs et le XVIIIème siècle avait connu l'engouement pour l'Angleterre, surtout chez un Montesquieu. Le Professeur André Devyver, de l'Université de Bruxelles, a consacré, en 1973, un ouvrage de 608 pages à cette tradition française de germanomanie ou de nordicomanie. Intitulé Le Sang épuré. Les préjugés de race chez les gentilshommes français de l'Ancien Régime (1560-1720) (Editions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1973), ce livre retrace l'histoire du "mythe germanique" depuis le début du XVIème siècle (Etienne Pasquier) jusqu'à la théorie des "vertus magiques du sang germanique" de Henry de Boulainvilliers (1658-1722) et ses prolongements (8).

 

Dans les origines du fascisme français, Sternhell met donc en exergue cette double tradition matérialiste portée par Vacher de Lapouge, celle du matérialisme philosophique et celle du matérialisme biologique. Le livre de Devyver lui semble inconnu. Mais, ici, on constatera aussi que des traditions décrétées parfaitement "démocratiques" (selon les critères en usage dans nos médias) ont, elles aussi, sacrifié au "mythe du sang germanique pur" puisque l'engouement qu'a montré tout le XVIIIème français pour ce qui était anglais partait du principe que le mode "communautaire" nordique, le mode de représentation communale ou parlementaire (et peut-être l'antique démocratie islandaise) constituaient des exemples historiques de sociétés non inféodées à un quelconque absolutisme. L'esprit politique de l'Europe du Nord, et plus spécialement de l'Angleterre, est rebelle à l'absolutisme. Il résiste . Niekisch, figure de proue du national-bolchévisme allemand, faisant sienne la définition de Dostoïevsky, selon laquelle les Allemands étaient un peuple protestataire , renouera, plus tard, dans son anti-romanisme anti-catholique, avec cette idée de résistance  (Widerstand , comme le nom de son journal et de son cercle) mais en ne glorifiant pas, bien sûr, le parlementarisme anglais, mais bien l'esprit des Paysans révoltés du XVIème siècle, des Saxons de Witukind et des Chérusques d'Arminius. Chez Niekisch, l'influence du livre d'Engels  sur la Guerre des Paysans n'a pas été sans importance non plus. Le mythe, indépendemment de ses interprétations et des peuples-acteurs qu'il met en scène, demeure le même. On pose un Nord "rebelle" (anglais, allemand ou scandinave) à un Sud qui croupit sous l'absolutisme. Par sa dénordicisation et par le recul subséquent de l'idée innée de liberté, présente chez les peuples du Nord selon Madame de Staël, Henry de Boulainvilliers, Gobineau, etc., la France serait en déclin. Elle serait décadante. De Vacher de Lapouge découle donc, affirme Sternhell, cette idée du déclin de la France, d'une France qui perd sa substance plus vite que les nations voisines. Il est vrai que la France, contrairement à l'Allemagne, l'Angleterre ou les Pays-Bas, connaissait, à la fin du siècle dernier, un tassement de sa croissance démographique. En 1899, le Baron Charles Mourre dressait le bilan de l'histoire de France, selon une optique semblable (in: D'où vient la décadence économique de la France. Les causes présentes expliquées par les causes lointaines , Paris, Plon/Nourrit, 1899). Parmi les causes du déclin français, Mourre cite: l'idée d'égalité (il rejoint en cela Gobineau), le culte du fonctionnariat, un trop important interventionnisme étatique (ce qui ne le range assurément pas parmi les "hommes de gauche"), l'affaiblissement de la natalité, l'immoralité publique, la question juive (leitmotiv de cette fin de XIXème et prélude à l'affaire Dreyfus), l'influence du climat (selon l'engouement déterministe de l'époque), etc. Mourre termine son ouvrage en expliquant pourquoi les Anglo-Saxons sont "supérieurs". Il ferme ainsi la boucle qui englobe Montesquieu et Gobineau, l'anglomanie du XVIIIème et la nordicomanie du XIXème. Cette supériorité s'expliquerait par la persistance d'un type d'organisation communautaire et du "foyer" familial. Mourre puise ses arguments chez Demolins et Le Play. Le leitmotiv persistera jusqu'à un Drieu La Rochelle qui sera fasciné par ses ancêtres normands, par la propension au sport que montrent les Anglais puis par la vigueur allemande mise en exergue par le culte du corps sain propre au national-socialisme.

 

Le "racisme" de Vacher de Lapouge lance trois idées-cadres: l'anti-individualisme, le déterminisme (biologique) et l'idée d'une France décadente (d'une France qui fait mal...). Ces trois idées-cadres sont déterminantes pour l'évolution ultérieure du fascisme français.

 

c) L'influence de Wagner:

 

Wagner a eu sur le XIXème siècle français une influence beaucoup plus importante qu'on ne le croit généralement. Barrès disait qu'il fallait honorer en lui "les préssentiments d'une éthique nouvelle". Ce sera, outre Barrès, l'écrivain et poète Paul Valéry qui se plongera le plus dans l'univers de la mystique wagnérienne. Mais au-delà de la littérature et de la musique, qu'apporte Wagner sur le plan strictement politique? En quoi est-il très précisément politisable? Il est politisable surtout parce qu'il a été lui-même un activiste de gauche. Maurice Boucher, germaniste français et Professeur à la Sorbonne, a consacré en 1947 un ouvrage aux idées politiques de Wagner (Les idées politiques de Richard Wagner. Exemple de nationalisme mythique , Paris, Aubier/Montaigne, 1947). Dans ce livre, Boucher évoque l'idée de perfectibilité humaine que Wagner avançait vers 1848. Mais cette perfectibilité, propre des idéologies de gauche, ne doit pas se subordonner à une quelconque représentation de l'au-delà. La perfectibilité est inscrite dans la nature matérielle. L'analogie avec Vacher de Lapouge est claire ici également. Et Wagner, malgré les mythes de ses opéras, se range dans la tradition matérialiste et révolutionnaire du XIXème. Sur le plan éthique, certes, son discours n'a rien de la sécheresse d'une démonstration matérialiste. Et, ajoute Boucher, si Wagner a cherché à concilier des intuitions chrétiennes avec l'hellénisme immortel, Herder, avant lui, jugeait cette synthèse impossible à faire et Nietzsche, bien sûr, la jugeait scandaleusement "immorale".

 

d)  L'impact de Gustave Le Bon:

 

Sternhell souligne, à juste titre d'ailleurs, la grande influence de l'auteur de La psychologie des foules dans l'élaboration d'un corpus doctrinal "fasciste", si, du moins, il s'avère légitime de parler d'un  corpus doctrinal fasciste. Gustave Le Bon se situe dans le sillage de la découverte de l'inconscient. Son influence a été et reste considérable. Chacun des quarante titres qu'il a publiés a été tiré à près de 500.000 exemplaires! Mussolini et Hitler ont lu sa Psychologie des foules  avec attention et avec passion. Des passages entiers de Mein Kampf  sont tirés des écrits de Le Bon. Mais l'impact des théories de Le Bon ne se limite pas aux seuls milieux des états-majors fasciste ou national-socialiste. Freud s'est basé sur lui pour rédiger sa Psychologie collective  et son Analyse du moi. Ce  qu'apporte Le Bon, c'est surtout une définition des instincts des peuples et de la foule. Ces instincts dominent tout et déterminent l'agir des hommes. La conscience est dès lors reléguée au second plan. Psychologie et biologie prennent le pas sur les fantasmes mécanicistes du siècle rationaliste. Au déterminisme rationaliste et mécaniciste se substitue un déterminisme d'ordre psychologique et biologique. Et Sternhell écrit: "Ce déterminisme implique un anti-individualisme extrême et une négation totale de la traditionnelle conception de la nature humaine". Psychologie collective, race, inconscient constituent des "forces obscures", l'âme invisible qui crée et secrète des institutions visibles. Une des composantes essentielles des fascismes selon Sternhell est précisément de placer ces "forces obscures" au-dessus de la "raison". Avec l'avénement des sciences du XIXème siècle, le culte de la raison s'effondre. Or, c'est sur ce culte, strictement individualiste, que se fondent nos sociétés et nos corpus juridiques. Parler de l'inconscient, des forces obscures des collectivités ou de la race, constitue donc un défi mortel aux structures juridiques de nos démocraties. La potentialité révolutionnaire de ces découvertes a été jugulée au cours du XXème siècle. Mais le barrage dressé tiendra-t-il sous la pression des instincts? La fin de ce siècle semble confirmer le contraire. L'agressivité des foules, comme, par exemple, sur les stades de football d'Angleterre ou du Heysel, devient telle qu'on se remet à douter de la raison humaine. Dans un autre registre, la vague écologiste, surtout en Allemagne, renoue avec des idéaux collectifs et avec l'idée de communauté si bien décrite par Ferdinand Tönnies. Sternhell ajoute que "forces obscures" de la psychologie et "mythes" soréliens possèdent bon nombre de caractéristiques communes. Nous y reviendrons.

 

e) Hippolyte Taine, maillon dans la chaîne:

 

Généralement, on ne considère guère Taine comme l'un des précurseurs du fascisme. Sternhell souligne avec brio l'importance qu'il a eu dans l'élaboration du dit fascisme français. Auteur du célèbre ouvrage Les origines de la France contemporaine et d'une Histoire de la littérature anglaise contemporaine , Taine fait de la "race" le premier facteur explicatif de l'histoire. Taine parle des "habitudes mentales innées" des peuples européens. Dans l'introduction à son histoire de la littérature anglaise, il énumère les trois facteurs déterminants qui président à la naissance de l'histoire et du génie littéraire d'un peuple: la race, le milieu et le moment. Trois déterminismes donc qui relient son analyse, sa méthode d'investigation historique, au corpus général de la pensée du XIXème siècle. Sternhell puise la majorité de ses arguments, pour ranger Taine parmi les précurseurs du fascisme français, dans l'introduction à l'Histoire de la littérature anglaise . On eut espéré quand même une analyse plus détaillée des Origines de la France contemporaine . Sternhell estimant globalement que le fascisme est une "réaction" contre les idées de 1789, leur rationalisme, leur individualisme et leur démocratisme, il aurait été utile de passer au peigne fin les douze volumes des Origines . Dans Maurice Barrès et le nationalisme français (Paris, Armand Colin, 1972), Sternhell dit simplement que Barrès tire de l'œuvre de Taine l'idée d'une France décérébrée  et sur le déclin. Thèmes qui auront aussi leur impact sur Maurras, comme nous allons le voir. La référence à Taine aurait pu être, me semble-t-il, plus importante. Pour Sternhell, Taine est le maillon d'une chaîne qui relie Gobineau à Jules Soury (cf. infra) et à Barrès et ceux-ci aux fascistes français des années trente et de la collaboration.

 

f) l'influence prépondérante de Jules Soury:

 

Un des grands mérites de Sternhell, c'est d'avoir redécouvert la figure et l'œuvre de Jules Soury. Totalement oublié depuis quelques décennies, ce dernier était professeur à la Sorbonne et très populaire en tant que vulgarisateur scientifique et que propagandiste des idées de Darwin et Haeckel, au tournant du siècle. Certes, ses thèses correspondent en gros à celles, restées mieux connues, de Le Bon et de Vacher de Lapouge, et se développent autour d'un axe central: le déterminisme. Pour Soury, le monde social est régi par des "lois fatales", des "lois d'airain". Le libre-arbitre est une fable et l'homme moral aussi. L'homme, selon Soury, n'est qu'un des rouages de la gigantesque mécanique universelle. Il est le produit d'une sélection naturelle et la France, si elle a subi la défaite de 1871, c'est parce qu'elle ne s'est pas "épurée" à temps, qu'elle n'a pas voulu, à l'instar de l'Allemagne, redevenir une "race". Le langage de Soury est plus clair, moins ambigu, que celui des autres auteurs français situés dans la même veine.

 

Cette clarté sera perçue par Maurice Barrès qui a véritablement bu les paroles du professeur et les a faites siennes. Toute l'œuvre de l'auteur des Déracinés  repose sur une interprétation, géniale sur le plan littéraire, des thèses de Soury. Nous mesurons par là l'importance du déterminisme de Soury dans la genèse du fascisme français.

 

3.La Droite prolétarienne

 

Dans cette genèse du fascisme français, Sternhell place le mouvement ouvrier anti-grèves des Jaunes . Cette juxtaposition est curieuse, surtout si l'on sait que, par exemple, Blanqui et Vacher de Lapouge, militants socialistes révolutionnaires, appartiennent, selon Sternhell, eux aussi, à l'ascendance du fascisme. Pour Sternhell, ce mouvement jaune , dirigé contre les mouvements de grève "rouges" par des hommes comme Lanoir et Biétry, exploite un mécontentement ouvrier en maniant un discours nationaliste à la Boulanger et chargé de thèmes antisémites. Ce sont ces idéologèmes-là qui incitent Sternhell à inclure le mouvement des Jaunes  dans la généalogie du fascisme français. Il appelle ce mouvement une "droite prolétarienne" et constate qu'elle est opposée au prolétariat organisé par la gauche. Deux autres aspects de cette "droite prolétarienne" à signaler ici: le vertuisme et l'immobilisme social, préconisé comme étant dans l'intérêt des ouvriers.

 

4. L'extrême-gauche antidémocratique

 

Cette quatrième composante, d'après Sternhell, du fascisme français des origines est sans doute la plus importante. C'est elle qui aligne les noms les plus prestigieux, des noms connus dans l'Europe entière. Citons-en surtout trois: Lagardelle, Roberto Michels et Georges Sorel. Hubert Lagardelle définissait le socialisme comme un mouvement né pour lutter contre les idées libérales-bourgeoises. En prononçant cette définition, Lagardelle vise le mode de fonctionnement des démocraties libérales. Le mouvement ouvrier a commis l'erreur d'accepter le jeu démocratique et parlementaire. Ce faisant, il ne s'émancipe pas de l'Etat créé par les bourgeois. Roberto Michels, activiste de la SPD d'alors, le parti socialiste le plus puissant d'Europe, qualifiait la naissance de l'oligarchie socialiste de Verbonzung, Verkalkung, Verbürgerlichung, c'est-à-dire l'emprise des bonzes (des caciques), la sclérose doctrinale et l'embourgeoisement par le recrutement de trop de "juristes et d'avocats". Pour Michels, les socialistes officiels deviennent tout simplement une oligarchie parmi d'autres oligarchies. C'est alors que la veine révolutionnaire s'épuise. Quant à Georges Sorel, dont l'œuvre mérite à elle seule une longue exégèse, il est l'auteur des Réflexions sur la violence où, précisément, cette violence est conçue comme le moteur de l'histoire. La démocratie, pense Sorel, peut désormais travailler contre l'avénement du socialisme. Le syndicalisme, dans lequel Sorel place tous ses espoirs, réagira, lui, contre l'emprise de la démocratie et recourra, non aux urnes, procédé jugé aussi bourgeois que trompeur, mais à la violence qui effraie les "philanthropes", c'est-à-dire la grève générale.

 

5. Les dimensions non conservatrices de l'Action Française

 

L'Action Française, lancée par Vaugeois, Pujo et Maurras entre 1898 et 1900, est le modèle par excellence du mouvement de droite. Pourtant, elle contient dans son corpus doctrinal, des éléments que l'on classerait volontiers à gauche aujourd'hui. Nous y reviendrons dans la suite de cet exposé.

 

L'impact de Maurice Barrès

 

En 1972, quand paraissait en France l'ouvrage de Sternhell consacré à Maurice Barrès, le professeur Robert Soucy de l'Oberlin College de l'University of California (Berkeley) publiait un ouvrage intitulé Fascism in France. The Case of Maurice Barrès  (University of California, 1972). Soucy cernait bien les six fondements de la pensée barrésienne. Formé à la lecture de Nietzsche, Dostoïevsky, Carlyle et Bergson (pour ne pas revenir sur les influences qu'il reçut de Wagner et de Soury), Barrès a d'abord navigué dans le "Culte du Moi". Le nationalisme ne le concernait pas et, lui, le fondateur du "culte des morts" écrivait alors: "Les morts, ils nous empoisonnent!". Petit à petit, son nationalisme allait se former et tourner autour de six axes, non coordonés en un système à la façon allemande et hégélienne, mais juxtaposés en un ensemble marqué d'esthétisme et de sensibilité. Ces six piliers sont:

1) Les trois vertus du héros "réaliste".

Ces trois vertus sont le sens du réel , de la "réalité". Ensuite, la force de la passion car les passions mènent le monde. Les passions et non les raisons frileuses. Et, enfin, l'énergie . Le culte de l'énergie, propre aux fascismes de l'entre-deux-guerres, découle tout droit de cette apologie barrésienne du dynamisme des chefs, des masses et des peuples.

 

2) Les racines.

Barrès découvrira ses racines lorraines. Du culte des racines découlera celui de la "Terre et des Morts".

 

3) Le vitalisme.

Pour Barrès, le vitalisme, c'est se fondre dans la volonté inconsciente des sentiments les plus obscurs de l'être, sentiments obscurs hérités de nos ancêtres, les Morts.

 

4) La démocratie de masse et le culte du chef.

Les masses sont le réceptacle des énergies obscures que le chef canalise et dirige vers des objectifs choisis. La liberté reçoit dès lors une nouvelle définition: c'est la force qu'acquiert un homme quand il est lié à d'autres hommes. Dans cette définition nouvelle de la liberté, posée par Barrès, se résument tous les arguments que nous avons préalablement analysés: le déterminisme hostile au libre-arbitre des libéraux et des conservateurs, l'impératif collectif de la race, des ancêtres et des morts dont nous devons poursuivre la mission historique. Enfin, l'inéluctabilité des "forces obscures", des "principes collectifs".

 

5) Le racisme.

C'est pour Barrès, l'héritage de Soury et l'idée de peuple, découverte chez Wagner.

 

6) Le culte du héros et le charisme.

 

De ces six "piliers", bien mis en évidence par Robert Soucy, Sternhell dégage les composantes de la théorie politique de Barrès, de son "nationalisme organique". Sternhell montre comment ces idées de base de Barrès vont être articulées dans la pratique politique qu'il suggèrera aux nationalistes français. Ce nationalisme implique:

 

1) Une hostilité farouche à la république "dissociée  et décérébrée ".

2) L'affirmation de principes de stabilité.

Ces principes sont ceux qui découlent du culte de la Terre et des Morts. Ce culte permet aux Français de vivre "dans leur vérité propre". Barrès entame ici une polémique avec ce qu'il appelle le kantisme abstrait , un kantisme qui nous enseigne à agir de façon à ce que nos maximes puissent avoir une vérité universelle. Barrès s'insurge ici devant cet universalisme postulé par le kantisme car il arrache l'intellectuel à son peuple et en fait un déraciné .La stabilité historique d'une nation se mesure dès lors, dit Barrès, à sa capacité de défendre ses vérités propres et non à chercher la chimère d'une universalité quelconque (9).

 

3) Les facteurs de conservation.

Personnellement hostile au christianisme, Barrès finira par admettre le catholicisme comme un moyen de faire l'unité de la nation.

 

4) Les forces de destruction.

Celles-ci procèdent précisément des universalismes et des valeurs étrangères. Il convient de ne pas laisser au protestantisme la bride sur le cou car c'est une tradition allemande et non française (10). Parmi les universalismes les plus "pernicieux", selon Barrès, il y a le judaïsme (11). Ce dernier disloque la cohésion des nations, dit Barrès, et porte d'autres valeurs que celles de notre Terre et de nos Morts.

 

5) La question lorraine.

Province dont Barrès est issu, la Lorraine est en partie annexée à l'Allemagne impériale depuis la défaite française de 1871. Barrès part d'une exaltation de sa province, de son terroir, matrice de ses propres énergies. Cette province doit pouvoir échapper à un centralisme qui étouffe sa vitalité. La question lorraine sert de prélude à une idée barrésienne très importante, celle du régionalisme.

 

6) Le régionalisme.

En 1894-1895, Barrès mènera une campagne en faveur des libertés locales, régionales et syndicales. Il se fait là le porte-parole d'un fédéralisme dont les cellules de base seraient les provinces. Le fédéralisme permettrait justement de fédérer, de rassembler toutes les énergies de la nation et de n'en étouffer aucune.

 

Le rôle de l'Action Française

 

sternhellnidrnigau.jpgNée en 1898, sous l'impulsion de Vaugeois et de Pujo, l'Action Française prendra son envol définitif l'année suivante quand Maurras se joint à l'équipe initiale et quand se créent d'abord le Bulletin d'AF, puis la Revue d'AF. Charles Maurras sera le père du "nationalisme intégral" dont les deux idées-maîtresses seront le monarchisme (l'affirmation de la nécessité de faire gouverner la France par un roi fort et de décentraliser le pays) et la germanophobie, qui tournera souvent à l'obsession et au ridicule.

 

En plus du monarchisme et de la germanophobie, il convient d'ajouter une dimension résolument esthétique: le culte religieux qu'éprouvait Maurras pour la civilisation gréco-romaine, pour le Sud méditerranéen. Ce culte dérive d'une équation toute personnelle; Maurras est issu de la Provence et le soleil de sa patrie lui manquera toujours à Paris. En plus, depuis son jeune âge, il est sourd (ce qui renforce encore son caractère bourru et son entêtement devenu légendaire). Ce sont donc, chez lui, les organes de la perception visuelle et tactile qui auront le dessus. L'esthétisme maurrassien et son amour du soleil, de la lumière et des couleurs est le corollaire naturel de sa surdité. Ajoutons encore que Maurras sera, toute sa vie, fasciné par la personnalité de Richelieu.

 

Quel sera dès lors le nationalisme de Maurras ?

Avant toute chose, une synthèse. Lui-même dira qu'il n'innove rien et qu'il n'est qu'un perroquet. Ce "perroquet" n'est donc ni un philosophe ni un bâtisseur de systèmes mais un journaliste brillant, au talent sûr et indéniable et au style mordant. Le style prend ici le pas sur la vérité. L'esthétique sur le vrai. C'est là le propre des "races latines" comme le soulignait déjà Hippolyte Taine. Or, Maurras se sentait et se voulait "latin". Son engouement pour Taine, anglophile et germanophile, lui aura apporté sa propre définition du "Latin"! Pour Maurras, la France est une "déesse", l'œuvre des quarante rois capétiens et non de quelques décennies de démocratie. En fin de compte, le nationalisme intégral de Maurras, assez coupé des masses populaires, sera un nationalisme défensif, axé sur la xénophobie anti-allemande et sur l'antisémitisme. Ce nationalisme de repli sur soi est renforcé encore par le "traditionalisme" de Maurras. Qu'est-ce que le traditionalisme? C'est l'héritage des Contre-Révolutionnaires de Maistre, Bonald et Le Play. De l'œuvre de ces contre-révolutionnaires découle une apologie de l'Ancien Régime où le non-individualisme et l'organicisme permettaient une meilleure organisation de la société grâce aux corporations et aux corps de métier, dissous par les lois de la Révolution. Le nationalisme aura alors pour tâche de restaurer des structures sociales intermédiaires entre l'individu et l'Etat. Deuxième idée politique déduite de cette apologie de l'Ancien Régime: le régionalisme. La France était plus stable, affirment Maurras et ses disciples, quand les provinces avaient plus d'importance. La République néglige les meilleurs du peuple français: les paysans. Cette idée du "bon paysan" renoue avec un autre culte royaliste: celui des Chouans et des Vendéens.

 

Le traditionalisme maurrassien reste toutefois en-deçà de la critique portée en Allemagne à l'encontre des idées de 1789. Lorsque l'on analyse les ouvrages du Baron von Stein, d'Adam Müller ou de Savigny, on percevra mieux l'évolution des idées qui a d'abord porté au pouvoir les idéaux de 1789, puis a consommé le divorce entre la Révolution Française et les aspirations confuses qui dynamisaient le mouvement révolutionnaire pour être trahies par lui, puis a fait passé la volonté de participation de tous à la chose publique dans les mentalités germaniques par le truchement du romantisme. Maurras n'avait pas la moindre connaissance de la "politologie" romantique et réduisait celle-ci à certains aspects de Rousseau. Plus tard, Carl Schmitt analysera l'occasionalisme (12) romantique avec bien plus d'acuité que le chef de file de l'Action Française. L'organicisme de Maurras n'était finalement que fort superficiel. Faut-il y voir une des raisons majeures de l'échec politique de l'AF ?

 

Le nationalisme intégral de Maurras est également un "positivisme". Maurras, en effet, cherche à politiser à son profit les acquis de la philosophie d'Auguste Comte. N'étant pas chrétien et se définissant comme agnostique, Maurras ne peut pas justifier son idée monarchique par le recours au "droit divin". Ce qu'avaient fait les traditionalistes contre-révolutionnaires. Il lui faut donc avancer des arguments de nature "scientifique". Pour Maurras, ce ne sera donc pas Dieu qui veut la monarchie mais la "raison". La raison politique bien entendu. Il parlera donc d'un empirisme organisateur . Ce type de raison, invoqué par Maurras, n'est pas celui du siècle des Lumières, générateur de la Révolution et des idéaux de 1789 qu'il honnissait. La raison du XVIIIème siècle lui apparaît mièvre et démocratique. Celle qui le fascine, en revanche, est celle du XVIIème. Il revendique la clarté logique de ce XVIIème siècle où la France était la première puissance en Europe et où ses armées ravageaient le Saint Empire. Culte de Richelieu et de la clarté logique  du XVIIème constituent donc les deux référentiels de base pour l'esthétique politique de Maurras. Ces référentiels sont ceux d'une France encore forte, d'une France qui a la population la plus dense du continent. Or, depuis la fin de l'épopée napoléonienne, ce n'est plus le cas. Le déclin démographique a commencé. L'Angleterre et l'Allemagne, l'Italie et la Russie ont connu des explosions démographiques formidables. La France perd son importance d'antan et Maurras, lecteur de Gobineau, de Taine, de Soury et sans doute aussi de Mourre (cf. supra), le sait. Il refuse ce déclin et rêve d'une France qui retrouverait sa puissance de jadis. C'est ici aussi que l'on peut observer la nature finalement "défensive" du nationalisme maurrassien.

 

Maurras ne pouvait ni se référer à la vigueur française des armées révolutionnaires ni à la geste grandiose de Napoléon. Son anti-républicanisme et son monarchisme l'en empêchaient. Il a donc puisé ses modèles exemplatifs dans le XVIIème. Les Allemands et les ressortissants des Pays-Bas du Sud, devenus Belgique depuis 1830, pourraient difficilement choisir comme référentiel ce siècle qui ne fut, pour eux, qu'une succession de misères atroces, de carnages, de villes incendiées, de famines et de guerres civiles. Pensons au Simplicissimus de Grimmelshausen (13) !

 

Reste la position de Maurras à l'égard de l'Eglise et du catholicisme. Sa position est double. Il dira "oui" à l'Eglise en tant que facteur d'ordre, en tant que principe organisateur. Il dira "non" au message intérieur du christianisme, parce que celui-ci repose sur des éléments juifs et non gréco-romains. Ce "oui" à l'Eglise et à ses principes hiérarchiques est inséparable du "non" au message des Evangiles, jugés "démocratiques". En dehors de l'Eglise, dira Maurras, les Evangiles sont un poison (14).

 

Parmi les aspects les plus intéressants du maurrassisme, aspects encore partiellement exploitables aujourd'hui, il faut évoquer le "socialisme anti-étatique". Maurras rejette le capitalisme parce qu'il est cosmopolite. Ce cosmopolitisme ne place a fortiori pas les intérêts de la nation française au-dessus de ses intérêts propres. De ce fait, pour Maurras, il doit être combattu. Cette position le rapproche du discours "révolutionnaire-syndicaliste" et du courant "anarcho-syndicaliste". "Monarchistes de gauche" et syndicalistes de diverses orientations se regrouperont en 1911 autour de la revue du Cercle Proudhon  qui n'eut qu'une existence éphémère. Le dénominateur commun qui unissait ces hommes venus d'horizons aussi divers, c'était la volonté de donner au politique pur la priorité par rapport aux stratégies économiques cosmopolites. La défense de la nation, en tant qu'acquis historique incontournable, et la défense du peuple, en tant que masse démographique porteuse d'énergies héritées de l'histoire, se rejoignent dans une lutte commune contre une idéologie qui nie les héritages politiques et ne se soucie guère de la santé morale et physique des peuples. Pour les adversaires des monarchistes de gauche et des anarcho-syndicalistes (dont Georges Sorel), le "peuple" se présente comme une masse indifférenciée d'individus susceptibles d'être embauchés (et alors on les flatte) pour être ultérieurement licenciés, si les fluctuations du marché l'exigent. Cette gauche sociale et cette "droite" traditionaliste, non indifférente à la question ouvrière, se dressent donc conjointement face aux idéologies et aux acteurs politiques qui observent, pour leur strict intérêt personnel et financier, les soi-disant lois du marché. Pour la gauche et des hommes comme Lagardelle, Sorel et Michels (cf. supra), la social-démocratie accepte les lois du marché et se borne à demander de petits aménagements destinés à rendre la dictature du "marché" (nous serions tentés de dire la "théocratie" du marché) (15) supportable aux masses populaires. Cette acceptation par la social-démocratie "oligarchique" du jeu du marché a provoqué la désaffection de ses éléments les plus pugnaces et a contribué à la naissance des partis communistes, surtout au lendemain de la première guerre mondiale. Le fascisme est une autre variante de la réaction anti-sociale-démocrate. C'est vrai en France avec Sorel et Lagardelle. Ce sera vrai en Allemagne aussi avec des hommes et des femmes aussi différents que De Man, Liebknecht, Rosa Luxemburg, etc. Les PC et les "Luxemburgiens" riposteront par une nouvelle interprétation de l'œuvre de Marx et d'Engels. Les fascistes quitteront la tradition "marxiste" et puiseront leurs arguments dans d'autres doctrines et notamment celle de Proudhon.

 

Maurras dira, avec l'esprit de synthèse qu'on lui connaît: "Le nationalisme est comme une belle main et pour cette jolie main, un socialisme bien conçu, non démocratique et non cosmopolite, peut constituer un gant parfait". En conclusion, disons que l'anti-romantisme maurrassien repose sur deux idées-maîtresses: 1) l'hostilité à Rousseau, considéré comme le père spirituel de la Révolution et de la Terreur de Robespierre et 2) la germanophobie. L'Allemagne, aux yeux de Maurras, est la patrie du romantisme et le romantisme est le fruit des "brumes du Nord". A ces "brumes", il convient d'opposer le soleil des classicismes français et gréco-romain.

 

De 1914 à 1945

 

Avec Taine, Vacher de Lapouge, Drumont, Tridon, Toussenel, Barrès et Maurras, les assises du fascisme français du XXème siècle sont posées. C'est au départ de ces corpus doctrinaux que les écrivains fascistes et les théoriciens politiques qui se sont retrouvés dans leur sillage, échaffauderont leurs propres fascismes. J'insiste ici sur le pluriel . Nous verrons pourquoi. La première guerre mondiale sera une parenthèse sanglante. L'AF sombre dans le chauvinisme tricolore. Sorel se tait et désapprouve le carnage européen. Les esprits se séparent, alors qu'ils auraient pu joindre leurs voix et leurs protestations pour donner au siècle naissant la synthèse complète et définitive qu'il attendait et qu'il attend toujours. Après la guerre, l'acharnement des milieux de l'AF ne se tarit pas. Maurras rappelle sans cesse le testament politique de Richelieu, son idole: il faut coloniser subtilement la Belgique et le Luxembourg, les inclure dans une union douanière avec la France et les obliger à accepter des accords militaires. Bref, une annexion à peine déguisée que beaucoup en Belgique ne lui pardonneront jamais (16). Enfin, il faut morceler l'Allemagne, détacher si possible les régions catholiques du Sud de la Prusse protestante et "militariste", créer une république rhénane fantoche et en faire un protectorat français, imposer des réparations telles à l'Allemagne que la France puisse vivre sans travailler, etc. Les thèses maurrassiennes culminent lors de l'occupation de la Ruhr. Finalement, ce fut l'échec. Et aussi, faut-il l'ajouter, un mauvais calcul. Les colonies étaient déjà censées fournir à la France matières premières et richesses diverses; si l'on ajoutait l'Allemagne comme fournisseur obligé et contraint de produits finis et de machines-outils, l'on commettait finalement une erreur politique monstre: ne pas investir sur place et omettre de créer un outil industriel autochtone, basé sur une main-d'œuvre nationale, garante du bon fonctionnement de la machine économique. Par rapport à l'Allemagne qui, sous l'impulsion d'un économiste génial comme List (17), a toujours su créer son plein-emploi et produire une très large part de ses matières premières sur place en semi-autarcie, ce fut une faiblesse, une faiblesse que la France allait payer cher en 1940. L'historien J. Marseille (in: Empire colonial et colonialisme français , Albin Michel, Paris, 1985) reconnait que le colonialisme français a été un frein à l'essor, au développement et à la modernisation  du capitalisme métropolitain (surtout sur le plan de l'outil). La décolonisation a plutôt été, dans les années 60, un mouvement de modernisation de la métropole française.

 

Plus clairvoyants et plus européens furent les "démocrates" Briand et Stresemann. Ces hommes ont cherché le rapprochement franco-allemand et la réconciliation au-delà des charniers de Verdun et de la Somme. Est-ce un hasard si Ferdinand de Brinon, ambassadeur de Vichy à Paris pendant la seconde guerre mondiale et chaleureux partisan de la collaboration franco-allemande, venait de ce pacifisme... L'intransigeance du nationalisme français, alors sans clairvoyance économique, a suscité la naissance d'un nationalisme allemand offensif, réponse à la politique de Clémenceau, considéré Outre-Rhin comme un nouveau Richelieu (18). L'irresponsabilité économique française se percevait également en Europe Centrale où elle a détaché les zones agricoles de Pologne et de Hongrie de ses débouchés traditionnels: l'Allemagne industrielle. Le peuple français n'a guère tiré profit de ce nationalisme-là, puisque son outil industriel n'a pas été rénové à la même vitesse que celui de l'Allemagne.

 

L'entre-deux-guerres a connu trois périodes successives dans l'élaboration de son fascisme. Ces périodes s'étendent, pour la première, de 1920 à 1930, puis de 1934 à 1940 et, enfin, de 1940 à 1945, celle de la "collaboration". Chaque génération a donc connu son  fascisme.

 

La période de 1920 à 1930

 

Cette époque du fascisme français, la première, chronologiquement, du "fascisme conscient", a été dominée par la figure de Georges Valois, un fasciste naïf selon Sternhell. Valois a commencé sa carrière politique en tant que membre de l'Action Française. Il était un socialiste monarchiste. Son monarchisme dérive d'un culte du dirigeant, de l'homme d'Etat capable d'incarner et la théorie et la pratique. Pour Valois, Lénine et Mussolini étaient de tels hommes. Par la révolution bolchévique de 1917 et par la Marche sur Rome de 1922, Lénine puis Mussolini ont su allier théorie et pratique. Valois s'apercevra que Maurras n'est pas un homme de la même trempe. Il n'est qu'un théoricien, incapable d'accéder au pouvoir et de "marcher sur Paris". C'est la raison pratique qui a poussé Valois à quitter le milieu de l'AF et à fonder son propre mouvement, le Faisceau . La référence à Mussolini est clairement affichée. Le mot d'ordre de Valois, la clef de voûte de sa théorie politique se résume à une équation: "nationalisme + socialisme = fascisme".

 

Au départ, Valois n'était pas marxiste (au contraire de Mussolini et de Lénine) mais il n'était pas non plus anti-communiste, au sens où la droite classique, le fascisme des théoriciens ou des journalistes issus d'Action Française et celui des déçus du stalinisme (les adhérents du PPF de Doriot et de Victor Barthélémy) l'entendaient. Valois voulait unir les forces de gauche, les forces socialistes, dans un front unique pour le salut de la nation française. Ce front porterait un roi social au pouvoir. Dès lors, pourquoi ne pas marcher ensemble, main dans la main, communistes et fascistes? Cette idée, Valois a été à peu près le seul à la défendre en France après la première guerre mondiale. En Allemagne, la tentation "nationale-bolchévique" rassemblait plus de monde. Il suffit d'évoquer des noms comme ceux de Niekisch, Schlageter, Paetel, Tusk, Scheringer, Schulze-Boysen, Radek, Ernst von Salomon, etc.(19).

 

C'est en 1925 que Valois fonde son Faisceau . Le parti durera trois ans. Ensuite, Valois retrouvera les rangs de la gauche classique. Il abandonnera ses chimères royalistes et militera désormais pour une "République syndicale".

 

Il ne s'engagera pas dans la collaboration. Au contraire, actif dans un réseau de résistance, il sera arrêté en mai 1944 par la Gestapo et transféré au camp de Bergen-Belsen, où il mourra du typhus à l'âge de 66 ans.

 

La carrière de Valois prouve indubitablement son honnêteté foncière. C'est ce que Sternhell appelle, avec une inélégance que je déplore, de la "naïveté". Certes, les idées de Valois sont marquées de quelques incohérences. Catholique, sans adhérer aux thèses réactionnaires que le catholicisme a souvent fait siennes, Valois est aussi un "panlatiniste". Du temps du Faisceau , il cherchait à unir les nations romanes contre les puissances anglo-saxonnes. Maurras partageait sans doute cette option, mais sa germanophobie outrancière mettait l'ennemi anglo-saxon au second plan. Par son hostilité à l'égard des puissances thalassocratiques anglo-saxonnes, Valois a été un précurseur et a fait montre d'une remarquable clairvoyance. En effet, en février 1923, Londres et Washington imposent une limitation du nombre des navires de guerre. L'Allemagne est particulièrement visée, bien sûr. Mais l'Italie et la France sont presque traitées avec la même rudesse. Valois s'insurge contre cette entorse aux souverainetés nationales des pays romans. Aujourd'hui, dans la construction de projets spatiaux, dans l'organisation de nos exportations de céréales, dans la coopération en matières nucléaires avec des pays latino-américains ou arabes, les Etats-Unis sabotent toute initiative européenne. C'est la conséquence de leur intervention dans les affaires de notre continent en 1917. Le Faisceau  soulignait là un problème grand-européen qui n'a pas cessé d'exister, qui s'est même renforcé par la seconde intervention des Etats-Unis en 1942 (débarquement en Afrique du Nord).

 

La vision du monde de Valois, contrairement à ce que semble dire Sternhell, est, elle aussi, marquée par deux dualismes d'essence "raciste": le dualisme Aryen/Asiate et le dualisme Aryen/Juif. La phobie du "péril jaune" tourmentait Valois et il rangeait la Russie entre l'Asie et l'Europe, la considérait comme une puissance tantôt asiatique tantôt européenne. Le dualisme aryen/juif correspond à l'héritage du XIXème siècle que véhiculent presque tous les penseurs, théoriciens et journalistes fascistes. Valois est aussi l'initiateur du culte de Jeanne d'Arc. Sur le plan des analyses comparatives entre doctrines allemandes et doctrines françaises que les historiens seront inmanquablement amenés à faire, un rapprochement entre l'hostilité de Valois à l'égard des thalassocraties et celle de l'Allemand Sombart à l'égard de la Händlermentalität  anglo-saxonne (mentalité marchande) s'impose. Signalons que Sombart est un ex-marxiste qui confère au catholicisme un rôle non négligeable de barrage contre la progression de l'esprit marchand en Europe continentale. En Flandre, Sombart était fort lu chez les catholiques autoritaires (et fascistoïdes dirait-on aujourd'hui). C'est Victor Leemans qui l'a introduit à l'Université de Louvain par une brochure excellente sur le plan didactique: Werner Sombart. Zijn Economie en zijn socialisme , De Nederlandsche Boekhandel, Antwerpen, 1939.

 

Valois n'a pas eu d'héritiers, si ce n'est, dit Sternhell, le francisme de Bucard. Mais Bucard n'était ni un économiste brillant comme Valois ni un bon analyste des relations internationales. Son fascisme sera religieux, à la limite du caricatural. Il sera fait de défilés et de cérémonies aux morts. Il sera tout rituel. Sans avoir le moindre impact sur les événements de la vie politique française. Ce fascisme réellement naïf sera l'un des premiers à être "internationaliste", c'est-à-dire attentif et sympathique à l'égard des mouvements similaires d'au-delà des frontières de l'Hexagone.

 

Le deuxième fascisme: 1930-1940

 

Ce deuxième fascisme sera un fascisme de journalistes, écrit Pierre-Marie Dioudonnat (in: Je suis partout. 1930-1944. Les maurrassiens devant la tentation fasciste , Paris, La Table Ronde, 1973). Non pensé, non érigé en système à la façon marxiste ou hégélienne, ce fascisme est "senti". Il est plus vitaliste-barrésien que positiviste-maurrassien. C'est d'ailleurs ce qui consomme la rupture de la plupart de ces fascistes de la deuxième génération avec Maurras. Enfin, il prend nettement ses distances avec le "nationalisme intégral" du chef de l'Action Française et se déclare "internationaliste", partisan du "fascisme immense et rouge". Ce fascisme a la faiblesse de ne pas constituer une doctrine de d'Etat. Il est impossible de le considérer comme une théorie de la société que ses adeptes chercheraient à traduire dans le concret. Chaque écrivain, chaque journaliste du célèbre "Je suis partout " crée son propre fascisme. Les expériences personnelles s'avèrent déterminantes. L'occasionnalisme est ici roi, pour reprendre la terminologie critique de Carl Schmitt à l'encontre du romantisme allemand et de celui de Lamartine. Pour ce que Paul Sérant nommait le "romantisme fasciste", le reproche schmittien d'occasionnalisme nous apparaît également valable. Dans l'orbite de Je suis partout , évoluent d'anciens communistes (comme Doriot), d'anciens socialistes (comme Déat), d'anciens radicaux de gauche à tendances nationales-jacobines, d'anciens pacifistes enthousiastes de la SDN (comme de Brinon), d'anciens conservateurs (comme Gaxotte), d'anciens nationaux-républicains et d'anciens royalistes d'AF.

 

Cette diversité ne permet pas de former un mouvement unique, un seul parti d'union des forces fascistes. Celui qui a eu le plus de succès, dans ce sens, fut Doriot avec son PPF, parce qu'il est parti d'une base préalablement communiste dans son fief de la banlieue rouge de Paris, notamment la ville de Saint-Denis. En revanche, sur un plan strictement métapolitique, l'influence de ces journalistes et écrivains s'est fait sentir bien au-delà des groupuscules fascistes.

 

Sternhell a suscité beaucoup de polémiques en France depuis la parution de son dernier livre parce qu'il avait inclu dans la mouvance fasciste le personnalisme chrétien d'un Emmanuel Mounier, fondateur de la revue Esprit . Mounier était pourtant resté très critique à l'égard du fascisme. Il a admis que le fascisme soulevait de bonnes questions mais que, non spiritualiste, sa révolution demeurait insuffisante. Ce personnalisme avait reçu les influences du socialiste belge Henri De Man et s'était penché sur la tradition proudhonienne. La figure de Proudhon, rappelons-le, avait déjà rapproché royalistes de gauche et anarcho-syndicalistes au sein des Cahiers du Cercle Proudhon , revue fondée en 1911 et à laquelle Sorel avait collaboré. Sternhell ne distingue pas, je crois, les problèmes de fond des problèmes de langage. Mounier et les siens voulaient acquérir une audience politique et ne pouvaient faire autrement que de sacrifier aux modes du temps. Indubitablement, le fascisme et le national-socialisme avaient lancé des modes: celle du culte des corps et du sport, celle de la communauté populaire et des vertus intégratrices du nationalisme. Mounier se serait automatiquement marginalisé s'il n'avait pas tenu compte de ces engouements.

 

L'expérience des néo-socialistes s'axe sur l'œuvre de Henri De Man (Cf. notre article in Etudes et Recherches  n°3, GRECE, Paris, 1984). De Man apporte les influences allemandes, parallèlement à la découverte de l'idée de communauté, théorisée par Tönnies en Allemagne et introduite en France par Raymond Aron en 1935. De Man, du temps où il séjournait en Allemagne, avait édité ses ouvrages chez l'éditeur conservateur-révolutionnaire Eugen Diederichs (Cf. La "Konservative Revolution" et ses éditeurs  par Michel Froissard in Vouloir , n°13, février 1985, Wezembeek-Oppem). Diederichs voulait dé-barrasser le mouvement ouvrier des "scories" d'un marxisme dépassé.Les livres de De Man lui paraissaient importants dans cette optique. Sternhell comprend parfaitement l'importance de De Man dans la genèse d'un socialisme alternatif français. Mais faut-il prendre le néo-socialisme français pour un "fascisme"? N'ayant lu de De Man que les seuls ouvrages traduits ou rédigés directement en français, Sternhell ne comprend guère les contextes allemand et belge où est né le planisme demaniste. Sternhell ne maîtrise pas les langues allemande et néerlandaise et risque de considérer De Man comme un penseur français parmi d'autres ayant exercé une influence sur de futurs collaborateurs tels Déat. En fait, c'est parce que Déat, sociologue de formation, s'est fortement inspiré de De Man que Sternhell range le socialiste belge parmi les théoriciens pré-fascistes voire fascistes. De Man reste une sorte de keynésien doté d'une forte influence allemande. Sa doctrine se résume en quelques points (du moins nous bornons nous ici à n'en soulever que les principaux):

 

1) Le matérialisme marxiste est dépassé. Il faut remplacer le déterminisme marxiste par une "théorie des mobiles", c'est-à-dire une assise philosophique qui tienne compte des acquis des sciences psychologiques. Or Sternhell avait considéré le déterminisme comme la pierre angulaire du "pré-fascisme" d'un Vacher de Lapouge, d'un Taine et d'un Soury. Le fascisme est-il dès lors à la fois déterministe et anti-déterministe? L'une position n'exclut-elle pas automatiquement l'autre? Il faut relever, me semble-t-il, cette contradiction majeure. La réponse au débat qu'elle appelle se trouve chez Diederichs. Avant 1914, Diederichs publie Jaurès, les écrits du socialiste suédois Steffen, puis, après la Grande Guerre, ceux de De Man parce qu'ils tiennent tous compte de l'apport philosophique de Bergson. Vacher de Lapouge, marxiste au départ, passe au déterminisme biologique. C'est pour donner au socialisme une puissance que le déterminisme marxiste ne pouvait lui conférer. Chez Vacher de Lapouge, l'homme reste agi par sa race, par sa biologie. Mais on peut purifier une biologie défaillante par l'eugénisme, dit Vacher de Lapouge (et après lui, Montandon et Martial). De Man restaure la volonté de l'homme, donc un "libre arbitre" correcteur. Mounier, en tant que chrétien, se soucie aussi de la préservation d'une forme ou d'une autre de "libre arbitre". Aux yeux des contradicteurs de Sternhell (comme Gilbert Comte, cf. infra), c'est une erreur de vouloir assimiler au fascisme le personnalisme de Mounier, puisque celui-ci tient compte du libre arbitre, seul garant de la démocratie et de la liberté humaine. De Man, par son volontarisme, intéresse les disciples et les amis de Mounier. La distinction entre "fascisme" et "non-fascisme" passerait-elle par une acceptation ou un refus du libre arbitre? Sternhell aurait dû y penser pour s'éviter les polémiques.

 

De Man se situe à la charnière puisque l'homme socialiste, pour lui, est agi par une soif de nature psychologique: vouloir une dignité . Un person-naliste ne peut rester sourd à ce plaidoyer et à cette démonstration.

 

2) De Man distingue le socialisme du "marxisme vulgaire". Ce dernier ne serait qu'une vulgate maniée par les oligarques des partis socialistes ayant perdu leur punch révolutionnaire.

 

3) L'idée du socialisme allemand, c'est-à-dire d'un socialisme conforme à chaque peuple a très longtemps préoccupé De Man. Il a indubitablement subi les influences de Sombart, Rathenau, Rosa Luxemburg (son spontanéisme), des dissidents de la SPD, de Keyserling et vraisemblablement du livre d'Ernst Jünger, Der Arbeiter. Dans l'ensemble, son œuvre vise à remplacer l'archaïque matérialisme, le vieux déterminisme marxiste par un volontarisme qui ne parie pas sur les "forces obscures" de la race, comme chez Barrès, mais sur la puissance que peut déployer l'aspiration humaine à la dignité. La nuance est de taille et je crois que Sternhell ne l'a pas entièrement perçue. Certes, l'aspiration à davantage de dignité et les pulsions obscures relèvent l'une et l'autre de l'irrationnel. Mais tous les irrationnels sont-ils identiques? Faut-il reprendre la dichotomie posée jadis par Lukacs dans Die Zerstörung der Vernunft  ?

 

L'internationalisme fasciste

 

Il est légitime de dire, avec Pierre-Marie Dioudonnat, que l'internationalisme du fascisme des collaborateurs de Je suis partout  constitue à la fois une réponse et un défi à l'anti-fascisme organisé des intellectuels parisiens et des émigrés anti-fascistes d'Allemagne. L'internationalisme se renforce par le culte des actes beaux: la résistance des défenseurs de l'Alcazar, la guerre d'Espagne, les Jeux Olympiques de Berlin en 1936, les "cathédrales de lumière" de Nuremberg auxquelles participèrent Robert Brasillach, Lucien Rebatet et le futur Sénateur rexiste Pierre Daye, lui aussi collaborateur de Je suis partout . Parmi les événements commentés positivement, il y avait la victoire électorale de Léon Degrelle à Bruxelles en 1936. Mais le mouvement de Degrelle, à cette époque, n'avait vraiment pas encore grand'chose de commun avec les autres fascismes ou avec le national-socialisme allemand: pas de chemises ni d'uniformes, peu de drapeaux, un ancrage très net dans le milieu catholique. Le rexisme de 1936 était une réaction spontanée de citoyens écœurés par les turpitudes politiciennes et cherchant des garanties contre un chômage qui les menaçait en permanence.

 

Cet internationalisme se complète d'un culte vitaliste, d'une idée de la jeunesse (que Rex s'annexait puisqu'il s'affirmait le représentant des "jeunes plumes" contre les "vieilles barbes"), de la notion de joie . En effet, c'est sans doute l'énergisme de Barrès qui constitue le lointain ancêtre de cette idée de joie . Mais est-ce, à cette époque, une caractéristique du seul fascisme? Certes, le Dr. Robert Ley crée, en Allemagne, l'organisation Kraft durch Freude (La force par la joie) . Mais le monde socialiste marqué par le marxisme n'y reste pas étranger. De Man avait écrit La joie du travail , dans une perspective socialiste et le Front Populaire, quand il accède au pouvoir, en France, fait éclater partout sa joie: danses, pique-niques, vacances, auberges de jeunesse, randonnées à bicyclette, etc... Brasillach, lui, ricanait des "congés payés" tout en s'émerveillant des réalisations sociales de l'Allemagne nationale-socialiste, où les ouvriers partaient aussi en congés payés; sur les navires de l'organisation Kraft durch Freude , ils partaient en croisière en Baltique, en Méditerrannée, dans les fjords de Norvège,... Est-ce, chez Brasillach, une pointe de conservatisme au milieu d'une explosion de joie révolutionnaire, à la fois fasciste et socialiste? Curieusement, libéraux et conservateurs n'ont jamais sacrifié au culte de la joie. Les nouveaux sociaux-démocrates d'après 1945, à vrai dire, non plus... Sic transiit gloria mundi...

 

La collaboration et l'épilogue

 

Le fascisme français n'a jamais vu ses idées traduites dans la réalité. Après la défaire de 1940, le gouvernement de Vichy organise, dans la mesure de ses moyens, la société française selon les critères du "conservatisme" et du "corporatisme" de la droite traditionaliste catholique. Le modèle n'est ni l'Italie de Mussolini ni l'Allemagne de Hitler, mais le Portugal de Salazar ou l'Espagne de Franco voire l'austro-fascisme clérical et réactionnaire de Dollfuß. On renoue avec l'esprit anti-révolutionnaire des milieux royalistes les plus sclérosés. On se réfère aux thèses les plus à droite de Maurras.

 

Face à cette situation, les écrivains et journalistes de Je suis partout  adhèrent au "mythe SS", à l'idéologie internationaliste que véhiculaient les centres de recrutement de la Waffen SS. De ces centres est né un véritable "européisme" très différent du "nationalisme intégral" de Maurras. La dimension cesse ici d'être étroitement "nationale" pour prendre une ampleur "continentale". La presse allemande traduite en Français, comme l'hebdomadaire berlinois Signal , répand cette idéo-logie européenne. Les références à l'histoire et au "Reich fédérateur" introduisent en France une nouvelle vision du politique. Qui n'a guère eu d'épigones, faut-il l'ajouter.

 

Le PPF de Doriot, formation solide avant-guerre, passe du communisme de ses membres fondateurs au fascisme anti-communiste, surtout quand Doriot lui-même devient lieutenant de la Wehrmacht. L'anti-communisme du PPF prend souvent des tournures passionnelles et l'empêche d'élaborer un socialisme nouveau, inspiré, par exemple, des idées de De Man.

 

Parmi les écrivains les plus originaux et les plus typiques de l'époque, citons Drieu La Rochelle. Ancien combattant de la Grande Guerre, il est un écrivain hors ligne, fasciné par le mythe de la jeunesse et le culte de la force. Malheureusement, sa personnalité demeure fragile. Il ne sera pas un capitaine politique. Dans l'évolution doctrinale, dont nous venons d'esquisser les grandes lignes, Drieu a toute sa place car son culte de l'énergie l'a conduit successivement à admirer le monde anglo-saxon, puis le national-socialisme allemand et, enfin, peu de temps avant son suicide, il a placé ses espoirs dans les potentialités de la Russie de Staline.

 

Les réactions à l'encontre des thèses de Zeev Sternhell

 

Nous avons examiné trois réactions très différentes: celle d'Armin Mohler, auteur de Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1933 , celle du Club de l'Horloge, laboratoire d'idées des droites libérales en France (RPR,UDF,FN) et, enfin, celle du journaliste du Monde , Gilbert Comte, qui nous signale les détournements possibles, à des fins politiques, de l'œuvre de Sternhell.

 

Armin Mohler se félicite du succès des travaux de Sternhell parce qu'ils sortent les recherches sur le fascisme d'un ghetto où philosophes et sociologues voulaient encadrer ce phénomène politique très complexe dans des concepts trop rigides. Les études de Sternhell, écrit-il dans Criticón (n°76, mars-avril 1983), sont le fruit d'un travail d'historien qui ne se préoccupe que de saisir des événements uniques. L'unicité de ces événements interdit précisément de les enfermer dans des catégories toute faites, catégories qui seraient marquées du sceau de l'universel. Mohler apprécie le fait que Sternhell se soit davantage penché sur le fascisme proprement politique et non sur le fascisme de salon (dixit Mohler) ou le fascisme littéraire. Ensuite, il souligne l'importance de l'analyse strictement française que pose Sternhell. Pour Mohler, en effet, la France est le bouillon de culture d'une intelligence fasciste à l'état pur, qui ne se retrouve nulle part ailleurs en Europe. Si l'Italie et l'Allemagne ont connu des régimes "fascistes" (ou plus ou moins qualifiables comme tels) pendant vingt-et-un ou douze ans, la France a généré, elle, un fascisme épuré où transparaissent toutes les thématiques dans un langage simple, limpide, beau, facilement maniable et communicable aux masses. Pour Mohler comme pour Sternhell, c'est donc la France qui a inventé le fascisme à défaut de l'avoir mis en pratique. Le fascisme français doit sa pureté au fait qu'il n'est jamais passé à la pratique et aux compromissions qu'elle implique. Le "consensus républicain" a été inébranlable. Aussi inébranlable que les cénacles où germaient les diverses pensées fascistes françaises. Mohler admire aussi, chez Sternhell, le choix de la chronologie. Une chronologie exacte, figée, est impossible à déterminer pour ce qui concerne l'émergence, le développement et l'effondrement du fascisme français. Il existe une sorte de continuité qui va de 1885 à 1940. Mais Sternhell perçoit parfaitement, dit Mohler, que les années qui précédèrent 1914 sont plus importantes que celles d'après la Grande Guerre. Les fondements sont jetés; les générations ultérieures n'ont fait que les exploiter.

 

Autres mérites de Sternhell selon Mohler: il néglige l'étude des groupuscules bizarres, il considère que le fascisme, à son époque, est une idéologie comme les autres et non une aberration vis-à-vis de lois de l'histoire soi-disant infaillibles; pour Sternhell, enfin, le fascisme n'est pas le propre de groupes sociaux bien déterminés. La cause du fascisme ne réside pas dans une quelconque crise économique ou dans les résultats de l'une ou l'autre guerre mais bien dans l'effondrement de vieilles valeurs, de vieilles certitudes. Il est le produit d'une crise de civilisation.

 

Les valeurs qui s'effondrent sont celles du libéralisme, ce sont les convictions de la fin du XVIIIème. Les catalyseurs du phénomène fasciste sont surtout les "révisionnistes de gauche", soréliens ou adeptes des thèses de Labriola, de Michels, de Lagardelle et, plus tard, de Henri De Man. Le fascisme enregistre des succès parce qu'il faut aller, comme le disait De Man, au-delà du marxisme . La marque du socialisme révisionniste est telle qu'aucune équation entre fascisme et conservatisme ne s'avère possible.

 

Ce fait, qu'aucune équation entre fascisme et conservatisme ne s'avère possible, le Club de l'Horloge parisien compte bien l'exploiter. Pour poser l'équation "socialisme = fascisme", dans un but politicien et électoraliste. Henry de Lesquen rappelle les thèses de Sternhell pour signaler que le fascisme et la droite (à laquelle de Lesquen veut s'identifier) s'opposent et que, contrairement aux apparences, le nationalisme les sépare! Au cours du même colloque (consigné dans un livre intitulé Socialisme et fascisme: une même famille? , Albin Michel, Paris, 1984), le professeur François-Georges Dreyfus part, lui, de l'analyse de Hayek et met en exergue de sa contribution une phrase de Moeller van den Bruck, citée par l'auteur de The Road to Serfdom : "Toutes les forces antilibérales se liguent contre tout ce qui est libéral". Dreyfus explique la filiation qui relie le fascisme italien au socialisme révisionniste, le doriotisme au communisme pragmatique de son chef avant son émancipation par rapport au PCF, les éléments socialistes de la Konservative Revolution (Sombart, le "socialisme prussien" de Spengler et de Moeller van den Bruck, etc.), les racines socialistes de la NSDAP et leur mise en pratique sous l'impulsion du Dr. Ley. Dreyfus, tout en utilisant quelques arguments teintés de racisme (il évoque l'asiatisme  de certains penseurs allemands comme Keyserling, Rathenau et surtout...Spengler! Cette notion d'asiatisme , il la puise dans l'ouvrage du maurrassien Henri Massis, L'Occident et son destin ), cherche a jeter les bases d'une interprétation néo-libérale des phénomènes politiques du XXème siècle. Il s'agit de rejeter a priori les idéologies ou les pensées qui se situent en marge des traditions libérales et social-démocrate keynésienne. Le communisme orthodoxe et le fascisme sont ainsi fourrés dans le même sac, parce qu'ils n'acceptent pas l'organisation libérale de l'économie de la planète. En fait, c'est un maccarthysme doré que nous livre le Club de l'Horloge. Il n'est plus question de mettre en doute le bien fondé des idées personnelles de Thatcher et de Reagan, puisées chez Friedmann et Hayek, von Mises et les néo-conservateurs américains.

 

C'est également ce que craignent Gilbert Comte et Claude Julien (directeur du Monde Diplomatique). Le point de départ de leur critique vient du fait que Sternhell juge le personnalisme de Mounier proche des fascismes des années trente. Claude Julien, dans son éditorial du Monde Diplomatique de mars 1985, écrit: "Pour que ce "libéralisme" (celui que redécouvre Louis Pauwels en même temps que les vertus chrétiennes et l'efficace stratégie de la secte Moon, ndlr) puisse prospérer, il importe de discréditer tous ceux qui, dans un passé encore proche, osaient en dénoncer les tares et lui opposer une autre conception de l'homme et de la société...". Claude Julien montre bien ici à quelles fins les thèses de Sternhell pourraient servir: la défense et l'illustration d'un "totalitarisme libéral", hostile à tout autre vision de la société que celle qui la soumet aux lois du marché. Et il ajoute: "Le reaganisme et le néo-libéralisme voudraient briser les solidarités humaines qui font la vitalité d'une société, tout subordonner à de prétendues lois économiques, évacuer tout idéal qui oserait s'opposer au matérialisme capitaliste; bref, leur affairisme et leur pseudo-réalisme renverraient dans les marges toute option qui ne serait pas exclusivement dictée par d'arbitraires priorités économiques. Enfin deviendrait gouvernables des sociétés ainsi dépolitisées ". Voilà donc l'analyse que posent Julien et Comte. Les transgressions sont dangereuses. Point de salut hors des ukases libéraux.

 

Certes, reprocher à Sternhell son manque de sérieux dans l'analyse des sources, comme le fait Gilbert Comte (Cf. Zeev Sternhell, "historien" du fascisme en France , in: Le Monde Diplomatique , mars 1985), est sans doute un peu fort. Néanmoins, inclure tous les révisionnismes socialistes et le personnalisme chrétien de Mounier dans une idéologie qui constitue "le diable" pour nos contemporains, permet des récupérations politiques dans le style de celle d'Henry de Lesquen et de François-Georges Dreyfus. Récupérations qui renforcent la restauration libérale qui, en Angleterre, aux Etats-Unis et en Belgique, est en train d'allier le libéralisme à l'Etat policier. Un phénomène est ainsi en gestation: le libéralisme policier. L'Europe connaît son "pinochetisme".

 

Quelle conclusion tirer de l'œuvre de Sternhell? D'abord que les manichéismes faciles sont désormais révolus. Le fascisme, démon rituel de nos médias, a été un phénomène capillarisé dans l'ensemble des sociétés européennes. Personne n'y a échappé, même pas ceux qui l'ont combattu. Il a exercé des séductions irréfutables. Le processus d'exorcisme, à l'œuvre depuis quarante ans, est donc condamné à l'échec: les thèses du fascisme, dont finalement aucune ne lui est propre, sont susceptibles de revenir sous divers oripeaux, écologistes, conservateurs ou socialistes. A propos du nationalisme, le sociologue ouest-allemand Arno Klönne (in: Zurück zur Nation? , Diederichs, Köln, 1984; Cf. également, Martin Werner Kamp, Retour à la nation?  in: Vouloir  n°15/16, avril-mai 1985) a montré comment les thèses néo-droitistes, écologistes, le nationalisme de gauche de Herbert Ammon et de Peter Brandt (le fils de Willy), le nationalisme plus traditionnel, fichtéen et idéaliste, de Bernard Willms, le neutralisme allemand actuel, les thèses "nationales-révolutionnaires" portées par des revues comme Aufbruch  et Wir Selbst , l'analyse des sociétés occidentales effectuée par le sociologue conservateur Günther Rohrmoser, se mélangent en un cocktail explosif qui risque de reléguer le vieux conformisme libéral au dépotoir de l'histoire, réalisant en même temps un pas en avant vers la réunification allemande et la libération continentale à laquelle aspirent tous les Européens conscients, de l'Est comme de l'Ouest. Un fructueux pot-pourri, semblable à celui où ont germé non seulement les fascismes français, mais aussi les socialismes révisionnistes et le personnalisme chrétien (les "transgressions" de ce siècle), est en train de se constituer en Allemagne Fédérale aujourd'hui. Ce phénomène s'exporte rapidement dans tous les pays de l'Est européen, sous domination soviétique. Face à cette germination, un événement comme celui qui a secoué la France de la fin 1984 aux législatives de mars 1986, le phénomène Le Pen, est dérisoire. L'homme intelligent ne doit pas perdre de temps à analyser cette réaction épidermique, privée de toute espèce de clairvoyance politique et économique.

 

Aujourd'hui aussi les manichéismes s'effondrent.

 

Les libéraux aimeraient pourtant les restaurer. Ils aimeraient voir le monde divisé en "bons libéraux" et en "mauvais tous les autres". Pour sortir de l'impasse, la lecture de Sternhell nous apparaît indispensable; mais en tenant compte des avertissements d'un maître contemporain, Claude Julien.

 

Robert STEUCKERS.

Bruxelles, février-juin 1985.

samedi, 12 décembre 2009

Gabor Vona: "Eco-Sociale Nationale Economie"

gabor_vona.jpgGábor Vona: “Eco-Sociale Nationale Economie”

Ondertussen toch al een paar maanden oud, maar daarom niet minder actueel. Gábor Vona van de Hongaarse partij Jobbik schreef volgend stuk over de socio-economische visie van zijn partij. En al zijn er zekere opmerkingen te maken over Jobbik, toch is het een goed artikel. Hier de volledige tekst en hieronder een paar uittreksels:

Liberal market economy and global capitalism are twins, they presuppose one other. If one of them comes to an end the other becomes meaningless. Competition based economy–in other words, economy based on unregulated capital–has gone bankrupt, in front of our very eyes that in the mean time, destroyed the social fabric of society; in the wake of destruction, one thing has remained for people, the possibility to sacrifice themselves on the altar of multinational corporations. [...]

[...] The question might arise: why do we Hungarians have to care about the problems of the world when we have our own to deal with? The answer is simple: because the problems of the world affect us, perhaps more than we think if we don’t implement preventive measures–perhaps first among all nations. [...]

[...] Today, we need Eco-Social National Economy. The phrase perhaps a bit crooked but in time, we might find a better one, but now the important thing is to understand its meaning. [...]

[...] This economy is called national because the nation is the largest natural-historical formation and it can be conceived as a unified whole, both culturally and economically. It is essential not to conceive this idea in a narrow sense, like protecting small, local businesses or farmers but expand it and incorporate state involvement in economic activities, such as utilizing natural resources, dealing with strategic industries and envisioning an economic perspective where strategic operations remain in government hands or if necessary re-nationalize these sectors. [...]

6 december 2009 Geplaatst door Yves Pernet

mercredi, 09 décembre 2009

L'alternative socialiste européenne

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L'alternative socialiste européenne

Ex: http://unitepopulaire.org/

« Le socialisme a été, au XIXe siècle, une réaction contre les brutalités sociales de l’industrialisation dans une société dominée socialement par la bourgeoisie et idéologiquement par les libéraux. Mais le socialisme a toujours ambitionné d’être autre chose. Notamment de s’inspirer d’une autre vision de l’homme. Un homme non pas seulement ni même principalement régi par ses intérêts mais à la recherche de la satisfaction d’exigences fondamentales comme du lien social et de la coopération.

En d’autres termes, tout socialisme repose sur une anthropologie distincte de celle des libéraux. Il repose sur une anthropologie non individualiste. En conséquence, il ne peut y avoir de social-libéralisme : il faut choisir, et les socio-libéraux, par exemple le parti actuellement dit socialiste, ont choisi, ils ont choisi le libéralisme. En identifiant le socialisme à la liberté au sens de l’autonomie de chacun, Jacques Généreux dit très justement : "Ce sont les liens qui libèrent." (Le Socialisme Néo-Moderne ou l’Avenir de la Liberté, Seuil, 2009). Tout est dit : à savoir que la vraie liberté, c’est d’assurer autour de l’homme l’existence et la vitalité d’un réseau de solidarités.

Sur cette base d’une vision "solidariste" de la société, qui exclut les schémas de pure rivalité et d’addition d’égoïsmes, les socialistes ont proposé bien des projets dès le XIXe siècle. En écartant les utopies les plus précoces et souvent les plus idéalistes, les plus intéressants des projets ont toujours été ceux qui prenaient appui sur l’expérience ouvrière elle-même pour proposer des restaurations de la maîtrise du travail de chacun, ou encore des autogestions, ou encore des autonomies ouvrières. A côté de cela, la part faite à l’Etat dans les projets socialistes a toujours été variable, sachant que l’Etat fait partie du politique mais n’est pas tout le politique. […]

La révolution socialiste dans l’aire de civilisation européenne comme réponse concrète et comme mythe mobilisation pour nos peuples. Ainsi pourra-t-il être mis fin au pseudo-"libre-échange" des hommes et des marchandises, c’est-à-dire à la "chosification" de l’homme. Ainsi l’immigration de masse pourra-t-elle être enrayée. Ainsi le déracinement pourra-t-il faire place aux liens sociaux de proximité et aux identités reconquises. Ainsi la nation pourra-t-elle être à nouveau aimée comme patrie socialiste dans une Union des Républiques Socialistes Européennes. Un beau programme, moins irréaliste qu’il n’y paraît, car l’illusion serait de croire qu’on peut rester libre dans le monde de l’hyper-capitalisme mondialisé. »

 

Pierre Le Vigan, "Union des patriotes contre le mondialisme ?", Flash n°13, 7 mai 2009

mardi, 08 décembre 2009

Gildensozialismus

urzelparade_agnetheln.jpg Gildensozialismus

Ex: http://rittermabuse.wordpress.com/

Aus:

Harry Graf Kessler
Aufsätze und Reden 1899-1933

Gildensozialismus

(1920)

Bolschewismus und »Spartakismus« nehmen vor der Öffentlichkeit soviel Raum ein, daß die Entwicklung einer anderen, tief bedeutsamen Richtung innerhalb des Sozialismus ziemlich unbemerkt erfolgt ist. Diese neue Richtung macht sich seit kurzem in mannigfaltigen Formulierungen fast gleichzeitig in Deutschland, Österreich und England bemerkbar. Ihre Geschichte weist zurück auf den französischen Syndikalismus der ersten Jahre des Zwanzigsten Jahrhunderts, der – von Georges Sorel und seinem Intellektuellenkreis formuliert – die bis dahin bei der radikalen französischen Arbeiterschaft herrschende staatssozialistische Doktrin revolutionierte. Jener staatssozialistischen Idee setzte nämlich Sorel ein Programm entgegen, das als Ziel die Selbstherrlichkeit des einzelnen Betriebes oder wenigstens Produktionszweiges und die unbeschränkte Herrschaft seiner Arbeiter über seine Produktionsmittel und Produkte forderte und als wirksamstes Mittel zu diesem Ziele nicht erst die Eroberung der Staatsgewalt, sondern die direkte Besitzergreifung aller Produktionsmittel durch die Arbeiter mithilfe des Generalstreiks proklamierte. Aus diesem Ideenvorrat holte oder schuf sich die erste russische Revolution (1905) den Rätegedanken. Gleichzeitig begann aber auch schon der Syndikalismus den von ihm heftig bekämpften Marxismus zu befruchten. Und diese Kreuzung war der Ausgangspunkt der jetzt hervortretenden neuen Anschauungen.

Für ihre Verbreitung in Deutschland und Österreich muß es hier genügen, auf Otto Bauers ›Weg zum Sozialismus‹ und auf sein neues, glänzendes, in der ›Vossischen Zeitung‹ bereits ausführlich gewürdigtes Buch ›Bolschewismus oder Sozialdemokratie‹ hinzuweisen, ferner auf Hilferdings ›Mehrheitsbericht‹ der deutschen Kohlensozialisierungskommission sowie auf mannigfache Vorschläge von Walther Rathenau, Georg Bernhard und anderen für eine planmäßige Selbstverwaltung der Produktion. Diese Vorstellungen und Vorschläge nähern sich, von einer andern Seite, der sozialistischen Grundanschauung der ›Sozialistischen Monatshefte‹ und dem daraus folgenden Postulat eines Aufbaus der Gemeinschaftsproduktion, wie es auf dem zweiten Rätekongreß in Berlin von Julius Kallski und Max Cohen vertreten wurde.

In England, wo der französische Syndikalismus durch die Agitation des fanatischen und hochbegabten Arbeiterführers Tom Mann einen stürmischen, aber kurzlebigen Erfolg errang, gab den Anstoß zum sogenannten »Gildensozialismus«, in dem dort sich die neuen Anschauungen verkörpert haben, das 1906 erschienene Buch von Arthur J. Penty: ›The Restoration of the Gild System‹. Die eigentliche Theorie entwickelten in den nächsten Jahren die Schriftsteller A. R. Orage und S. B. Hodson in ihrer Zeitschrift ›The New Age‹ in einer Aufsatzreihe, die sie dann als Buch: ›National Guilds‹ herausgaben. Zu Einfluß gelangte die ganze Bewegung aber erst im Kriege, als die Notwendigkeit sich ergab, neue organisatorische Lösungen vorzubereiten für den Abbau der Kriegswirtschaft und für den Aufbau einer neuen Friedenswirtschaft. Ostern 1915 war als Propagandazentrum die ›National Guilds League‹ in London gegründet worden, und das allgemeine Bedürfnis nach neuen Organisationsformen der Wirtschaft bahnte ihren Ideen schnell einen Weg in die Arbeiterbewegung. Vor allem waren es gewisse einflußreiche Arbeiterführer, die das neue Programm in die Arbeiterschaft einzelner großer Produktionszweige hineintrugen. So schloß sich zum Beispiel der Generalsekretär der Bergarbeiterföderation Großbritanniens, Frank H. Hodges, der ›National Guilds League‹ an und begründete die 1918 vom Bergarbeiterkongreß der Regierung präsentierte Vorlage für die Sozialisierung des englischen Kohlenbergbaus auf dem Gilden-Gedanken. Auch der Vertreter dieser Vorlage vor dem Regierungsausschuß, der rasch zu großem Ansehen gelangte Arbeiter Straker, gehört zur ›National Guilds League‹. Noch bedeutsamer war der Anschluß der Eisenbahner, die ebenfalls ihr Sozialisierungsprogramm auf dem Gilden-Gedanken aufbauten; denn dieses übernahmen alsbald auch die amerikanischen und französischen Eisenbahner, so daß auch dort bereits eine gewaltige Bewegung den gleichen Zielen wie der Gildensozialismus nachstrebt. Die großen Eisenbahnerstreiks in diesem Jahre drüben und hüben bezweckten die Verwirklichung gerade von gildensozialistischen Forderungen.

Was ist nun das Neue und Positive am »Gilden-Sozialismus«? Zunächst ein großes Mißtrauen gegen den Staat und gegen jede Form des Staatssozialismus. Ein Mißtrauen, das im englischen Gildensozialismus vor allen Dingen wächst aus seinem Haß gegen jede Art von Despotismus. Dieses scheidet auch grundsätzlich den Gildensozialismus vom Bolschewismus. Der Pol, um den sich alle Gedanken der Gildensozialisten drehen, ist der der Freiheit, der zweckmäßigen Sicherung möglichst vollständiger politischer, wirtschaftlicher und kultureller Selbstbestimmung. Auf die Frage, was das Grundübel der modernen Gesellschaft ist, antwortet einer der bedeutendsten gildensozialistischen Schriftsteller, G. D. H. Cole, in seinem Buche ›Self Government in Industry‹ (London 1917): nicht die Armut weiter Schichten, sondern die Versklavung weiter Schichten. Der Arbeiter klagt die heutige Gesellschaft mit Recht an, nicht weil er arm, sondern weil er unfrei ist. »Die Massen sind nicht Sklaven, weil sie arm sind, sondern arm, weil sie Sklaven sind.« Das Problem ist nicht, dem Arbeiter mehr Lohn oder mehr Lebensannehmlichkeiten (etwa auf dem Wege patriarchaler Fürsorge) zu schaffen, sondern ihn zu einem freien Mann zu machen! Das Gegenteil der »gottgewollten Abhängigkeit« muß die Norm werden.

Aber außerdem verbindet er die Idee der Freiheit mit einer von Genossenschaftstheoretikern wie Gierke und dem Staatsrechtslehrer der Universität Bordeaux, Léon Duguit, übernommenen genossenschaftlichen Auffassung vom Aufbau der Gesellschaft und des Staates. Die Gesellschaft und der Staat sind danach nicht bloß ein Sammelsurium von geographisch durch die Landesgrenzen zusammengehaltenen Individuen, sondern ein kunstvolles Ineinanderarbeiten von tätigen genossenschaftlichen Gruppen. Der einzelne Mensch kann gleichzeitig einer ganzen Reihe verschiedener Gruppen (mehreren geographischen, mehreren beruflichen) angehören. Aber jede Gruppe ist trotzdem in sich geschlossen und von einem eigenen, spezifischen Leben erfüllt durch den Zweck, dem sie dient: durch die Funktion, die sie in der Gesellschaft ausübt. Nicht vom Staate, überhaupt nicht durch irgendwelche Verleihung oder »Delegation«, sondern aus sich selbst, aus ihrer Funktion, bekommt die Gruppe nicht bloß ihre Existenz, sondern auch ihr Recht, jedes ihr überhaupt zustehende Recht. Und zu diesen Rechten gehört auch für sie, ebenso wie für den einzelnen Menschen, die Freiheit, d. h. die Selbstbestimmung innerhalb der Grenzen ihrer Funktion. Die umwälzende staatsrechtliche und soziale Bedeutung dieser Anschauungen kann hier nur angedeutet werden. Es würde an dieser Stelle zu weit führen, darauf näher einzugehen. Nur ein Punkt muß noch hervorgehoben werden:

Den Rechten jeder funktionellen Gruppe steht die von diesen untrennbare Pflicht gegenüber, ihre Funktion möglichst vollkommen auszuüben, ihre funktionelle Energie auf das höchste zu steigern und daher allen Fähigkeiten innerhalb der Gruppe den Weg zu öffnen, damit sie ungeschmälert im Sinne der Funktion, der die Gruppe dient, wirken können. Auf dem Umwege über den Begriff der Funktion gelangt daher diese Anschauung zu einer neuen und erweiterten Begründung der menschlichen Freiheit: der Mensch muß frei sein, nicht bloß ganz allgemein als Individuum, als »Zeitgenosse« und gleiches unter gleichen Individuen, weil die Freiheit eine metaphysische oder ethische oder sentimentale Forderung ist; sondern er muß frei sein auch ganz besonders als tätiges Individuum, als spezifisches und ungleiches unter ungleichen Individuen, als Mitträger einer Funktion, als Glied einer innerhalb der menschlichen Gesellschaft spezifisch wirkenden Gruppe, damit seine Kräfte unvermindert zur Stärkung der Funktion, zur Stärkung der Gruppe bei ihrem funktionellen Wirken beitragen. Es ergibt sich ein Begriff der Demokratie, der, weit über das Politische hinausgreifend, alle Gebiete des menschlichen Lebens erfaßt und mit der Zeit verwandeln muß: der Begriff einer die einseitige, bloß politische Demokratie ergänzenden, allseitigen, funktionellen Demokratie, deren Ziel sich knapp in Nietzsches kraftvoll aktivistischen Worten formulieren läßt: »Freiheit sich schaffen, zu neuem Schaffen.«

Der Stellung des Arbeiters im modernen Unternehmen, dem Begriff der Lohnarbeit überhaupt widersprechen diese Forderungen, wie man sieht, von Grund auf. Denn der Arbeiter wird nicht mit allen seinen Kräften, als ganze Persönlichkeit, zur Produktion herangezogen, sondern nur als Lieferant einer Ware, seiner Ware »Arbeit«, die ihm der Unternehmer abkauft.

Und ebenso widersprechen jene Forderungen der Einstellung eines Produktionsprozesses auf den privaten Profit. Denn seine Rechte beruhen nach jener Theorie ausschließlich auf seiner öffentlichen Funktion (nicht auf dem Eigentum des Unternehmers). Seine Einstellung auf den größten privaten Profit statt auf den größten öffentlichen Nutzen und Bedarf ist daher eine Rechtsbeugung.

In beiden Punkten, in dem der Lohnarbeit und dem des privaten Profits, verlangt der Gildensozialismus einen radikalen Umschwung und bietet dafür jene Lösungen, die seine Eigenart ausmachen.

Die Lohnarbeit soll verschwinden dadurch, daß die Verwaltung der Unternehmungen den privaten Kapitalisten entzogen und auf die Gewerkschaften (Trade Unions) übertragen wird. Die Gildensozialisten weisen darauf hin, daß schon heute die Leiter, die technischen und kaufmännischen Direktoren, Aufsichtsratmitglieder usw. der großen Unternehmungen zum großen Teil nicht mehr mit eigenem Kapital arbeiten, sondern bloß Angestellte von Kapitalisten sind. Nunmehr sollen sie statt dessen Angestellte einer Gewerkschaft, der organisierten Werktätigen des betreffenden Produktionszweiges werden, wobei sie selbst als Mitbeteiligte am Produktionsprozeß ihre Stellung innerhalb der Gewerkschaft fänden. Jeder Produktionszweig der englischen Volkswirtschaft würde also eine von seinen sämtlichen organisierten Arbeitern und Angestellten verwaltete ›Nationale Gilde‹, die ganze englische Produktion eine planmäßige Maschine aus lauter selbstverwaltenden nationalen oder nationalföderierten Gilden, deren Mittelstück ein alle einzelnen Gilden zusammenfassender nationaler ›Gildenkongreß‹ zu sein hätte.

Damit wäre in der Tat die Lohnarbeit abgeschafft. Nicht aber ohne weiteres die Einstellung der Produktion auf den Profit. Denn ein selbstverwaltender Produktionszweig könnte ebenso für die in ihm organisierten Werktätigen wie ein kapitalistisches Unternehmen für seine Aktionäre sorgen und ebenfalls bloß auf deren Profit statt auf den gesellschaftlichen Nutzen und Bedarf sehen. Wer letzten Endes bestimmen soll, was und zu welchem Preise produziert wird, bleibt also problematisch. Auch sind sich in dieser Hinsicht die Gildensozialisten selbst noch nicht einig. Aber die Kämpfe, die um diese Frage in ihren Reihen vor sich gehen, sind gerade deshalb lehrreich. Und eine gewisse Klärung scheint sich anzubahnen. Ursprünglich beeinflußt von der staatssozialistischen, besonders durch den Altmeister des englischen Sozialismus, Sidney Webb, vertretenen Anschauung, daß der Staat, d.h. das Parlament der natürliche Vertreter der Konsumenten sei und als solcher das letzte Wort haben müsse, sind jetzt die Gildensozialisten, durch die Kriegswirtschaft abgeschreckt, eher geneigt, den Staat auch bei diesen Fragen zurückzudrängen. Die Sozialisierungsvorlage der englischen Bergarbeiter (1919) überträgt das Bergwerkseigentum nicht auf den Staat, sondern (Art. 5 und 1) auf einen zu gleichen Teilen von der Regierung und den Bergarbeitern (der Bergarbeiterföderation von Großbritannien) ernannten zwanzigköpfigen ›Rat‹ (›Mining Council‹), in dem der Staat nur insofern einen kleinen Vorsprung hat, als der Ratspräsident von der Regierung ernannt und dem Parlamente verantwortlich ist. Die Konsumenten als solche sind nicht vertreten, d. h. eben nur durch die Regierungsmitglieder im ›Rat‹.

Aber der Glaube, daß überhaupt der Staat (d. h. das Parlament) die gegebene alleinige und genügende Vertretung der Konsumenten gegenüber den organisierten Produzenten sein könnte, ist gerade in gildensozialistischen Kreisen stark erschüttert. Cole meint jetzt, daß es eine einzige, allumfassende Vertretung aller Konsumenten, wie der Staatssozialismus sie im Parlamente sehen will, überhaupt nicht geben könne, da die Interessen der Konsumenten viel zu mannigfaltig und widerspruchsvoll seien. Er verlangt zwar, daß die Vertretungen der Konsumenten geographisch abgegrenzt werden, im Gegensatz zu den beruflich abgegrenzten Produzentenorganisationen, lehnt es aber ab, das Staatsgebiet als die einzig maßgebende, ja auch nur als die wichtigste geographische Einheit anzusehen, erkennt vielmehr die Konsumentengruppe, die ein gemeinsames Interesse an irgendeinem Produkt oder Dienste hat, als eine wirkliche, lebendige Einheit an, die nach den Grundsätzen der funktionellen Demokratie von sich aus das Recht hat, die Befriedigung ihrer Bedürfnisse zusammen mit der Produzentengruppe zu regeln, und will daher je nach dem Produkt oder Dienst, dessen Art und Preis geregelt werden sollen, wechselnde Vertretungen der Konsumenten, deren geographische Basis auch verschieden groß sein kann. Also einerseits eine weitgehende Dezentralisation, so daß bei Bedürfnissen persönlicher und häuslicher Art örtliche Konsumvereine die Bestimmung hätten; bei mehr kommunalen Bedürfnissen örtliche, für das besondere Fach oder Produkt spezifische Vertretungen, die nicht etwa identisch wären mit unseren heutigen, unterschiedslos für alle Zwecke gewählten Gemeindevertretungen. Andererseits aber auch nationale und sogar internationale Zusammenfassungen der Konsumenten bei großen, gleichförmigen, nationalen oder internationalen Bedürfnissen oder Diensten. Mit diesem Ausblick, der auf das Gebiet des Völkerbundes hinübergreift, muß diese kurze, leider gar zu unvollständige Darstellung des gildensozialistischen Planes für die Organisation der Erzeugung und Verteilung enden.

Nur ein besonderer Fall soll zum Schluß noch kurz erwähnt werden, weil er die erste praktische Verwirklichung des Gildensozialismus werden könnte. Die Wohnungsnot hat im Januar dieses Jahres die Bauarbeiter von Manchester veranlaßt, ihre verschiedenen Gewerkschaften zu einem Gildenausschuß zusammenzufassen, der faktisch sämtliche Bauarbeiter der Stadt und Umgegend vertritt. Gestützt auf dieses Monopol, hat der Gildenausschuß dem Stadtrat von Manchester angeboten, sofort zweitausend Häuser zu bauen zu einem Preise, der wesentlich niedriger wäre als der von den Bauunternehmern angeforderte. Der Gildenausschuß verlangt als Gegenleistung nur Vorstreckung des nötigen Kapitals, wogegen natürlich die Stadt das Eigentum an den fertigen Häusern bekäme. Aus dem Artikel, in dem Cole (›New Republic‹ vom 3. März 1920) über diesen Plan berichtet, scheint hervorzugehen, daß seine Verwirklichung bevorstand. Man wird seine Fortschritte mit dem lebhaftesten Interesse verfolgen müssen, denn es wäre das erste Beispiel der wenn auch bloß örtlichen Selbstverwaltung eines großen und lebenswichtigen Produktionszweiges.

 

Quelle: http://gutenberg.spiegel.de/?

samedi, 05 décembre 2009

Bertrand de Jouvenel, son amitié pour Pierre Drieu La Rochelle et les non-conformistes français de l'entre-deux-guerres

jouvenel.jpgSéminaire de «Synergon-Deutschland», Nordhessen, 31 octobre 1998

 

Bertrand de Jouvenel, son amitié pour Pierre

Drieu la Rochelle et les non-conformistes

français de l'entre-deux-guerres

 

Le 11 novembre 1918, à onze heures, le vieux continent bascule dans le XXième siècle. L'Europe, qui dépose enfin les armes au soir de quatre années de lutte fratricide, peut contempler horrifiée les derniers vestiges de sa grandeur déchue. Élevés dans le culte positiviste du demi-dieu Progrès, fils de la déesse Raison, dix millions d'hommes, de frères, sont venus expirer sur les rivages boueux, semés de ferraille, tendus de barbelés, de la modernité. Nouveau Baal-Moloch d'une nouvelle guerre punique. Le premier, le poète Paul Valéry baisse les yeux devant tant de gâchis, et soupire: «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles (…) Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie». Malgré les sirènes bergsoniennes, dont le cri s'est depuis longtemps emparé des prophéties de Nietzsche, la France se réveille seulement de ses utopies. Il lui aura fallu pour en arriver là un million et demi de morts, deux fois plus de mutilés, une économie exsangue, un peuple tout entier anémié. Si pour les politiques unanimes, le responsable du massacre, c'est l'Allemand dans son essence, du Kaiser au plus petit fonctionnaire des postes impériales, la jeunesse pour sa part sent confusément que c'est toute l'Europe qui entre en décadence, menaçant jusqu'en leur tréfonds les bases de la civilisation.

 

De quelque nationalité qu'elle soit, le diagnostic de l'intelligentsia européenne est le même: 1918 marque l'entrée fracassante dans la «crise de civilisation». Des voix s'élèvent, d'Allemagne bien sûr avec Oswald Spengler et son Déclin de l 'Occident en 1922, mais aussi depuis la Grande-Bretagne, en les personnes de Norman Angel et le Chaos européen en 1920, ou Arnold Toynbee, qui publie L 'Eclipse de l 'Europe en 1926. Mais aussi depuis les exilés russes avec le Nouveau Moyen Age de Nicolas Berdiaeff (1924) sans oublier la France, Henri Massis et Défense de l'Occident en 1926, René Guénon, La Crise du Monde Moderne (1927) et André Malraux. Celui-ci, porte-parole des littérateurs à tendance révolutionnaire qui n'ont pas connu l'expérience de la guerre, embrasse toute la problématique de son époque dans son opuscule paru en 1926 et intitulé La Tentation de l'Occident .Il écrit: «La réalité absolue a été pour vous Dieu puis l'homme; mais l'homme est mort, après Dieu, et vous cherchez avec angoisse celui à qui vous pourriez confier son héritage. Vos petits essais de structure pour des nihilismes modérés ne me semblent plus destinés à une longue existence...». A droite comme à gauche de l'échiquier politique la désorientation et la révolte sont grandes, et l'on s'insurge contre une société qui a ainsi pu envoyer à la boucherie ses enfants pour le seul bénéfice de la bourgeoisie capitaliste. Beaucoup cherchent alors le salut à venir dans la révolution et se tournent vers un ordre nouveau qui mobiliserait toutes les énergies pour sauver le pays du marasme. Foulant au pied les vieilles chapelles partitocratiques, la jeunesse intellectuelle entre en ébullition dans ses deux décennies 1920-1930, appelant de ses vœux à l'Europe par-delà les patries, à une véritable tabula rasa contre la vieille bourgeoisie molle, fautive du charnier européen, tombeau de la civilisation.

 

Une mentalité générationnelle propre

 

Transcendant les querelles idéologiques, aspirant à prendre les rênes du pouvoir, cette fraction militante, éclatée en divers courants communément regroupés sous l'étiquette «non-conformiste», voit émerger quelques figures marquantes, pour la plupart issues des grands partis traditionnels. L'historien Philippe Burrin, discutant les thèses exprimées par Zeev Sternhell sur le «fascisme français», est arrivé au fil de ses recherches à sérier une mentalité générationnelle propre, unie dans la multiplicité des personnes, des revues, des cercles. Sur le débat non encore clos autour de l'imprégnation du phénomène fasciste sur ses différents mouvements, et par ricochet leur propre part de responsabilité dans l'émergence d'un large courant d'opinion favorable au fascisme (la thèse de la «nébuleuse concentrique fascistoïde» développée par Zeev Sternhell), il est convenu de scinder «l'esprit des années 30» en trois tendances:

- la Jeune Droite de Thieny Maulnier, brillant khâgneux dissident de l'Action Française,

- Esprit d'Emmanuel Mounier,

- et Ordre Nouveau d'Alexandre Marc.

Trois courants autour desquels gravitèrent de plus petites structures telles que Combat ou Réaction. Toutes convergeant vers une commune volonté de rompre avec le «désordre établi» pour un cornmunautarisme fédéral européen

 

Mais à trop focaliser leur travail sur les seules années 30 —relégant par là le mixtum compositum non-conformistes à une émanation supplémentaire de la pensée de droite face à l'hitlérisme—, les chercheurs en sont venus à oblitérer deux faits majeurs de la généalogie non-conformiste: la large provenance d'éléments de gauche, à l'apport théorique considérable pour le développement futur du courant personnaliste, et ce qu'on pourrait définir par esprit de contradiction d'«esprit des années 20», où seront jetées toutes les données de la mouvance.

 

Parmi cette nébuleuse, deux personnalités radicales-socialistes émergent: Bertrand de Jouvenel et Pierre Drieu la Rochelle. En marge du non-conformisme, dans le sillage du politicien Gaston Bergery, Jouvenel et Drieu seront de toutes les aventures intellectuelles de l'entre-deux-guerres. De la collaboration au périodique La Lutte des Jeunes à l'écriture d'essais théoriques inspirés de Henri de Man et au New Deal, en passant par des sommets d'amitié franco-allemande et l'engagement désespéré auprès du PPF doriotiste à la veille de 1939.

 

«De ces groupes, note le ténor du non-conformisme Jean de Fabrègues dans son livre Maurras et son Action Française, à ceux qui font la revue Plans avec Philippe Lamour ou à Alexandre Marc, ou à la Lutte des Jeunes avec Bertrand de Jouvenel et Pierre Andreu, ou à l'Homme Nouveau (...) ou même à Esprit avec Mounier et Izard, court une sorte de commune réaction. On écrira un jour: «la génération de 1930» et c'est vrai». Drieu Jouvenel, deux vies dans le siècle.

 

Deux voyageurs dans le siècle:

 

«Une génération forme un tout. Ceux qui lui appartiennent ont beau différer par leurs principes, leurs conditions, leurs natures? Ils sont plus près les uns des autres que de leurs pères ou de leurs fils. A subir les mêmes contagions, à se mêler aux mêmes combats, à se soumettre aux mêmes modes, aux disciplines sociales, aux conséquences des mêmes découvertes, ils ont acquis une unité morale, une ressemblance physique qu'ils ne remarquent point mais qui paraîtra flagrante à la postérité lorsqu'elle lira leur œuvre ou regardera leurs images». Ce n'est pas à Bertrand mais à son père, Henry de Jouvenel (1), qu'il revient d'avoir le mieux exposé dans La Paix Française, témoignage d'une génération (1932), ce que Denis de Rougemont nommera, pour sa part, «communauté d'attitude essentielle» dans le Cahier des Revendications de la NRF.

 

Dès à partir du milieu des années 20, «années décisives» s'il en est, la contestation s'est amplifiée parmi les rangs de la gauche. Motivé par la marche sur Rome victorieuse de Mussolini, par l'inquisition anti-trotskiste et l'excommunication de l'Action Française, le projet d'une «troisième voie» nationale se fait jour. Rénovation du politique, dynamique jeune, égale réfutation des modèles collectiviste et libéral, libération spirituelle et matérielle de la personne sont au centre des priorités. Tandis que Georges Valois, ancien animateur des Cahiers du Cercle Proudhon, fonde le Faisceau en 1925, un sémillant député radical-socialiste, Gaston Bergery, coordonne la fronde des «Jeunes Turcs» où s'illustre un journaliste fraîchement sorti de l'Université, Bertrand de Jouvenel, qu'inspire le thème de la «Quatrième République» défendu par Bergery. 1928 sera une année capitale pour Jouvenel.

 

Brillant combattant de 14-18, Bergery est rejoint au sein de la tendance réformatrice par un littérateur avec qui il s'est lié en 1916, Pierre Drieu la Rochelle. Mis en présence l'un et l'autre, Jouvenel et Drieu se rejoignent sur leurs espoirs européens, leur foi dans la SDN. Drieu a déjà publié quatre essais pro-européens à l'époque, Etat Civil (2), Mesure de la France (3), Le Jeune Européen (4) et Genève contre Moscou (5), où quatre thématiques essentielles se rejoignent:

- le patriotisme européen,

- la haine de la démocratie libérale,

- la crise spirituelle de l'Europe devant l'essor technologique,

- le socialisme éthique.

«L'Europe se fédérera, ou elle se dévorera, ou elle sera dévorée», écrit-il dans Mesure de la France.

 

Dans l'orbite de Bergery gravite un jeune éditorialiste, Jean Luchaire. Directeur du mensuel pacifiste Notre Temps depuis 1927, il n'hésite pas à ouvrir ses colonnes tant à l'équipe du Faisceau de Valois qu'aux idées révisionnistes du Belge Henri De Man, dont le planisme est divulgué en France par l'opuscule d'André Philip, Henri De Man et la crise doctrinale du socialisme.

 

Européisme et socialisme

 

jouvenel7777.jpgParues en 1928, les thèses de De Man impressionnent vivement Jouvenel, cependant que de nouveaux cercles d'inspiration planiste se constituent: X-Crise, Plans, Nouvelles Equipes. Le 31 octobre 1928, le premier exemplaire du journal La Voix sous la direction de Jouvenel sort de presse. De préoccupation socio-économique, le périodique expose un programme dirigiste qui entend se conformer aux nouvelles nécessités du temps:

«Assurer à la classe ouvrière un niveau de vie convenable par une politique de logement et un vaste système d'assurances (...)

«Assurer au peuple entier l'instruction gratuite, la sélection des plus aptes (...)

«Assurer le développement méthodique de la production de la production, selon un vaste plan qui encourage l'initiation individuelle.

«Assurer à l'Etat la compétence, à l'administration la promptitude, par la mise en œuvre des principes syndicalistes.

«Assurer la paix entre les peuples par l'arbitrage obligatoire

«Assurer la solution des problèmes économiques et sociaux par leur internationalisation.

«Voilà notre programme».

 

Simultanément paraît aux éditions Valois son premier livre, L'Economie Dirigée— Le Programme de la Nouvelle Génération. Jouvenel n'est pas le premier intellectuel du milieu luchairien à être publié par Georges Valois dans sa «Bibliothèque Nationale». Gaston Riou y a déjà sorti Europe, ma patrie et Luchaire s'apprête lui-même à y imprimer Une génération réaliste pour janvier 1929.

 

Européisme et socialisme réformiste forment les bases des revendications communes aux non-conformistes de gauche. Ni exaltée, ni utopiste, L'Economie Dirigée arrive en librairie pour son 25ième anniversaire. La recherche d'une marche économique socialement bénéfique cimente l'ouvrage. L'idée de plan est omniprésente. D'esprit saint-simonien selon ses propres propos, L'Economie Dirigée assigne aux industriels une mission sociale dans le développement harmonieux de la nation. Son dirigisme n'impose pas, mais incline la production grâce à la création d'un inventaire des possibilités de production nationale dont disposeraient les gouvernants. Novateur, son ouvrage récuse Wall Street comme Moscou et envisage un système de répartition des richesses équilibré, ni libertarien ni étatiste. «Au XlXième siècle, le travail a été la vache à lait du capital, au XXième siècle, le capital sera la vache à lait du travail» écrit-il alors, plein d'enthousiasme. Gorgée d'espoir, son corpus doctrinal élaboré, la jeune intelligentsia «rad-soc» marche à l'Europe. Le tremblement de terre américain du krach de 1929 est encore loin de faire ressentir ses secousses de ce côté de l'Atlantique, et les non-conformistes entendent œuvrer à la réconciliation franco-allemande concomitamment aux efforts de la Société des Nations. La jeunesse à la rescousse de ses pères. Non-conformistes et révolutionnaires-conservateurs se rencontrent pour relever l'étendard de Prométhée.

 

«Europe, Jeunesse, Révolution!»

 

«L'esprit de revanche de l'Allemagne a hanté ma jeunesse». La confession de Bertrand de Jouvenel n'est pas celle d'un cas isolé. La signature du Traité de Paix, où pas un Allemand ne fut convié à discuter des articles, est vécue par la jeune génération comme une injustice sans précédent dans l'histoire des relations européennes. L'article 231 du Traité de Versailles, qui reconnaît seule fautive l'Allemagne, entérine son dépeçage et la surcharge d'indemnités écrasantes, offense l'esprit européen qu'est censée défendre la Société des Nations. Et malgré la ratification des accords de Locarno, on sait l'édifice briandiste fébrile.

Humiliée, rejetée dans la crise économique par l'occupation de la Ruhr, I'Allemagne weimarienne peut à tout moment basculer. A l'esprit de réconciliation, la NSDAP montant rétorque par l'esprit de revanche. C'est à la jeunesse, pensent Jouvenel et Drieu, qu'il incombe de réaliser l'unité européenne.

 

Visionnaire mais surtout alarmiste, Drieu clame à qui veut l'entendre que «l'Europe ne peut pas vivre sans ses patries, et certes elles mourraient si en les tuant elle détruisait ses propres organes; mais les patries ne peuvent plus vivre sans l'Europe». Jouvenel et Drieu conjuguent leurs efforts et achèvent coup sur coup les manuscrits de Vers les Etats-Unis d'Europe (6) et L'Europe contre les Patries, deux essais prophétiques, pacifistes et antimilitaristes, fédéralistes et socialistes, en librairie en 1931. Raillant la devise de l'Action Française, «Tout ce qui est national est nôtre», Jouvenel place en sous-titre l'exorde suivant: «Tout ce qui est international est nôtre». Et de fait, depuis 1929, les jeunes radicaux se sont joints en un «front commun de la jeunesse intellectuelle», associant deux groupes:

- «l'Entente franco-allemande des étudiants républicains et socialistes» (lié au Deutscher Studentenverband)

- et le «Comité d'Entente de la jeunesse pour le rapprochement franco-allemand»,

initié par Jean Luchaire et Otto Abetz, dont le destin croisera à maintes reprises les routes de Drieu et Jouvenel.

 

Une connivence qui se matérialise en juillet-août avec la tenue des premières rencontres du «Cercle de Sohlberg», suivies en septembre d'un sommet à Mannheim, en août 1931 du congrès de Rethel auquel participe Jouvenel avec Pierre Brossolette. Au cours de ces réunions étudiantes, les deux parties s'entendent à récuser unilatéralement les clauses de Versailles et prônent de concert une réponse organique énergique au déclin de la civilisation.

 

Placées sous le credo de «révolution spirituelle», les intervenants du F.C.J.I. divergent cependant, césure majeure, sur la forme que devra prendre le nouvel ordre européen. Au nationalisme classique des Français, politique et culturel, s'oppose l'idée de «Reich» allemand, d'essence völkisch pour la plupart. Mais refus du nationalisme intégral comme de l'internationalisme réunissent les collectifs présents. Malheureusement ces rencontres se solderont par un échec. Deux événements de première importance dans le devenir des relations franco-allemandes vont torpiller les projets du Front Commun. En France d'abord, où la crise a atteint l'économie en 1931, la victoire ingérable du Cartel des Gauches aux législatives en 1932 débouche sur l'instabilité politique. Ni les Tardieu, Blum, Daladier ou Laval ne paraissent en mesure de répliquer à l'inertie qu'avaient manifestée avant eux les Clemenceau, Poincaré et Briand. Précipitées par la récession économique et la corruption des institutions les émeutes du 6 février 1934 poussent les intellectuels français à se repositionner par rapport a une nouvelle donne: fascisme et antifascisme. En Allemagne, par l'accession à la chancellerie d'Adolf Hitler en 1933, qui enterre la détente franco-allemande et sonne le glas du rêve lorcanien de désarmement. Déjà, la mort d'Aristide Briand, le 7 mars 1932, le jour même où Hitler obtint ses fatidiques 37% aux élections présidentielles, n'avaient pas manqué d'éveiller les craintes du Cercle de Sohlberg. Chacun avait compris que s'évanouissait le rêve d'une Europe fédérale. Au congrès de Francfort mené en février 1932 par Alexandre Marc d'Ordre Nouveau et Harro Schulze-Boysen de Planen succède en avril 1933 une rencontre à Paris sous l'impulsion de Luchaire avec, aux côtés de Drieu, Jouvenel et Fabre-Luce, des représentants des Jeunesses Radicales, du Sillon Catholique, de Jeune République, et du côté allemand des émissaires du nouveau régime. Ce colloque marque la fin des illusions et entérine le déclin du Front Commun.

 

Les réunions de Berlin et du Claridge, organisées par Jouvenel, Abetz et Kirchner, rédacteur en chef de la Frankfurter Zeitung passé au national-socialisme, destinées à «jeter les bases d'une société de coopération intellectuelle groupant l'élite (des) deux pays» (7), scellent logiquement le refroidissement des gouvernements français et allemand, dans un contexte nouveau de radicalisation des positions idéologiques. Des rencontres rhénanes ne subsistera que le goût amer d'un parallélisme d'idées dans le rejet, non dans les solutions proposées. A l'arrivée de Hitler, Bergery opposera désormais au “ni Droite ni Gauche” une nouvelle ligne stratégique marquant le retour du politique dans une logique de tensions nationale et internationale: démocratie contre totalitarisme.

 

Un exercice tercériste: “La Lutte des Jeunes”

 

La victoire du Cartel des Gauches en 1932 n'apporte que déception à Gaston Bergery, qui trahit son ambition d'un parti unitaire de la gauche. Rongeant son frein, il claque la porte du parti radical-socialiste en mars 33 et annonce simultanément la formation d'un Front Commun, anticipant le Front Populaire de 1936, qu'il veut antifasciste et anticapitaliste. Déat au nom des néo-socialistes et Doriot, venu sans autorisation du Parti Communiste, répondent présents. Drieu et Jouvenel rejoignent le mouvement et lancent début 1934 un bimensuel, La Flèche, qui expose les vues du Front Commun.

 

Drieu se cherche alors et oscille entre sa fascination pour l'efficacité communiste et son attirance pour l'héroïsme fasciste. L'idée d'une troisième voie lui apparaît de plus en plus comme une vue de l'esprit. Son chef-d'œuvre, Gilles, où Bergery parait sous les traits de Clérences, évoque ses tergiversations. La réponse ne se fait pas attendre. Pareils à Gilles, Drieu et Jouvenel vivent le 6 février 1934 comme un véritable électrochoc. Jouvenel prend la décision de fonder son hebdomadaire, qu'il intitule La Lutte des Jeunes. Au sentiment sourd d'une France passive, avachie a répondu la jeunesse descendue dans la rue. Mounier dans Esprit s'exalte pour cette «nouvelle génération», «neuve et hardie, qui sauve notre pays d'être le plus réactionnaire d'Europe»; Drieu, au comble de la joie, écrit: «On chantait pêle-mêle la Marseillaise et l'Internationale. J'aurais voulu que ce moment durât toujours». Plus circonspect, Jouvenel mesure pourtant l'émergence opportune d'un bloc de la jeunesse. Fidèle à la ligne non-conformiste, La Lutte des Jeunes s'adjoint la collaboration d'intellectuels d'horizons aussi divers que Mounier, Brossolette, Gurvitch, Beracha, Lacoste, Andreu. Et toujours Drieu.

 

Si Zeev Sternhell ne voit la que «fascistes, anti-démocrates et anticapitalistes» optant pour «un régime autoritariste et corporatiste» (simple préfiguration en somme de la Révolution Nationale pétainiste), le programme publié en première page de La Lutte des Jeunes est autrement plus réformiste et d'orientation planiste: «(...) Il faut “désembouteiller” les professions en permettant aux vieux de se retirer. Et il faut ainsi assurer l'embauchage des jeunes. Il ne suffira point de multiplier les stades, de faciliter la pratique du sport, il faudra encore permettre aux jeunes de vivre en pleine campagne durant un mois de l'année au moins (...) Où est la solution? Dans les camps de jeunesse qui peuvent être établis sur les domaines de l'Etat (...) C'est dans de pareils camps qu'une partie de la jeunesse chômeuse pourra être établie, y suivent des cours de formation professionnelle, travaillent dans des ateliers coopératifs».

 

Jouvenel rompt à son tour avec le Parti Radical mais se démarque de Bergery dont il pressent la perte de vitesse. Drieu devient le théoricien de la convergence. Seul il se réclame dorénavant du fascisme, écrivant le 11 mars 1934 dans sa chronique: «Il faut un tiers parti qui étant social sache aussi être national, et qui étant national sache aussi être social (...) il ne doit pas juxtaposer des éléments pris à droite et à gauche; il doit imposer à des éléments pris a droite et à gauche la fusion dans son sein». Il s'agit de ramener «les radicaux désabusés, les syndicalistes non fonctionarisés, les socialistes français, les anciens combattants et les nationalistes qui ne veulent pas être dupes des manœuvres capitalistes». Telle est la thèse de son livre Socialisme fasciste (8). Dans la foulée, Jouvenel lance des «Etats Généraux de la Jeunesse» auxquels prennent part une cinquantaine de groupes.

 

Le planisme de De Man, l'Union Nationale de Ramsay McDonald et le New Deal de Roosevelt

 

Où que se tourne le regard de Jouvenel, le triomphe du planisme le convie à s'en faire le propagateur français. En Belgique, c'est l'alliance que concluent à la Noël 33 Paul Van Zeeland, du parti catholique, premier ministre, et Henri De Man, vice-président du Parti Ouvrier Belge (POB), nommé ministre de la «résorption du chômage». En Grande-Bretagne, c'est la constitution d'un cabinet d'Union Nationale par Ramsay Mc Donald, chef du Labour Party et premier ministre britannique. Aux USA enfin, avec le 4 mars 1933 I'investiture de Franklin Delano Roosevelt, qui réoriente l'économie selon le modèle du New Deal. Un premier voyage effectue en Amérique fin 1931, ponctué d'un livre, La Crise du capitalisme américain, avait convaincu Jouvenel des tares intrinsèques, «génétiques» du système capitaliste. La victoire des Démocrates signe le retour de Washington sur Wall Street, d'un pouvoir volontaire, héroïque, d'un gouvernement qui gouverne. Le keynésianisme rooseveltien, que Jouvenel définit comme jumeau du socialisme alternatif de De Man, intègre pleinement sa vision économique: «Mais ce qui intéresse la prospérité de la nation, et du même coup sa puissance, ce sont les dépenses faites par les entreprises pour produire et pour investir en vue de produire plus et autre chose, et ce sont les dépenses faites par les travailleurs pour consommer plus et autre chose. L'harmonie entre ces catégories de dépenses et leur continuité, voilà qui est incomparablement plus important que l'équilibre budgétaire». Des propos criants d'actualité.

 

La Lutte des Jeunes n'était initialement conçue par Jouvene1 que comme le tremplin vers une nouvelle formation politique résolument d'avant-garde, et Drieu ne pense pas autrement. Aussi, quand les «Etats Généraux» marquent leurs premiers signes d'essoufflement, les deux intellectuels reportent aussitôt leur attraction sur la formation la plus originale de l'époque, le Parti Populaire Français de Jacques Doriot.

 

Grandeur et misère du doriotisme

 

En mai 1934, alors que paraissait le premier numéro de La Lutte des Jeunes, Jacques Doriot, meneur chahuteur et adulé du PC, est exclu de l'Internationale Communiste. Maire de Saint-Denis depuis 1931, le 6 février 1934 a pour lui aussi été décisif. Sans attendre la permission du parti. Doriot a mis sur pied un comité antifasciste dans sa ville et appelé à l'union de la gauche. Mal lui en prend car à l'époque la formule stalinienne du «social-fascisme» est encore de rigueur. Réélu maire en 1935, député en 1936, il fonde le PPF le 28 juin 1936 en réaction au Front Populaire.

 

D'emblée, le «Grand Jacques» attire à lui de nombreux intellectuels, dont Drieu et Jouvenel, qui le choisissent, l'un pour son attente d'un «nationalisme révolutionnaire» authentique, l'autre dans l'optique d'un programme planiste complet. Tous deux collaborent à la rédaction des périodiques L'Émancipation Nationale et La Liberté. Si Drieu justifie son adhésion par le nihilisme qui le gagne: «Il n'y a plus de partis en France, il n'y en a plus dans le monde... Il n'y a plus de conservateurs parce qu'il n'y a plus rien de nouveau. Il n'y a plus de socialistes parce qu'il n'y a jamais eu de chefs socialistes que des bourgeois et que tous les bourgeois depuis la guerre sont en quelques manières socialistes», Jouvenel s'appuie pour sa part sur les propres dires de Doriot: «Je ne veux copier ni Mussolini, ni Hitler. Je veux faire du PPF un parti de style nouveau, un parti comme aucun autre en France. Un parti au-dessus des classes (...)».

 

Accédant avec Drieu au bureau politique du parti en 1938, Jouvenel se fait l'avocat du planisme. Une fois de plus, la déconvenue est à la hauteur de leurs souhaits. Privé de son électorat traditionnel, le PPF compense ses pertes par un vote de droite qui l'attire vers le conservatisme le plus étriqué. Alors que Drieu s'éloigne, accusant Doriot d'abandonner son «fascisme révolutionnaire» pour un «fascisme réactionnaire» de compromission, Jouvenel constate l'échec du «socialisme à la française» qui l'avait mené au doriotisme. Définitivement sevré du PPF au soir des accords de Munich, que Doriot par pacifisme applaudit, Jouvenel rend sa carte en janvier 1939, ulcéré de la dérive antisémite du parti. Non sans avoir publié, ultime rebuffade devant les orages qui naissent au-dessus du continent, Le réveil de l'Europe. Relégué parmi les penseurs d'extrême-droite, Jouvenel devra s'adresser à Gringoire et Candide pour ses articles. Drieu poursuivra en solitaire sa carrière finalement plus anarchique que fasciste.

 

Faisant le point sur ses dix ans de revendication non-conformiste, Jouvenel confiera, dans son recueil de mémoires Un voyageur dans le siècle: «Nous étions une génération raisonnable, soucieuse de l'avenir, souhaitant que ce fut un avenir de réconciliation et de paix, et un avenir de progrès économique et social. Nous ne faisions pas de rêves. C'étaient hélas nos dirigeants qui rêvaient». Drieu suicidé en 1945, après que Jouvenel, réfugié en Suisse pour actes de résistance, ait vainement tenté de le retenir lors d'une de ses visites en 1943, celui-ci poursuivra son œuvre. Dénonçant l'inadaptation des appareils philosophiques et politiques aux mutations du monde moderne.

 

Aujourd'hui réduit à l'archéologie de l'histoire des idées, le courant anti-conformiste aura considérablement pesé après-guerre sur la génération fédéraliste des années 50, à l'origine du Conseil de l'Europe. Et quoi qu'en dise Zeev Sternhell, «l'esprit des années 30» n'aura pas été que le compagnon de route du fascisme. Michel Winock, historien issu des rangs d'Esprit, rappelle à juste titre le foisonnement de points de vue que Drieu et Jouvenel illustreront dans leur amitié: «Beaucoup de matière grise avait été dépensée. De tous ces plans, de ces programmes, de ces utopies, il reste seulement des archives quand la critique des souris n'a pas eu le temps de faire son œuvre. Néanmoins, quelques idées-forces germèrent, certaines pour alimenter la Révolution Nationale, où bon nombre de ces jeunes gens se retrouvèrent (ndlr: on pense à Luchaire, Doriot et Bergery), d'autre pour nourrir les programmes de la Résistance pour une France libérée et rénovée. On avait assisté à un feu d'artifice de la jeunesse intellectuelle. Les étincelles de quelques fumées persisteront». (extrait de Le Siècle des intellectuels, Seuil, 1997).

 

Nul doute que la pensée fédéraliste, telle que définie par Bernard Voyenne, aura abondamment puisé dans le personnalisme. Pilotes du mouvement, les revues La Fédération et Le XXème Siècle Fédéraliste compteront ainsi parmi leurs parrains les signatures de Halévy, Andreu, Daniel-Rops, Rougemont et bien sûr Jouvenel.

Juste reconnaissance pour celui qui dépassant les clivages aura aussi bien collaboré à Vu qu'à Marianne, à L 'Œuvre qu'à Paris-Soir. Pour autant, Jouvenel se détachera rapidement des tumultes politiques de l'après-guerre, navré de l'imprévision des hommes: «De 1914 à 1945, I'Europe se sera quasiment suicidée, de même que la Grèce dans sa guerre de Trente Ans. Et comme la Grèce s'était retrouvée par la suite exposée aux influences contraires de la Macédoine et de Rome, de même l'Europe entre la Russie et les Etats-Unis». Après La défaite, livre publié chez Plon en 1941, signifiait son abattement: «Il n'est pas douteux que la France aurait pu faire à temps sa propre révolution de jeunesse. Le fourmillement des manifestes, d'idées, de plans, de petits journaux et de jeunes revues qui suivit le 6 février 1934 en témoigne amplement. Les mêmes tendances anticapitalistes et antiparlementaires s'exprimaient dans la jeunesse de droite et dans la jeunesse de gauche, qui d'ailleurs multipliaient les contacts». Son maître-livre, Du Pouvoir, imprimé à Genève dès 1945, demeure la désillusion de toute une élite. La mort volontaire de Drieu n'y aura sans doute pas été étrangère.

 

Laurent SCHANG.

 

(1)     directeur du quotidien Le Matin, ministre de l'instruction publique (1924), haut-commissaire au Levant (1925-1926). Epoux de Colette.

(2)     1921.

(3)     1922.

(4)     1927.

(5)     1928.

(6)      qui paraît chez Valois.

(7)     où sont présents Fernand de Brinon, Jean Luchaire, Jules Romains, Paul Morand, Drieu la Rochelle.

(8)     publié en 1934.

 

 

samedi, 28 novembre 2009

Hommage à Panajotis Kondylis

Panajotis_Kondylis2222.gifArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Hommage à Panajotis Kondylis

(1943-1998)

 

Toute fama passe. C’est un adage que Panjotis Kondylis, philosophe grec né en 1943, a médité calmement. Il savait que si son œuvre était publiée d’abord en langue grecque, elle n’aurait guère d’impact. Kondylis s’est demandé s’il devait publier en anglais, en allemand ou en français. Finalement, il s’est décidé pour l’allemand. Aussi, dès cette décision prise, il a passé chaque année de sa vie six mois dans les bibliothèques de Heidelberg, six mois dans sa patrie hellénique.

 

La vie de Kondylis était celle d’un savant isolé, espèce en voie de totale disparition aujourd’hui. Kondylis était indépendant sur le plan matériel car il était issu d’une famille fortunée. Cette indépendance matérielle garantissait son indépendance d’esprit.

 

Son premier ouvrage, publié en 1979 et épais de 700 pages était la continuation d’études entamées à Heidelberg (Die Entstehung der Dialektik  - Eine Analyse der geistigen Entwicklung von Hölderlin, Schelling und Hegel bis 1802;  = La naissance de la dialectique. Analyse d’une évolution intellectuelle de Hölderlin, Schelling et Hegel jusqu’en 1802). Ensuite, il a publié Die Aufklärung im Rahmen des neuzeitlichen Rationalismus  en 1981 (= L’idéologie des Lumières dans le cadre du rationalisme moderne). Kondylis n’interprétait pas les Lumières comme une idéologie découlant des principes de la rationalité (sapere aude)  mais comme une réhabilitation de la sensualité. Le livre témoigne d’une immense culture livresque, même s’il apparaît un peu sec dans sa volonté opiniâtre de démontrer une thèse unique. Kondylis n’aimait pas les gris. Son ouvrage le plus connu, édité en 1991, Der Niedergang der bürgerlichen Denk- und Lebensform  - Die liberale Moderne und die massendemokratische Postmoderne (Le déclin de la forme de pensée et de vie bourgeoise - La modernité libérale et la postmodernité démocratique de masse), était en fait une analyse du phénomène de la masse, de la société et de la démocratie des masses.

 

En 1992, parait Planetarische Politik nach dem Kalten Krieg  (= Politique planétaire après la Guerre Froide). En 1996, Montesquieu und der Geist der Gesetze (= Montesquieu et l’esprit des lois). Mais dans les rangs des divers conservatismes, deux livres ont surtout mobilisé les attentions: Macht und Entscheidung  (1984; = Pouvoir et Décision) et Konservativismus  - Geschichtlicher Gehalt und Untergang  (1986; = La conservatisme: contenu historique et déclin). Effectivement, sur le conservatisme, peu de livres ont donné une description aussi fouillée du phénomène. La conclusion de Kondylis, contenue déjà tout entière dans le sous-titre de l’ouvrage, a suscité pas mal de critiques. Kondylis affirmait effectivement: «Le conservatisme est mort. Il est historiquement lié à une époque, celle de la noblesse. Tout ce qui, ultérieurement, s’est donné le nom de “conservatisme”, devrait plus être qualifié de “vieux-libéralisme”, car une telle appelation serait plus exacte. Car ces conservatismes sont dorénavant soumis aux conditionnements de la modernité...». Mais c’est surtout sa thèse principale qui a été rejetée comme trop “mécanique”, malgré l’admiration de toute sa corporation pour une certaine pertinence de sa démonstration et pour son enquête à travers toutes les sphères culturelles de l’Europe: Kondylis affirmait qu’avec la dissolution des restes de la société civile médiévale, c’est-à-dire avec l’abandon de la féodalité et l’élimination des avantages juridiques et publiques de la noblesse, le conservatisme politique avait factuellement cessé d’exister.

 

Enfin, au moment de sa mort, Kondylis, le réaliste qui méprisait la “lourdeur moralisante”, travaillait à un ouvrage en trois volumes sur la “socio-ontologie”. Hélas, la Grande Faucheuse l’a emporté le 10 juillet, quelques heures avant qu’il ne quitte Athènes pour se rendre à Heidelberg.

 

Hans B. von SOTHEN.

(hommage paru dans Junge Freiheit, n°30/1998).      

 

 

vendredi, 27 novembre 2009

Tussen nationaal en internationaal kapitaal

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Tussen nationaal en internationaal kapitaal

Geplaatst door yvespernet op 20 november 2009

Inleiding

Bedrijven klagen graag over wetten en regels die staat uitvaardigt m.b.t. interventie in de economie. We stellen echter ook vast dat de meeste bedrijven zich zullen uitspreken in voorkeur voor een staat. De staat kan immers de bedrijven beschermen en een economische politiek voeren waar zij baat bij hebben. Ook de arbeiders hebben baat bij een staat die zorgt voor sociale wetgeving en dus sociale rust, waar de bedrijven op hun beurt dan weer baat bij hebben. Algemeen gezien kan men stellen dat een volksnationalistische staat zorgt voor de nodige economische, politieke en sociale stabiliteit om in een degelijk niveau van welzijn én welvaart te voorzien. Maar tegenover deze bedrijven staan de grote multinationals van het grootkapitaal die net zullen ijveren naar zo weinig mogelijk staatsingrijpen. Dit omdat hun vertakkingen immers internationaal zijn en van zo een grote omvang dat zij enkel nog maar kunnen tegengehouden worden door staatsingrijpen. Zonder dat ingrijpen zouden zij immers monopolieposities kunnen innemen en volledig hun zin doen, vaak met desastreuze ecologische, sociale en economische gevolgen . Het is dus zeer belangrijk om in te zien dat men niet kan spreken van “hét kapitaal”, maar dat we een onderscheid moeten maken tussen het nationaal kapitaal en het internationaal (groot)kapitaal. Voor we dus verdergaan over de rol van de staat is het even nodig om stil te staan bij het verschil tussen deze twee.

Het verschil tussen nationaal en globaal kapitaal

Het nationaal kapitaal verkiest zich te hechten aan een staat en diens inwoners om zijn economische activiteiten te ontplooien. Ze zullen hun best doen om zoveel mogelijk van de subsidies in handen te krijgen om hun activiteiten op nationaal niveau uit te bouwen. Eventueel zijn daar wel internationale vertakkingen bij, maar deze vorm van kapitaal blijft zijn zwaartepunt in één land houden en zal bij besparingen ook in dat land als laatste besparen.

Het internationaal grootkapitaal heeft geen binding meer met één land. Hun hoofdvestiging is niet uitgekozen vanwege een emotionele verbinding, maar vanwege pure machtspolitiek. Zij zullen zich vestigen in een sterke staat die ze kunnen gebruiken om andere landen onder druk te zetten. Zodra zij echter kunnen, zullen zij echter de macht van de staat op de economie ondermijnen om hun activiteiten te vergroten. Voor het grootkapitaal telt enkel winst en nog meer winst.

Dit verschil is belangrijk voor onze strijd aangezien we vriend van vijand moeten kunnen onderscheiden. We zijn geen marxisten die alle kapitaalbezitters smeerlappen vinden, wij wensen ook niet een communistisch systeem te organiseren waarbij vooral de armoede collectief bezit is. Het is echter wel onze strijd dat wij wensen te strijden tegen entiteiten die onze eigenheid en onafhankelijkheid aanvallen. En momenteel is het grootkapitaal “goed” bezig met dat te doen en helaas met succes. Daarom moeten we ook onze bondgenoten gedeeltelijk zoeken in het nationale kapitaal, zonder daardoor blind te worden voor het feit dat ook in het nationale kapitaal elementen zitten die maar al te graag tot het internationale grootkapitaal willen horen.

De legitimatie van de staat

Liberalen en anarcho-kapitalisten stellen het bestaan van de staat en diens macht over maatschappij regelmatig in vraag. De eersten willen nog een minimum aan staat behouden, anarcho-kapitalisten willen echter alle vorm van staat afschaffen en alles overlaten aan de bedrijven en de vrije markt. Voor ons solidaristische volksnationalisten is dit echter onmogelijk. Wij beschouwen de staat immers als een hulpmiddel en een verdediging van de volksgemeenschap. In onze visie dienen de staatsgrenzen getrokken te worden rond de grenzen van volkeren en niet omgekeerd. Vanuit die optiek is de volksgemeenschap dus de kern en drijvende motor van het bestaan van de staat en tevens de oorzaak en middel van die staat om te functioneren. Verder stellen wij ook dat door het bestaan van de staat de volksgemeenschap en diens economie kan worden beschermd tegen het grootkapitaal dat enkel denkt aan winst en niets geeft om sociale wetgeving, of de ecologische en sociale gevolgen van hun manier van zaken doen.

Maar het is belachelijk om te denken dat een staat altijd perfect functioneert. Indien dat wel het geval zou zijn, zouden we niet met de problemen van vandaag de dag zitten. Het is dan ook belangrijk om een nationaal besef van plicht in te bouwen in de mensen die de bureaucratie van de staat bemannen. Wanneer de staat immers geplaagd wordt door grote corruptie en belastingsgelden het centrale gezag niet bereiken, zullen mensen de staat gaan beschouwen als een manier op zich om winst te maken. Waarop het centrale gezag vervolgens zal reageren door de staat te gaan gebruiken als een verzameling middelen die verkocht kunnen worden om aan geld te geraken. Niet enkel in de huidige corrupte Afrikaanse staten kunnen we dit terugvinden, ook bij ons hebben we dit probleem gehad in de geschiedenis van de staatsvorming. Kijken we maar naar de 16de eeuw waarbij posities in de staat verkocht worden. Als deelnemer aan het parlement van Parijs moest men gewoon 6.000 livres betalen in 1522, tegen 1600 was dit 60.000 livres geworden , om deze functie te krijgen. Normaal vereiste dit juridisch onderwijs en kunnen, maar doordat het centraal gezag constant geld nodig had, door het ontbreken van een vaste stroom belastingen en de visie op de staat als een manier van persoonlijke verrijking, en dus dit soort functies verkocht.

Sterker nog, een nachtwakerstaat zoals vele liberalen voorstellen is net veel kwetsbaarder voor dingen als een staatsgreep. Het principe van een staat houdt immers nog steeds in dat een staat de volledige autoriteit heeft binnen de bevoegdheidsgrenzen die door de staat worden gesteld. Maar wanneer de staat zijn handen aftrekt van belangrijke en winstgevende economische sectoren, kweken zij een groot ongenoegen naar de bevolking toe. Dit doordat dit meestal gebeurt in landen waar multinationals opeens enorm veel macht krijgen en allesbehalve ethisch handelen. Dit leidt tot sociale onrust waar de staat, wegens gebrek aan financiële middelen, niet kan ingrijpen. Landen waar de staat de controle afgeeft op economisch vlak zijn dan ook kwetsbaarder voor militaire staatsgrepen . Kijken we bvb maar naar landen waar de staat zich volledig heeft teruggetrokken uit de oliesector en die bedrijven grote macht hebben. Nigeria is daar een goed voorbeeld van, waar de Movement for the Emancipation of the Niger Delta, vecht tegen het beleid van Shell. Shell heeft ook in het verleden reeds voorvechters van de bevolking daar laten vermoorden. In het geval van de Niger delta en Shell heeft Shell meerdere keren in het verleden zelfs geweigerd om te betalen voor de door hen veroorzaakte milieuschade . Pas onlangs hebben zij een minimum aan schadevergoeding betaald voor de moord op een emancipatievoorman. Ook moeten we onthouden dat een machtsvacuüm altijd opgevuld zal worden. Als het centrale gezag ondermijnd wordt, zal het gezag steeds op een lager niveau worden hersteld . Het resultaat van het uitvoeren van dit soort anarchistische avonturen zal dan ook enkel leiden tot het opkomen van lokale krijgsheren die de volksgemeenschap enkel verdelen.

Een andere kritiek die vaak wordt gehoord over de staat is de stelling dat staatsbedrijven hopeloos inefficiënt zijn en gigantisch veel verlies draaien, ten koste van de gemeenschapsgelden van de belastingen. Het is een feit dat staatsbedrijven vaak door politieke spelletjes beperkt worden in hun werking en ook dringend gesaneerd moeten worden. We mogen ook de dubieuze rol van sommige vakbondsmilitanten niet negeren. De vakbond is een organisatie die wij dienen toe te juichen, maar zoals bij andere organisaties zitten ook daar rotte appels die liever staken omdat dat spannender en leuker is. Het is dan ook nodig dat het personeelsbeleid bij de overheid op kwaliteiten en werkinzet worden gebaseerd en niet op vaste benoemingen moet steunen, al mogen we natuurlijk niet raken aan het principe van sociale wetgeving en bescherming.

Maar we mogen ook een andere visie hierop niet vergeten: overheidsbedrijven die niet geprivatiseerd geraken, zijn vaak de sectoren waar bedrijven (nog) geen winst op kunnen maken. Wanneer de staatsbedrijven immers geprivatiseerd worden, zien we niet een daling in prijzen en een verhoging in aanbod. Integendeel, de liberalisering van de energiesector in België zorgde ervoor dat energieprijzen hier 30% naar boven gingen. De liberalisering van het spoorwegsysteem in Groot-Brittannië zorgde voor grote prijsstijgingen, een grote stijging in ongelukken en het bijna instorten van het spoorwegsysteem . Het hebben van staatsbedrijven die betaald worden door belastingsgeld heeft reeds in het verleden aangetoond dat het een beter aanbod kan geven dan de liberalisering van die bedrijven. Kijken we maar naar de voornoemde voorbeelden of als we verder van huis willen kijken: Indië. Een Indische studie naar tevredenheid van klanten over dienstverlening en aanbod van producten in de banksector had als resultaat dat de overheidsbank Bank of India op alle vlakken het best scoorde . Een ander heikel punt met het bestaan van de staat zijn de belastingen.

De staat en belastingen

Wanneer we de grenzen van soevereiniteit tussen bedrijven en de staat, en dus tussen economie en politiek beleid, willen bespreken, is het nodig om de zaken concreter te bekijken. Immanuel Wallerstein heeft in zijn “World System Analysis” gesteld dat de soevereine staten proberen om in de volgende zeven gebieden zoveel mogelijk autoriteit op te bouwen : (1) Staten zetten de regels uit waar de voorwaarden bepaald worden waarin kapitaal, goederen en arbeid hun grenzen mogen overschrijden. (2)Staten bepalen de wetten met betrekking tot eigendomsrechten. (3) Staten bepalen de regels met betrekking tot arbeids- en loonsbeleid. (4) Staten bepalen welke kosten bedrijven moeten internaliseren. (5) Staten bepalen welke economische sectoren gemonopoliseerd mogen worden en in welke mate en vorm. (6) Staten bepalen de mate, vorm en inning van belasting. (7) Staten kunnen ingrijpen in het beleid van bedrijven binnenin hun grenzen, waarmee zij echter ook indirect de beslissingen van andere staten bepalen.

We hebben elders in dit artikel reeds besproken dat het internationale grootkapitaal ijvert om zoveel mogelijk beperkingen op de vrije handel af te schaffen. Hiertegenover staan dan de arbeidersbewegingen die net staatsinterventie willen om zo sociale wetgeving af te dwingen. Het is echter ook duidelijk dat vele grote bedrijven toch wel een zekere vorm van staat willen behouden om bepaalde dingen af te dwingen. In het begin van dit hoofdstuk hebben we het reeds gehad over hoe de centrale staat in de eerste plaats zijn macht uitbreidde om zoveel mogelijk belastingsgeld naar de staat te kunnen doen vloeien. Om uit te leggen waarom vele van de grote bedrijven toch nog steeds een zekere vorm van staat willen, is het nodig om het principe van belastingen en de gevolgen van het gebruik daarvan van naderbij te bekijken.

Één van de meest gehoorde, en favoriete, kritieken op het principe van de staat is dat zij belastingen heffen. Sterker nog, heel het principe van belastingen heffen is net één van de kernpunten geweest waar heel het principe van de staat rond gebouwd is geweest in vroegere eeuwen. Er wordt wel eens gezegd dat niemand graag belastingen betaalt, maar eigenlijk is dit helemaal niet zo. Al zullen velen het niet graag toegeven, bijna iedereen, zowel bedrijven als personen, wilt belastingen afdragen zodat de staat kan zorgen voor bepaalde voorzieningen die opgebouwd en onderhouden worden met belastingsgeld. De grote kritiek op belastingen komt eigenlijk neer op twee bedenkingen:

Het belastingsgeld wordt niet nuttig besteed: deze kritiek komt neer op de bedenking dat het belastingsgeld niet gebruikt wordt om diegenen te helpen die het braaf afdragen, maar om politici, bureaucraten, de staat zelf of vreemdelingen te onderhouden. En we kunnen inderdaad stellen dat in vele West-Europese staten het belastingsgeld op deze manier wordt misbruikt.

Hoe meer belastingen voor de staat, hoe minder geld de anderen hebben: belastingsgeld afdragen betekent eigenlijk het plaatsen van persoonlijke financiële middelen in één grote gemeenschappelijke pot, waarover de controle in handen ligt van de vertegenwoordigers van de gemeenschap, maar niet in de handen van de individuele leden van die gemeenschap.

Wanneer we kijken naar de tweede bedenking, botsen we ineens op een praktisch gevolg van belastingsgeld. De staat herverdeelt het belastingsgeld via sociale voorzieningen, openbare voorzieningen en subsidies. Dit gecombineerd met het feit dat de staat tevens de controle heeft over de wetten m.b.t. personen- en goederenverkeer geeft de staat eigenlijk enorm veel macht. Zodra de staat echter die macht gebruikt, kunnen we niet spreken over neutraliteit. Elke beslissing die de staat neemt op dit vlak is automatisch een bevoordeling of benadeling van de vele groepen, personen of bedrijven in de samenleving. Er bestaat dan ook geen neutrale houding van de staat wanneer het op ingrijpen in de markt aankomt, net omdat de staat de beschikking heeft over grote financiële stromen, namelijk de belastingen. Door het aanwenden van deze belastingsgelden bepaalt de staat een zeer groot deel van de samenleving. De subsidiëring van bepaalde culturele initiatieven en het niet-subsidiëren van anderen kan zeer diepgaande effecten hebben op de ontwikkeling van de geesten in de maatschappij.

Vanuit die optiek is het dus naast monetaire politiek ook zeer belangrijk om als staat een controle te behouden over de inning van de belastingen. Met het gebruik van deze collectieve pot geld kan men immers meer doen dan de staat onderhouden en in openbare voorzieningen voorzien, het kan ook een cultuurbeleid en een mentaliteit sturen. Het kan ook een economie wijzigen door bepaalde sectoren, of zelfs individuele bedrijven, te bevoordelen. Dit is dan ook één van de redenen dat bedrijven nog steeds een zekere mate van staat zullen aanvaarden. Door het huidige systeem waarbij de politieke elite samenspant met de economische en culturele elites, is het beheersen van de staat handig om zo aan extra gelden voor het bekomen van een agenda. Ondanks het feit dat ik in de vorige stukken heb gesteld dat een staat soeverein moet zijn in zijn gebieden, volgens de zeven stellingen van Immanuel Wallerstein, sluit dit echter toch niet uit dat een staat invloed heeft op het beleid van een andere staat zonder dat daarbij noodzakelijk sprake moet zijn van geweld.

Conclusie

We kunnen dan ook stellen dat voor ons solidaristische volksnationalisten het van vitaal belang is om een functionerende staat te hebben die de volksgemeenschap en diens economie ondersteunt om zo het algemeen belang te dienen. Offensieven van het internationale grootkapitaal hiertegen dienen tegengehouden worden door een nieuw nationaal verbond van werkgevers en werknemers. Die eersten kunnen gemotiveerd worden om hier te blijven door speciale verankeringswetten (belastingsvoordelen als een bedrijf minstens x-aantal jaar gegarandeerd hier blijft en bij eventueel faillissement onder tijdelijke overheidscuratele komt). De staat dient ook zijn legitimatie uit de volksgemeenschap te halen omdat hij anders zijn volledige bestaansrecht verliest. Onze revolutie dient dan ook niet alleen een volksnationale revolutie te zijn, ze dient ook een revolutie in de structuren te zijn. Edgard Delvo zei het nog het beste door te stellen dat een volksgemeenschap dient ondersteunt te worden door een volksstaat.

Aldus, laten we strijden voor de Dietse Volksstaat!

Yves Pernet

Bronnen

  1. ROBIN, M.-M., “De wereld volgens Monsanto”, Uitgeverij De Geus, Breda, 2009
  2. WIENSHER-HANKS, M., “Early Modern Europe, 1450-1789”, Cambridge University Press, Cambridge, 2006, pp.96-97
  3. WALLERSTEIN, I. “World system analysis: an introduction”, Duke University Press, Durham, 2004, p.53
  4. <http://globalguerrillas.typepad.com/globalguerrillas/2006/05/journal_shell_r.html> (nagekeken op 17 juni 2009)
  5. “In the ongoing war between Shell Oil and Nigeria’s open source guerrilla movement (MEND), has reached a new level. Shell Oil was ordered by a Nigerian court (likely with Nigerian government support) to pay $1.5 billion in reparations for environmental damage to the Niger delta. Shell has refused to pay”
  6. WALLERSTEIN, I. “World system analysis: an introduction”, Duke University Press, Durham, 2004, p.53
  7. BROWN, E., “The Web of Debt”, Third Millenium Press, Baton Rouge, 2008, p.415
  8. HUMMEL, W., “A Plan for Monetary Reform”, < http://wfhummel.net/>
  9. WALLERSTEIN, I. “World system analysis: an introduction”, Duke University Press, Durham, 2004, p.46

Panajotis Kondylis: Pouvoir et décision

kondy13k.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Panajotis Kondylis: Pouvoir et décision

 

Les livres les plus intéressants de Panajotis Kondylis, décédé en juillet dernier, sont: Geschichte des Konservativismus, Theorie des Krieges, Der Niedergang der bürgerlichen Lebensform  et Macht und Entscheidung  (= Histoire du conservatisme, Théorie de la guerre, Le déclin de la forme vitale bourgeoise  et Pouvoir et décision). Dans Pouvoir et décision,  Kondylis plaide pour une forme de la pensée qui a été copieusement décriée au cours des dernières décennies, et qui est le fondement de la démarche philosophique de Carl Schmitt. Kondylis justifie l’option de Schmitt en défendant le décisionnisme, tombé dans le discrédit depuis que les penseurs “héroïques” de la “révolution conservatrice” s’en sont emparé. Dans son ouvrage sur la décision, Kondylis démontre, appuyé sur ses innombrables connaissances, que toutes nos identités collectives et individuelles, y compris leurs expressions philosophiques ou rationnelles les plus élevées, reposent sur un fondement inaliénable qui est toujours une décision initiale, irrationnelle en dernière instance, révélant un rapport ami/ennemi.

 

Les idées sont dès lors des armes, qui servent l’objectif biologique de la lutte pour la survie ou pour l’accroissement de ses propres forces. La croissance et l’augmentation volontaire de ses potentialités dépendent étroitement, en fin de compte, de l’impératif de survie, auquel on ne peut se soustraire. Justement, c’est dans les périodes de crise que les individualités et les collectivités reviennent aux racines de leur propre identité, pour se renforcer et maintenir leurs forces. De ce fait, dans la formation des systèmes de pensée identitaires, la logique est un moyen parmi d’autres moyens, mais auquel on peut finalement renoncer.

 

Dans les systèmes théologiques, les principes de l’homme-créé-àl’image-de-Dieu et la faillibilité humaine constituent des contradictions sur le plan logique; de même, dans l’anthropologie de l’émancipation (Aufklärung), on trouve une contradiction: l’homme est une fraction de la nature, et, en même temps, les normes culturelles conditionnent le libre exercice de la volonté. Mais ces contradictions s’évanouissent dès qu’on les considèrent comme l’expression d’une volonté de pouvoir légitime. Les idées et les formes du savoir ne cherchent pas à “reflèter” la réalité: elles sont bien plutôt des constructions et des interprétations qui servent d’armes dans la confrontation ami/ennemi.

 

Comme Odo Marquard l’a remarqué: vouloir exprimer des vérités éternelles soustraites au temps est l’illusion majeure de la classe bourgeoise, qui pense qu’elle est au-dessus de toutes les autres classes. Les mythes, les religions et les idéologies sont donc des décisions au niveau de la Weltanschauung, qui assurent la permanence et la stabilité des identités. Souvent, la situation historique fait qu’il devient nécessaire de faire subir aux identités des mutations complètes, parce que la communauté politique ou nationale doit survivre. Le maintien de l’identité est un impératif existentiel que l’on ne peut toutefois pas détacher des circonstances spatio-temporelles. Même si l’identité est une fiction, elle demeure un impératif inaliénable. Si une individualité se rencontrait elle-même en temps que personne, mais dans un état antérieur à celui qu’elle revêt aujourd’hui, elle ne s’identifierait pas nécessairement à elle.

 

Holger von DOBENECK.

(article paru dans Junge Freiheit,  n°34/1998; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

mardi, 24 novembre 2009

Le rapport politique-ésotérisme: entretien avec le Prof. G. Galli

magier.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Le rapport politique-ésotérisme

Entretien avec le prof. Giorgio Galli

 

Pendant de nombreux siècles, les rois, les empereurs, les hommes politiques, toujours isolés de leurs contemporains, ont demandé les conseils de “mages”, d'astrologues, de voyants, d'alchimistes, avant de prendre des décisions importantes. Ces curieux conseillers étaient toujours présents, plus ou moins officiellement, dans l'orbite des hommes qui les consultaient fidèlement. La révolution scientifique nous a fait croire que le mystérieux filon occulte qui s'insère entre la politique et les pratiques ésotériques s'était dilué et avait disparu. Mieux vaut être prudent avant de l'affirmer péremptoirement! Même à notre époque pleinement sécularisée, marquée par un grand scepticisme, par l'athéisme généralisé, on peut repérer les liens obscurs unissant de mystérieuses congrégations aux hommes du pouvoir.

 

Giogio Galli, professeur d'histoire des doctrines politiques à l'Université de Milan, s'est préoccupé de ces thématiques, en écrivant des livres qui ont suscité la curiosité, l'intérêt mais aussi causé une certaine inquiétude. Nous lui avons demandé de nous expliquer dans quelle mesure l'ésotérisme influence les lieux du pouvoir dans le monde occidental, au seuil du troisième millénaire.

 

GG: «Les rapports entre l'ésotérisme et la politique n'ont plus de nos jours la continuité qu'ils avaient dans les temps passés, mais le phénomène n'est pas pour autant épuisé depuis l'avènement de la révolution scientifique. Il est moins apparent, mais il est néanmoins présent. En notre siècle qui s'achève, à côté des idéologies de masse qui ont favorisé l'avènement de l'homme nouveau, dominateur de la technique et de la science, forgé dans l'acier des fabriques et prêt à se jeter dans les tempêtes d'acier comme l'a décrit Ernst Jünger, nous voyons réémerger des cultures anciennes qui, bientôt, influeront les événements historiques. De la mystérieuse figure de Raspoutine installée à la cour des Tsars aux voyants consultés par Hitler pendant la guerre, on constate que les hommes à la tête de la politique mondiale contemporaine ont consulté des astrologues connus: autant de phénomènes qui contredisent l'apparent cynisme de notre société contemporaine et démontrent que l'homme, même s'il est puissant, a besoin de croire en quelque chose».

 

Q: Depuis plusieurs années, vous avez étudié les rapports entre la culture politique et les anciennes cultures ésotériques. En lisant vos livres consacrés à cette thématique, comme Hitler e il nazismo magico, La politica e i maghi, Alba magica,  des pans obscurs des époques historiques récentes se révèlent et j'ai noté que l'ésotérisme en politique intéresse davantage la droite que la gauche. Comment cela se fait-il?

 

GG: «Je crois plutôt que la présence de l'occultisme est transversale et se retrouve dans tous les camps politiques, même si divers penseurs auxquels la droite extrême fait constamment référence, comme Julius Evola ou Ernst Jünger, ou l'entourage des SS de Himmler, ou les savants nationaux-socialistes qui se préoccupaient du Graal, se sont profondément intéressés aux arts ésotériques. Les écrivains Pauwels et Bergier, auteurs d'un livre devenu rapidement très célèbre, Le matin des magiciens, ont donné une définition lapidaire du national-socialisme: «C'est Guénon plus les Panzerdivisionen». René Guénon fut un grand connaisseur des cultes traditionnels pré-chrétiens et est devenu une sorte de “phare illuminant” pour certains cercles de la droite dure en Europe. Ces phénomènes idéologico-politiques nous amènent à constater ce que vous venez d'évoquer dans votre question: l'ésotérisme semble être un engouement des droites dures, mais, à l'analyse, on doit constater qu'il est présent dans toute la sphère politique et n'est nullement un apanage exclusif des droites. La recherche de l'irrationnel est profondément ancrée dans l'âme humaine. La science ne peut pas expliquer aux hommes pourquoi ils sont nés, pourquoi ils tombent amoureux, pourquoi ils meurent, etc.».

 

Q.: D'aucuns prétendent que lorsque l'on ne croit plus en Dieu, on croit en tout le reste...

 

GG: «Nous nous trouvons face à une grande crise des religions institutionalisées de modèle occidental. Le christianisme s'est transformé, alors que le mystère nous accompagne tout au long de notre vie. Le sacré connait une éclipse, aussi parce que l'Eglise catholique ne réussit plus à donner une réponse convaincante aux questions que les hommes lui posent. L'illusion des Lumièresa réduit les mystères de l'univers, ce qui s'est avéré une erreur. En outre, dans le monde entier, on assiste à un retour aux peurs ataviques de la fin des temps, parce que nous approchons le passage d'un millénaire à un autre. Toutes ces situations sont le terrain de culture de doctrines plus ou moins ésotériques, présentes en filigrane dans la société moderne: de l'homéopathie au New Age, de la prolifération des cartomanciennes aux prédicateurs itinérants. Ce vaste champ, qui a été jusqu'ici ignoré des historiens et des sociologues, pourrait être défini comme celui de la “fantapolitologie”: il pourrait révéler des indices intéressants sur la société actuelle. C'est pour cette raison que j'étudie le phénomène avec une attention soutenue».

 

Q.: Les symboles utilisés par les mouvements politiques peuvent avoir une signification dépassant le message politique proprement dit et renouer avec des mythes très anciens. Que pensez-vous de la récupération par la Lega Nord de Bossi des traditions celtiques et lombardes-germaniques? Et du symbole de la Padanie, le “Soleil des Alpes”?

 

GG: «Il me semble que la Ligue, qui existe depuis bientôt quinze ans, a connu des évolutions diverses. Le concept de Padanie est très récent et s'est imposé dans une phase de l'évolution du mouvement, où l'aspect symbolique est devenu plus important, où l'on assiste à la réémergence graduelle de cultures alternatives, y compris dans le champ politique. Aujourd'hui, la Ligue cherche à créer une identité padanienne, mais qui ne pourra pas se profiler sur une base seulement économique, religieuse ou linguistique, vu que la Padanie n'est pas l'Ecosse. D'où le projet de fonder cette identité sur un symbole fort. Indubitablement, la symbolique padanienne semble jouir d'un certain succès: la couleur (le vert) et le symbole (le Soleil des Alpes) sont immédiatement et clairement perceptibles. Evidemment, nous ne sommes pas en mesure de jauger de l'efficacité d'un tel message à court terme. Je ne crois pas que la référence à la culture celtique soit adaptée à la Padanie actuelle. Les Celtes possédaient une vision du sacré fortement liée à la nature. Les prêtresses druidiques y jouaient un rôle important. Les croyances celtiques n'ont rien de commun avec la culture des habitants de la Padanie en 1997».

 

Q.: De quoi parlera votre prochain livre?

 

GG: «Il traitera d'un aspect social particulier de l'Italie contemporaine. Je vais me référer au premier livre que j'ai écrit et j'intitulerai mon nouvel ouvrage Italia e meriggio dei maghi  (= L'Italie et le midi des mages). Je parlerai des innombrables personnes qui se sont rapprochées des cultures restées jusqu'ici marginales dans la société post-industrielle. Je vais démontrer que ces personnes n'ont pas choisi cette voie parce qu'elles se défient de la science, ou qu'elles ne l'ont pas empruntée uniquement en raison d'une telle méfiance. En Italie, un quart de la population se tourne désormais vers la médecine alternative, croit aux horoscopes, visite les cartomanciennes ou se rapproche des philosophies orientales. L'Italie est en train de changer, sous bon nombre d'aspects».

(propos recueillis par Gianluca Savoini, parus dans La Padania, 22 oct. 1997; trad. frtanç.: Robert Steuckers).

mercredi, 18 novembre 2009

Elk volk zijn socialisme!

solidarite-main-tendue.jpgElk volk zijn socialisme!

Naar aanleiding van een tv-reportage (‘Koppen’, 16 okt. jl.) en een debat (3okt.jl) georganiseerd door het Nieuw-Solidaristisch Alternatief (N-SA), is opnieuw het debat geopend rond het wezen van “het solidarisme”. Het N-SA is daarover verheugd, omdat op die manier een onderwerp uit de vergetelheid komt waar het al enkele decennia in vertoeft. Er zijn naast de klassieke linkse tegenstanders ook nogal wat rechtse kringen die het onderwerp liever lieten voor wat het is en was. Een debat dus, over wat solidarisme is, en wat het nieuw-solidarisme is of zou kunnen zijn.

Opmerkelijk is dat een aantal mensen uit de rechtse traditionele Vlaamse Beweging (voor zover daar nog “bewogen” wordt) plots het solidarisme herontdekt hebben, en daarbij menen te kunnen stellen dat het N-SA ten onrechte van de term “solidarisme” gebruik maakt. Ik verwijs hierbij naar een artikel van de hand van Stijn Calle dat verscheen bij het internetmagazine ‘Bitterlemon’. Omdat hierbij op een aantal vlakken nogal kort door de bocht werd gegaan, dit artikel als antwoord.

Ten eerste meent de heer Calle het verzamelbegrip “solidarisme” te moeten definiëren. Goed, en ook nodig, maar wat ons betreft kan de verscheidenheid binnen wie en wat zich doorheen de tijden als solidaristisch bestempelde niet zomaar plotsklaps ingeperkt worden tot de eigen visie. Solidarisme is en blijft een verzamelbegrip. De Fransman Léon Bourgeois, de christendemocraat Leo Tindemans, Verdinaso-leider Joris van Severen… noemden zich allen ooit “solidarist”. Hun mening(en), visies en initiatieven kunnen onmogelijk los gezien worden van het tijdskader en de maatschappelijke omstandigheden, en wijken vaak sterk onderling af en dus ook van wat vandaag het N-SA zegt of doet. Om maar te stellen hoe uiteenlopend de invullingen van dat solidarisme kunnen zijn. Niemand die dat betwist, maar toch meent de heer Calle dat hij bijvoorbeeld de Franse vrijmetselaar Léon Bourgeois kan verbannen uit het solidaristische kamp, omdat Calle aan het solidarisme een uitdrukkelijke Rooms-katholieke spirituele basis toekent. Het is juist dat de Rooms-Katholieke Kerk (RKK) in de ontwikkeling van haar sociale maatschappelijke leer in zeer belangrijke mate heeft bijgedragen tot de ontwikkeling van diverse solidaristische stromingen (cfr. Pesch, Rerum Novarum,…). Net omwille van die grote verscheidenheid binnen “het solidarisme” en het feit dat wij  deze niet willen inperken door eenzijdige definities, heeft het N-SA destijds de benaming van het “nieuw-solidarisme” aangenomen.

Maar in zijn definiëringsijver gaat de heer Calle nog wat verder en stelt dat het solidarisme een “concretisering van wat gemeenschappelijk in tijd en ruimte de derde weg wordt genoemd”. Die “Derde Weg” is een al even problematisch verzamelbegrip als politiek “links” en “rechts” of zoals “het solidarisme” zelf. Die Derde Weg betekent in de eerste plaats afstand nemen van het politieke en maatschappelijke bestel dat door de heersende ideologie wordt gevormd met haar politiek-filosofisch centrum, linker- en rechterzijde. En dat doet Calle niet, integendeel hij wenst er een uitdrukkelijk rechtse (“radicaal rechts”) invulling aan te geven. Dat “het solidarisme” tot nog toe steeds leefde bij mensen en groepen die als “rechts” te catalogeren zijn, verandert niets aan het feit dat die Derde Weg de facto betekent dat er kruisverbanden worden gelegd uit diverse filosofische, wetenschappelijke, politieke… richtingen. Het N-SA bekent zich tot die Derde Weg, en neemt bijgevolg dus afstand van wat gemeenzaam “extreem-rechts” of eufemistisch door henzelf als“radicaal rechts” wordt omschreven. Net omdat het om een nieuw project voor een nieuwe tijd gaat, die op zowat alle vlakken lijnrecht ingaat tegen de heersende ideologie en haar politieke, maatschappelijke en institutionele systeem. Die Derde Weg betekent afstand nemen van het (conservatieve) status quo of van reactionair gedachtegoed. We raken hier onmiddellijk aan de kwestie van het nationaal-revolutionaire denken, waarover verder meer.  

Een gebrek aan die eerdergenoemde spirituele basis van  het solidarisme wordt het N-SA verweten, en daarmee zijn we bij het tweede punt van kritiek aanbeland. Onterecht, maar allicht heeft de heer Calle hier zijn mening gevormd op basis van wat op het debat van 3 oktober werd besproken, en waar die spirituele basis nauwelijks of niet aan bod kwam. Kern van zijn betoog is dat het solidarisme een beroep doet op een spiritualistische inhoud en zich daarmee onderscheid van zowel liberalisme als socialisme. Dat is juist en N-SA erkent dit ook, voor zover met dit socialisme de marxistische varianten bedoeld worden! Calle situeert die spirituele basis echter – in tegenstelling tot het N-SA - uitdrukkelijk en exclusief binnen het katholieke geloof. Dit anno 2009 doen, betekent zo veel als het organiseren van de begrafenis van het solidarisme. Immers de sociale leer van de RKK en de geloofsmatige basis daarvan, kan niet los gezien worden van het instituut die de Kerk op zich is. De Kerk socialiseert nauwelijks nog, haar macht en invloed bij de brede bevolking krimpt, nog slechts een kleine minderheid van Vlamingen is overtuigd katholiek gelovig en leeft ook volgens haar geloof, een grote maar slinkende groep Vlamingen bewijst er nog latent lippendienst aan. Bovendien wordt die grotendeels inhoudelijk gelijklopende spirituele basis evengoed geboden door andere filosofische overtuigingen, die soms diametraal tegenover het katholicisme staan. Ik verwijs hier bijvoorbeeld naar de Franse Nouvelle Droite rond Alain de Benoist met haar Manifest voor Europees Herstel en Vernieuwing dat aan de vooravond van de eeuwwisseling werd gepubliceerd.

In Vlaamse conservatief-katholieke en andere Vlaamsgezinde kringen die zich bij tijd en wijlen op solidarisme beroepen, is het echter al decennia lang (ongeveer sinds eind de jaren ’70 van vorige eeuw) oorverdovend stil aangaande theorievorming en concrete stellingname inzake solidarisme. Is het intellectuele luiheid en/of desinteresse? In elk geval is het claimen van of het ontzeggen aan anderen van “het solidarisme” vanuit die hoek dan ook op z’n zachtst gezegd potsierlijk te noemen. Het heeft er ook toe geleid dat – zeker op partijpolitiek vlak – conservatieve liberalen en zelfs neoliberalen de kaas van tussen het solidaristische brood namen. Wat men nog onder solidarisme kan verstaan bij de overblijvers, is niets meer dan een vorm van liefdadigheid die de bittere pil van economisch (neo)liberalisme moet vergulden. Tenzij deze mensen standpunten zouden verdedigen waar ze eigenlijk niet achter staan… Het soort solidarisme dus, waar destijds de katholieke baron Woeste zich op beriep toen zijn Bokken pensen mochten uitdelen aan de arbeiders en Daens door hen als… socialist werd versleten. Structurele wijzigingen in het sociaal-economische en maatschappelijke bestel zijn dan ongewenst, het conservatieve status-quo ten voordele van de machthebbers en het heersende regime kan er maar wel bij varen, maar dat is geenszins wat het N-SA wenst.

En daarmee komen we bij een volgende punt van “kritiek”: rond het N-SA hangen er te veel socialistische zwaveldampen, hetgeen wel des duivels moet zijn voor de gemiddelde conservatief. Zoals eerder gezegd, het N-SA heeft daar geen probleem mee, op voorwaarde dat we het hebben over niet-marxistisch socialisme. Het is een onderscheid die men ter klassieke rechterzijde wel eens durft te vergeten. Geen oubollige 20ste eeuwse retoriek en/of achterhaalde begrippen en inzichten, maar een nieuwe analyse die gebruik maakt van het eerder aangehaalde leggen van kruisverbanden over filosofische grenzen heen, zowel historisch als hedendaags.

Als nieuw-solidaristen menen wij dat we een kader kunnen aanreiken voor een vorm van socialisme dat vorm kan geven aan de maatschappij voor de Lage Landen. Elk volk zijn socialisme, wars van elke vorm van internationalisme en wat ons betreft voortbouwend op de brede en zeer gedifferentieerde solidaristische traditie (bewegingen, personen…) in de Lage Landen. Dit socialisme is zonder meer een ethisch socialisme, het is niet de abstracte ideeënconstructie maar de bezielende idee die de voornaamste taak van het nieuw-solidarisme omlijnt: de vorming van de gemeenschapsdienende persoonlijkheid bevorderen in deze tijd van een ontworteld begrip inzake persoonlijke vrijheid en een massaal verspreid materialistisch egoïsme. Voor nieuw-solidaristen is dit socialisme geen systeem, geen wetenschappelijk omkleedde constructie, maar eerder een vorm van geloof. Een geloof in het zinvolle van mens-zijn, een geloof in zelfontwikkeling en –ontplooiing voor elke mens in een omgeving waar welzijn hoger geacht wordt dan welvaart, zonder het belang van het materiële te willen ontkennen of verwaarlozen. Immers, om het even welk beleidssysteem dat er niet zou in slagen om de productieve krachten in de bevolking arbeid te verschaffen en een zekere mate van materiële welvaart te verzekeren, kan mensen hun zelfachting niet teruggeven. Een dergelijk systeem is op zich verwerpelijk en als het zichzelf niet naar de ondergang werkt, verdient het enkel maar op weg naar die ondergang gezet te worden.

Concreet betekent dit dat het N-SA de onzalige belangenstrijd door een solidariteitsbewustzijn tussen alle lagen van de bevolking wenst te vervangen en bijgevolg ook aanstuurt op de structurele en institutionele veranderingen die dit moet helpen mogelijk maken. Het N-SA bepleit de vorming van een volksfront en wijst bijgevolg automatisch klassenstrijd af! Er gaapt een zeer wijde kloof tussen het ethische socialisme van het nieuw-solidarisme enerzijds en het belangensocialisme van het marxisme anderzijds. Toch moet gesteld dat we in tegenstelling tot de klassieke conservatieven wel geloven in een – weliswaar beperkte – mate van maakbaarheid van de maatschappij. Zoniet, blijft elk solidarisme steken in liefdadigheid binnen het bestaande politieke, economische en institutionele systeem dat uitblinkt in wankelmoedigheid, immobilisme en willoze, besluiteloze regeringen. Het N-SA pleit dan ook voor de vorming van een nationaal-democratie, waar orde, gezag en autoriteit als wapen tegen willekeur en dictatuur gelden en waar medemenselijkheid niet langs het dwaalpad van liberale “vrijheid” loopt maar wel langs vrij aanvaarde plicht. Enkel plichtenleer is ethisch verantwoord, want wie de absolute individuele vrijheid als het hoogste goed erkent, aanvaardt onmiddellijk ook het recht ze naar eigen goeddunken te gebruiken en dus ook te misbruiken.

Ondanks de afwijzing van het marxisme, moeten we ook hier een kanttekening maken. Marx en zijn theorie kunnen op diverse wijzen worden benaderd. Wie een correct oordeel over Marx wil vellen zal en kan niet uit het oog verliezen dat in de maatschappelijke toestand en de kapitalistische verhoudingen van die tijd, de arbeiders wel degelijk proletariërs waren en dat de klassenstrijdleer van toen de belichaming was van de socialistische drang naar menselijke waardigheid. Marx wenste een menselijkere wereld, maar hij heeft zich vergist. Marx was fout indien hij dacht dat door het vervangen van het kapitalistisch productieproces door het collectivistisch model, meteen ook het egocentrische individualistische mensentype zou vervangen worden door een altruïstische, sociaalgezinde mens. Een betere maatschappij vergt boven alles een betere mens, en beter word je als mens door ethiek hoog in het vaandel te voeren en door het streven naar een zinvoller leven dat in ruime mate aan medemensen tegemoet komt. Marxisme kan beschouwd worden als een wetenschappelijke theorie en dan is het boven alles een analysetheorie van het kapitalisme van de 19de en begin 20ste eeuw, niet van het socialisme! Marx was correct toen hij het klassenbewustzijn van de arbeiders vooropstelde als sociologische integratiekracht met het oog op hun politieke en sociaal-economische ontvoogding, hij was fout toen hij daarop meende een sociale theorie te kunnen bouwen wegens te abstract, te gelijkschakelend, en vooral voor de dag van vandaag te sterk verouderd. Als dit woord (“klasse”en andere terminologie) dus voorkomt in discours van politieke militanten zowel binnen het N-SA als daarbuiten in niet-marxistische kringen, moet dit gezien worden in het licht hiervan. Het nieuw-solidarisme is geenszins gebaseerd op dit klassebegrip, wel integendeel!

Meteen raken we nog een volgende punt van kritiek aan, onder andere door de heer Calle aangehaald op het debat van 3 okt. jl., namelijk dat het principe van een vakbond tegengesteld zou zijn aan “het solidarisme”. Vakbond, syndicalisme, klasse, revolutie… zijn dan allemaal termen die toegewezen moeten worden aan het marxisme (of varianten daarvan) en die zogezegd niet zouden passen in het solidarisme. Dit is zowel historisch als inhoudelijk fout. Historisch gezien hebben diverse vakverenigingen in de eerste helft van de 20ste eeuw bijgedragen aan het ontstaan van een sterke solidaristisch geïnspireerde beweging in het toenmalige katholieke Vlaanderen. De Werkmansbond tot Zelfverdediging en het Vlaams Nationaal Vakverbond zijn maar twee voorbeelden hiervan. Of de rol die Jules Declercq speelde binnen het Verdinaso, wat vooral te maken had met het syndicalisme. Het Verbond van Nationale Arbeiderssyndikaten (NAS) vormde de belangrijkste wervingsbasis voor het Verdinaso, ondanks het gestook van nogal wat clerus tegen het NAS en het Verdinaso. Meermaals namen Dinaso-publicaties het op voor nationaalsyndicalisten.

De kritiek op de klassieke partijvakbonden van toen geldt ook nu nog: het zijn partijsyndicaten die een staat binnen de staat vormen, en waarvan de top belang heeft bij het status-quo. Er moet een onderscheid gemaakt worden tussen de bestaande toestand en wat daarmee aangevangen moet worden enerzijds, en de gewenste toestand in de toekomst zoals de nieuw-solidaristen dit zien anderzijds. De gewenste toestand is eenvoudig: syndicalisme is een systeem binnen hetwelk de economie kan worden geordend, sociale orde en rechtvaardigheid kan worden uitgebouwd. Nu is onderhand genoeg gebleken is dat correcties op het liberaal-kapitalisme voortdurend onder druk staan van neoliberale dwaalideeën. Het is een geheel waar verplichte samenwerking nieuwe instituten (vroeger corporaties genoemd) creëert, die voortbouwen op de Europese continentale traditie van sociaal overleg en waarin een vakbond dus een nieuwe invulling krijgt van haar taken die meer afgestemd zijn op de noden in de 21ste eeuw. In een tijd waarin zowat alles is gedegradeerd tot koopwaar (niet enkel arbeid), is het noodzakelijk dat echte oppositie een vakvereniging voorstelt die een dergelijke nieuwe invulling van haar taken en wezen krijgt. De bestaande wettelijke toestand daarentegen, zorgt er voor dat een dergelijke vakvereniging niet vanuit het niets kan worden opgebouwd naast de bestaande partijvakbonden die zich goed hebben beschermd tegen mogelijke nieuwe concurrentie. Bovendien is het bereiken van een werkbare ‘Orde’ binnen het huidige vroeg 21ste-eeuwse demoliberale bestel niet (meer) mogelijk.  Dit betekent dat het regime in zijn geheel als politieke vijand beschouwd moet worden, en niet de belangenorganisaties van werknemers op zich die hoe dan ook de zwakste partij zijn binnen het bestaande systeem. Dit betekent volgens N-SA evenzeer dat de klassieke betekenis van syndicale actie en het nut van stakingen niet enkel mogelijk moeten zijn maar zelfs aanmoediging verdienen, zo lang dit demo-liberale systeem niet in de gewenste existentiële crisis verkeert.

Tot slot kan nog ingegaan worden op de – in principe reeds tot op de draad versleten – “kritiek” op de leiding van het N-SA en dan meer bepaald de hoofdcoördinator, zijnde Eddy Hermy, of het op de man spelen in het commentaar op gastsprekers (de heer Reitz). Ik verwijs hierbij naar commentaren van de heer Calle in meerdere artikels van het conservatieve internetmagazine Bitterlemon. Los van het bedenkelijke niveau die dergelijke “kritieken” meestal slechts halen, en het bijgevolg ook dit antwoordartikel niet ten goede komt om erop in te gaan, kunnen we dergelijke zaken maar moeilijk laten passeren. Dat sommigen, onder wie de heer Calle, het moeilijk hebben of hadden met bepaalde debattechnieken kan best zijn en daar is weinig aan te verhelpen, maar in het licht van bovenstaande verduidelijking omtrent nieuw-solidarisme, de verschillende vormen van socialisme en de eraan verbonden terminologie en visies, lijkt het verwijt van “intellectuele oneerlijkheid” die door eerdergenoemde werd gemaakt gewoon fout te zijn. Uiteindelijk komt het wat Eddy Hermy betreft telkens weer uit op de aloude insinuaties omtrent het verleden als Amada-militant. Dit in het licht van het discours en de visie die het N-SA erop nahoudt, wordt logischerwijs verdacht gemaakt door de klassieke extreem-rechtse zijde. Tenslotte is de heer Calle deeltijds medewerker van het VB en partijgenoot Philip Dewinter meende de insinuatie in een vraaggesprek in het links-liberale weekblad Humo van 27 okt. j.l. nog eens fijntjes te moeten overdoen. De voorbeelden van personen in de brede radicale Vlaamse Beweging en daarbuiten (ook in het buitenland) die de overstap maakten van marxistisch-revolutionair naar nationaal-revolutionair zijn veelvuldig. Ook het toekennen van een soort absoluut “Führerschap” aan de “leider” van het N-SA is op niets meer dan gebakken lucht gebaseerd. Het N-SA-bestuur bestaat uit een groep mensen die gezamenlijk, in consensus beslissen en waarvan elk lid heus wel voor zichzelf kan nadenken en voorstellen formuleren, onder wie ondergetekende.

P. Van Damme
Coördinator N-SA

A Call to the Alternative Right

pgottfried1.jpgA Call to the Alternative Right
 

As one might surmise, one doesn’t get rich by serving the HL Mencken Club. Unlike other organizations, which have claimed the “conservative” label, belonging to our club is not a ladder to social acceptability or a means of increasing one’s income or deferred annuity allowance. Investing time and energy in an organization like ours is not a wise career move but something reminiscent of the fate that Mustafa Kemal thought would await Turkish troops as they prepared for the British attack at Gallipoli in 1915: “I am not asking you to stand and fight here; I am asking you to die in your tracks.” I doubt that even my favorite American military commander, the grim Stonewall Jackson, would have given his cavalry troops orders that were as bleak as this. But this is what the future founder of the Turkish republic said to his soldiers. I mention this not because I intend to order anyone to his death, but because I’m underlining the extraordinary dedication shown by those who have joined our ranks.

I’m especially impressed by those young people who are here. To say they have embraced the non-authorized Right indicates more than simply an ideological address. It betokens their willingness to become non-authorized dissenters, that is, to turn their backs on the characteristically stale conversations of media debates and the allowable differences of opinion within the Beltway.

Turning one’s back on this prescribed discourse means forfeiting the perks that flow from those in power. It also means being labeled as a troublemaker or extremist—and for those who persist in their orneriness, this choice may also mean being pushed out of magazines for which one previously wrote and having one’s books snubbed by the arbiters of acceptable political concerns.

A question I sometimes hear from my Republican son is this: Why do we believe that what we discuss here could not be discussed at conservative foundations or, say, on FOX-News? Presumably our conversation would be welcome in such outlets, unless we did something as shocking as badmouthing ethnic minorities. But there are two problems with this contention. One, the fact that we, or at least most of us, are kept from these outlets would suggest that whatever we discuss most definitely does not suit Republican- or neoconservative-sponsored forums or publications. This is the case even though we do not seek to insult any ethnic or religious group.

Two, we are obviously raising issues that for ideological or social reasons movement conservative organizations do not engage. A few illustrations might help make this point. Arguing that democracy and freedom are on a collision course, that modern liberal democracies, which combine universal rights with massive welfare states, necessarily undermine communal and family authorities, and that character and intelligence are largely fixed by heredity are not positions that neoconservative Beltway foundations would be eager to take on.

And if one considers the tight connection between movement-conservatives and the Republican Party, having authorized conservative organizations think outside the two-party box becomes even more problematic. After all, GOP partisans and clients do not want to hamper Michael Steele and the Republican National Committee from reaching out. And “reaching out” in this context means frantically trying to raid the other party’s base. Although GOP operators don’t hesitate to put down Democrats, what this amounts to is railing against the high costs of Democratic programs, while ignoring those incurred by the GOP in power.

Movement conservatives have assumed the task of airbrushing positions that GOP politicians are taking or would like some people to think they’re taking. Movement conservative publicists, for example, tried to convince us that Republican presidential candidates Rudolph Giuliani and Mitt Romney had shifted their social views, shortly before the presidential primaries in 2008. These supposedly genuine conversions had occurred on such delicate issues as late-term abortion, gay marriage, and the treatment of illegal immigrants. Nonetheless we were urged to take these timely shifts seriously, because someone at National Review or Weekly Standard has a thing for Rudy or struck up a friendship with Mitt. We were assured that Rudy was solid on the war and that he had once stiffed some Arab leader who came to New York. I would also call attention to a law prepared by Heritage, and introduced in 2005 by Governor Romney in Massachusetts, making sure that every Massachusetts resident had health insurance. Although this measure has contributed to towering state deficits, former Governor Romney, we are told, had nothing to do with this folly. It was supposedly altered by a Democratic legislation beyond recognition. Thus movement conservatives proclaimed, after they had tried to explain away Romney’s earlier support for gay marriage and other positions identified with the social Left.

Conservative journalists have done the GOP establishment other noteworthy favors. They scolded black civil rights leaders and more recently, former President Carter for suggesting that opponents of Obama’s health care plan are driven by racism. But this torrential indignation was almost entirely absent from GOP congressional leaders. Republican whip in the House, Eric Cantor of Virginia, pointedly refused to respond to the charge against his party. Cantor side-stepped the question when it came up in a press interview. Senate Minority leader Mitch McConnell became equally taciturn when confronted by the same charge.

What speaks volumes about how the GOP is handling Carter’s reproach is what GOP National Chairman Michael Steele said at a black institution Philander Smith College, in Little Rock, on September 22. Steele stressed his party’s urgent need to win over the black vote, and he denounced “the subtle forms of racism” that blacks encounter in both employment and college admissions. The GOP would take steps to deal with these subterranean forms of prejudice, and this audience should have no trouble figuring out what these countermeasures are. At last we can see the real value of movement conservative outcries against Democratic accusations of Republican racism. The apparent outrage is a mere diversionary noise for Republican politicians who are trying to make nice to the civil rights lobby. Some movement conservatives may have noticed this but are too ambitious or too comfortable to point out what is taking place.

Also illustrating the difference between us and movement conservatives, especially those who are joined at the hip with the GOP, are the differing ways in which we and they would react to something that recently happened at my college, which was the introduction of an elaborate plan for diversity training among students and faculty. This is something movement conservatives and the alternative Right may conceivably agree about, but here first impressions can be deceiving. Of course, we and they might scoff with equal disdain at our “Five-Year Plan for Strengthening Campus Diversity”—entitled “Embracing Inclusive Excellence”—which talks about the malice being vented against the handful of Jews, Muslims, and Hindus on campus. There is no evidence of these malicious outbursts, and the only evidence for discrimination cited is a methodologically dubious survey answered by 5 students, who were asked if they noticed white Christian students “glancing” suspiciously at them.

We and the neoconservative establishment would recognize (I hope) that these reports were invalid; and even if they were not, the solution offered, recruiting inner-city populations and providing them with scholarships, would not likely end the marginalization of Hindus. We might also have objected with equal annoyance to the plan for sending our faculty to affirmative-action training sessions; finally our two sides might have ridiculed the lop-sided 5 to1 majority by which the diversity plan passed the faculty—without any expectation that this document would be amended to conform to reality.

But having noted this conceivable area of agreement, I would also stress the divergence between our sides when it comes to extricating ourselves from the multicultural fever swamp. Possible neoconservative alternatives to what I’ve described, by such characteristic advocates as Lynne Cheney, David Horowitz and Bill Bennett, might include a compulsory course on the American heritage. This course would showcase our country as a self-perfecting global democracy; and it would take students on an inspirational journey from the Declaration of Independence’s proclamation that “All men are created equal” through FDR’s Four Freedoms down to Martin Luther King’s “I Have a Dream” speech. This and other similar measures would be used to teach students of all races and creeds “democratic values,” the spread of which, we would be told, is the high moral end for which the U.S. was brought into existence.

We might also hear a recommendation from neoconservative social commentator Dinesh D’Souza, calling for extraordinary efforts to integrate college students of all different ethnic backgrounds. D’Souza would accuse our administration of not going far enough to commit students and faculty to a universally exportable democratic way of life. We would also likely be told that recruiting minorities for the wrong reasons would create islands of separateness on our campus instead of making everyone into a member of the world’s first global nation. Finally we might be warned, perhaps by Cal Thomas or David Horowitz, that lurking behind calls for diversity is a hidden plea for anti-Zionism or a defeatist response to the War On Terror. Such hidden agendas characterize the advocates of diversity; who in any case are deviating from the goal of the saintly Martin Luther King, a firm opponent of all forms of quotas, even for black Americans.

Needless to say, I couldn’t think of anyone on the Alternative Right who would take any of these stands. Our side would stress that not every adolescent can do college work. Colleges that are serious about traditional disciplines might appeal to, at most, 20 percent of the young, which is the percentage of those who have the cognitive skills for doing college-level study. Given the fraudulent product that now passes for college education, it is not surprising that most students and faculty can neither learn nor teach what was once deemed appropriate as college subjects.

One could easily point to speakers at this conference who have taken the positions outlined. These fearless critics have questioned the transformation of American higher education into a devalued consumer product, made available to those who are incapable of real learning. Small wonder that colleges are turned into centers of multicultural social experiments and diversitarian gibberish! What better use could one find for a falsely advertised institution that is trying to entertain young social work, communication and primary education majors while taking their parents’ money!

Neoconservative educationists, we might also hear from the Alternative Right, have their own fish to fry. They are seeking to defend their version of the democratic welfare state as the best of all governments. They also have another far-reaching goal that is explicit or implicit in their college outreach. Neoconservatives, to speak about them specifically, wish to limit any disagreement on campuses generated by their aggressively internationalist foreign policy. In pursuit of this end, they happily falsify or obscure certain embarrassing historical facts, e.g., the massive deceit applied to pushing the U.S. into past foreign wars, and the published views of such neocon heroes as Churchill and Wilson dealing with racial and ethnic differences.

Neoconservatives and their defenders would accuse our side of taking positions that have no chance of being accepted. And they might be right on this last point. Our positions would infuriate the educational establishment and much of the public administration apparatus. Many of us, moreover, are strict constitutionalists, who would argue, to the consternation of the political class, that the federal government is excessively entangled in state and local education. It should be of no concern to public administrators whether a private college has or has not been recruiting designated minorities. Academic education should not be an occasion for government social planners to impose their vision on the private sector. Indeed private colleges, if they were truly concerned about being independent, would reject federal and state aid, and they would do all in their power to keep our managerial government from interfering with their institutions.

Note I am not defending “our side” in these debates. I am only making clear that we and they do not hold the same views about American education or about how its problems are to be engaged. I would also concede the obvious here, namely, that some people on our side of the divide may occasionally work for those on the other side and that the GOP out of power will occasionally get behind books and authors presenting arguments that would not please Republican administrations. Not all who make the arguments of the alternative Right have been subject to equally oppressive sanctions or have been uniformly denied a place in the sun. There are disparities in the ways that the GOP-movement conservative establishment has treated individual critics on the right. What seems beyond dispute however is that we and they disagree fundamentally on a wide range of questions, far more than we in this room would disagree with each other. The conventional conservative movement is therefore justified in recognizing that we are more different from their movement than establishment conservatives are from those on the center left. Movement conservatives and neoconservatives dialogue openly with the liberal Left while ignoring or ridiculing us—and this happens for a very good reason. The authorized version of the conservative movement understands that we and they are not of the same spirit. Unlike them, we do not serve the GOP; nor are we obliged to go along with neoconservative whims and fixations lest we lose our jobs or media outlets.

Most of us have already been confined to outer darkness; and there is no way we can change this unless we force our way, screaming and kicking, into the neoconservative-liberal conversation. The reason we must exist is that we dare to raise the questions that are anathema to the conventional media. And this is the reason that we lack corporate money and that our devotees are not writing for the Wall Street Journal, New York Times or Washington Post. We stand outside the egalitarian, managerial-state consensus, a consensus that in the end moves in only in one direction, which is leftward.

Those who opposed this trend were long an isolated minority, but now dissenters can be heard on talk radio, some of whom are even gaining a widespread popular appeal. This for me is a heartening development, despite the sad fact that most of us remain excluded from this turn of events, and although what is being described lacks any deep intellectual content. Note that nothing in these remarks would question the shallowness and histrionics of what I’m characterizing as the conservative talk-show phenomenon. As anyone who knows me can testify, it is hard for me to listen to Limbaugh or Beck for a protracted length of time without suffering an upset stomach. But what I’m noting here are long-range trends. There are forces on the American Right which have attracted mass-democratic attention, forces that the neoconservative media do not entirely own and which they can only provisionally preempt. This may bedevil our adversaries, especially if such populist heroes as Rush Limbaugh, Glenn Beck and Mike Savage strike out on their own, that is, decide to go after the GOP and the neoconservatives with the same fury that they’ve vented on the Democrats.

As the onetime isolated Right continues to gain adherents and visibility, what increases apace is the possibility for a breakthrough. And as one observes the sudden rise of our group, it seems to me that those who were once marginalized have become like lilies in a junkyard. Let us hope this junkyard, which is the conservative movement of programmed party-liners and GOP hacks, will eventually become something else. Perhaps the lilies that have sprung up amid the trash and debris will come to replace the present movement conservative wasteland—together with its FOX-News contributors.

La subsidiaridad, entre la libertad y la autoridad

LA SUBSIDIARIEDAD, ENTRE LA LIBERTAD Y LA AUTORIDAD

 

Stéphane Gaudin (*)

¿Qué se puede esperar de la subsidiariedad hoy en día? Este principio que levanta muchas interrogantes ha sido puesto de actualidad por el Tratado de Maastricht, así como gracias a numerosas obras que le han sido dedicadas. Puede resultarnos útil por tanto estudiar un poco más a fondo este concepto que ocupa hoy en día un lugar central en el cuerpo doctrinal de los eco-federalistas europeos.

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Durante la Antigüedad el subsidium era un método de organización militar: una línea de tropa permanecía en alerta, por detrás del frente de batalla, dispuesta a dar auxilio en caso de debilidad. Con el tiempo, este método se convirtió en un principio que se extendió al orden filosófico, jurídico, social y político. Sus raíces son muy antiguas, incluso aunque el término "subsidiariedad" parece más reciente. Los trabajos de Aristóteles, de Tomás de Aquino, de Althusius, de Proudhon, la Encíclica Rerum Novarum del Papa León XIII (1891), más la Quadragesimo Anno de Pío XII tienen su inspiración en este principio. Más tarde aún, el Papa Pío XII en su Discurso a los Cardenales, el 20 de febrero de 1946, precisará que: "toda autoridad social es por naturaleza subsidiaria".

LOS ORÍGENES DE LA SUBSIDIARIEDAD

En su obra "Política", Aristóteles describe una sociedad orgánica -la Polis- en cuyo seno encajarían jerárquicamente los grupos: familias - pueblos. Cada uno de estos grupos tratarían de ser autosuficientes, pero sin jamás conseguirlo del todo; a excepción de la Polis, considerada como un espacio político total. Aquí es el único cuerpo autónomo - y por tanto perfecto (la autonomía, Autarkeia, era considerada por los antiguos griegos como sinónimo de perfección) - en el que el ciudadano puede desplegar sus potencialidades, de cara al bien común. Este "estado natural", permite a los grupos de los que está constituido, ser "capaces de sobrevivir en el dominio de sus propias actividades":

1. Actividades que se complementan pero que no se solapan entre sí. De esta forma, la Polis respeta la autonomía (auto nomos: que se da a sí mismo sus propias leyes) de los grupos que son competentes para asegurarse a sí mismos sus propios asuntos. Tomás de Aquino retomará por su parte este antiguo principio, con este importante matiz: la persona sucede a la Polis como "substancia primera" (Boecio). La persona es, a imagen de Dios, única, a través de su voluntad, de su conciencia, de sus actos y de su libre albedrío. "La idea de persona, salida del pensamiento cristiano y hasta cierto punto de la cultura escandinava, consagra la dignidad de esta substancia autónoma, a la que ninguna autoridad le está permitido ignorar su existencia utilizándola como medio".

2. El hombre trasciende por tanto a su a su pertenencia por su relación íntima e individual con Dios, "es miembro de la sociedad en tanto que ser dependiente, obligado a captar de su alrededor, en su entorno social, los elementos vitales y de su desarrollo físico, intelectual y moral. Puesto que es un ser espiritual, cuyas acciones propias son inmanentes , la persona transciende el medio social en el que se encuentra incrustado".

3. Para el pensamiento tomista, el principio de subsidiariedad está al servicio de la persona (que pertenece a pesar de todo a una colectividad) mientras que para Aristóteles, se encuentra al servicio directo de los múltiples grupos - espaciales, "los clanes"; y temporales, los "linajes" - que conforman la Polis.

ALTHUSIUS, PRECURSOR DEL FEDERALISMO

A principios del siglo XVII, un jurista germánico y calvinista, Althusius (1557-1638), rector del Escuela Jurídica de Herborn desde 1602, escribió la gran obra "Política methodice digesta" (1603) que le hará célebre hasta convertirle, hoy en día, en uno de los precursores de la "doctrina" federalista.

Hombre de decisión y de acción, se propone poner en práctica sus ideas en el seno del Síndico de la ciudad portuaria de Emden, en Frisia oriental, para luchar contra la autoridad del conde soberano Enno. Permanecerá en ese cargo hasta su muerte. Althusius es un hombre de su tiempo, que defiende la tradición comunalista y los cuerpos intermedios que son muy numerosos en su época (familias, corporaciones, ligas, gremios, ciudades, provincias...).

Considerando que para ser solidario, es necesario, por encima de todo, ser libre y autónomo, Althusius es un feroz defensor de las comunidades en las que sus miembros respetan las leyes a través del "pacto jurado". Para él, "la política es la ciencia que consiste en unir a los hombres entre ellos para mejor integrarlos en la vida social, de forma que la comunidad permanezca mejor y más fuertemente conservada entre los asociados". A esto es lo que denominará "simbiótica". En esta frase se transluce la influencia aristotélica. Como él, Althusius considera que la sociedad humana no está formada por individuos sino por comunidades que se articulan alrededor de un principio de armonía. Estas comunidades orgánicas, en tanto que "persona representata" (personas morales) son, como cada ciudadano, sujetos de derecho, y gozan de las mismas libertades. Para subsistir, prosperar, realizarse y proyectarse, los hombres se asocian voluntariamente con el fin de paliar los deseos que solos, nunca hubieran podido satisfacer. Si la asociación se reconoce entonces insuficiente, más asociaciones se pueden reunir y se prestan a formar un "jus foederis" (o una confederación) para el bien común. Esta alianza no tiene necesariamente en cuenta necesariamente la proximidad geográfica. Dos comunidades alejadas la una de la otra pueden encontrar intereses e ideales comunes. Dentro de esta perspectiva Althuseriana, solo el pueblo detenta la soberanía "puesto que vive en esferas ya soberanas y casi autosuficientes. La participación en el poder solo se justifica por la autonomía social, que es ante todo un hecho, y se convierte en un derecho por su necesidad natural". Recordemos que en aquella época Alemania era una mosaico de pequeños estados, de ciudades libres y de minúsculos reinos (unos 350). El Estado, en aquella época, no debía intervenir en el interior de estas comunidades; sino que se debía ocupar de asuntos que se delegaban en su competencia, es decir la paz, la defensa, la policía, la moneda. El principio de subsidiariedad era un instrumento jurídico y un freno a las potenciales derivas totalitarias.

Su pertenencia al Síndico de Emden, permite a Althusius concretizar socialmente este principio que había quedado como algo puramente filosófico en Aristóteles y Tomás de Aquino. Este pensamiento se iba a perpetuar de nuevo en la época contemporánea con Proudhon.

LA SUBSIDIARIEDAD EN PROUDHON

El principio de subsidiariedad está en el centro mismo de la teoría federalista de Proudhon; la subsidiariedad, según Proudhon, permite equilibrar las relaciones por lo general tirantes entre la autoridad y la libertad. Demasiada autoridad conduce al despotismo, demasiada libertad a la anarquía.

En su obra: "El Principio Federativo", aparecido en 1862, afirmaba: "El problema político (...), reducido a su expresión más simple, consiste en encontrar el equilibrio entre dos elementos opuestos, la autoridad y la libertad. Todo falso balance se traduce inmediatamente para el Estado, en desorden y ruina, y para los ciudadanos, en opresión y miseria. En otros términos, las anomalías o perturbaciones en el orden social resultan del antagonismo de estos dos principios; éstos desaparecerán cuando los principios se encuentren coordinados de forma que no se puedan perjudicar el uno al otro". Esta "coordinación" ideal se encuentra en el principio de subsidiariedad. El ciudadano oscila entre estos dos polos (autoridad y libertad), con sus competencias, al servicio de las comunidades simples (familias, talleres, sindicatos) y de las comunidades más complejas (comunas, cantones, regiones, Estados). El fin buscado en cada uno de los escalones es siempre el de la autosuficiencia. El ciudadano conserva, en cada nivel, una parcela de soberanía que le convierte en un actor responsable en el seno de una ciudad federalista, ya no natural -el pacto- sino contractual -el contrato-. La forma del contrato prima sobre la del régimen. Para Proudhon, el enemigo principal sigue siendo primordialmente el centralismo estático y nivelador, ya sea democrático o monárquico. El centralismo beneficiándose de la "incapacidad ciudadana" (criterio por lo demás muy subjetivo) intentará progresivamente inmiscuirse en todos los asuntos sociales privados o públicos, transformando así al ciudadano-activo en sujeto-pasivo. El pensamiento proudhoniano nos advierte que la sociedad debe, en la medida de lo posible, superar al Estado si pretende la mejor vida.



En la misma época, los Papas, buscarán inspiración principalmente en los escritos del italiano Taparelli, del obispo alemán Kettele y del francés La Tour du Pin, para elaborar la "doctrina social de la Iglesia". En fin, los tres tienen en común el pretender rehabilitar los cuerpos intermedios. Para Ketteler (1848): "en tanto que familia, la comuna se basta para cumplir su fin natural, por lo que debemos dejarle libre autonomía...El pueblo gobierna por sí mismo sus propios asuntos: es necesario una escuela práctica de política en la administración comunal, donde se reproducen a pequeña escala los asuntos que son tratados a gran escala en los parlamentos. De esta forma el pueblo adquiere la formación política y la capacidad que hace al hombre sentirse independiente", así el autor podrá añadir las bases necesarias a la práctica de una "ciudadanía ascensional". Taparelli sugiere que: "el todo debe venir en ayuda de la parte y la parte del todo, es decir que la parte no desaparezca en
el todo y que el todo no absorba la parte en su unidad". La Tour du Pin, por su parte, propone construir un orden orgánico, natural y jerarquizado, fundado en gran parte sobre las corporaciones. Es necesario, afirma, acabar con el hombre pervertido por el reinado del dinero y de la usura restableciendo una moralidad de la solidaridad e inyectando "Edad Media" en una sociedad cada vez más industrializada. La nostalgia social de La Tour du Pin acabaría inspirando el régimen fuertemente corporativista de Salazar, en Portugal; y en menor medida, el de Mussolini, en Italia.

"EL NUEVO ESTADO" DE FRANÇOIS PERROUX

El economista francés François Perroux ya intuyó los defectos que iban a presentar estos regímenes excesivamente corporativistas, inadaptados a la época contemporánea, indicando que "sin intervención rigurosa del Estado, un sistema corporativo conduce de forma irremisible a la formación de neo-feudalidades económicas". Por tanto, Perroux propone un "Estado Nuevo", puesto que estimaba que el Estado liberal no iba a ser capaz de superar las graves crisis sociales de los años treinta. Fundando, en parte, su teoría económico-social sobre las comunidades de trabajo, compuestas de representantes, de patronos, de asalariados, Perroux estimaba que era necesario contar con un ejecutivo fuerte y una descentralización de funciones sociales: numerosas competencias que hoy en día se confían al Estado estarán aseguradas igual de correctamente, con la misma eficacia y con menor coste en el marco regional, dotado de una existencia, de unos medios de acción efectivos incluidos los relacionados con la comunidad de trabajo. Estos órganos como los engranajes administrativos propiamente dichos se encuentran en situación de asegurar la regularidad y la continuidad de los intercambios entre el Estado y la sociedad. La Revolución Francesa destruiría los cuerpos intermedios, últimos vestigios del feudalismo. El 4 de agosto se hizo tabla rasa de las instituciones medievales para que primaran los engranajes de la República. Poco a poco, el recién creado ciudadano se encuentra solo cara al todopoderoso Estado cada vez más centralizador. El siglo XIX vio surgir el liberalismo triunfante, responsable de numerosos males sociales, siendo el del éxodo rural el más característico. El hombre había dejado de ser la "piedra angular" de la sociedad, puesto que el dinero le había reemplazado. Para contrarrestar esta involución, los Papas van a elaborar la "doctrina social de la Iglesia". Oscilando entre la ingerencia y la no-ingerencia del Estado, la Iglesia critica los excesos del materialismo que disuelve la dignidad, y por tanto la libertad humana. La encíclica Quadragesimo Anno, hace de la subsidiariedad el eje de su reflexión: "Como no se puede quitar a los individuos y dar a la comunidad lo que ellos pueden realizar con su propio esfuerzo e industria, así tampoco es justo, constituyéndose un grave perju¡cio y perturbación de recto orden, quitar a las comunidades menores e inferiores lo que ellas pueden hacer y proporcionar y dárselo a uña sociedad mayor y más elevada, ya que toda acción de la sociedad, por su propia fuerza y naturaleza, debe prestar ayuda a los miembros del cuerpo social, pero sin destruirlos y absorberlos" (Q.A.79; p.93).

UNA "TERCERA VIA" ESPIRITUAL

Los Papas, en particular León XIII, no pretendían una vuelta a una utópica Edad Media, sino que deseaban un proyecto cristiano de cara a la industrialización de una sociedad, una nueva actitud de cara al materialismo y al individualismo que afectaban de forma especialmente dramática a las clases más desfavorecidas; una "tercera vía" espiritual entre el capitalismo y el socialismo a través de un humanismo teocéntrico, respetuoso de la diversidad y de la riqueza del cuerpo social. Precediendo a la Rerum Novarum, la encíclica Humanum Genus (1884) precisaba: "Mas como no pueden ser iguales las capacidades de los hombres, y distan mucho uno de otro por razón de las fuerzas corporales o del espíritu, y son tantas las diferencias de costumbres, voluntades y temperamentos, nada más repugnante a la razón que el pretender abarcarlo y confundirlo todo y llevar a las leyes de la vida civil tan rigurosa igualdad. Así como la perfecta constitución del cuerpo humano resulta de la juntura y composición de miembros diversos, que, diferentes en forma y funciones, atados y puestos en sus propios lugares, constituyen un organismo hermoso a la vista, vigoroso y apto para bien funcionar, así en la humana sociedad son casi infinitas las diferencias de los individuos que la forman; y si todos fueran iguales y cada uno se rigiera a su arbitrio, nada habría más deforme que semejante sociedad; mientras que si todos, en distinto grado de dignidad, oficios y aptitudes, armoniosamente conspiran al bien común, retratarán la imagen de una ciudad bien constituida y según pide la naturaleza."

Así pues, durante mucho tiempo conducido por la Iglesia Católica a través de su doctrina social, el principio de subsidiariedad volverá a la esfera política en el siglo XX gracias al protagonismo dentro de su cuerpo doctrinal que le asignarán los grupos federalistas militantes por una nueva Europa democrática. Este término ya era familiar en los Estados dotados de estatutos de tipo federal o confederal como Alemania (Länder), Suiza (Cantones) o España (Comunidades Autónomas)...Solo el Estado francés, unitario y centralista desde hace siglos parece alérgico a este concepto; hasta el punto de que el término se encuentra aun ausente de la mayor parte de los diccionarios de la lengua francesa. Hoy en día este principio reaparece correlativamente a la construcción del espacio europeo y con la cuestión de la repartición de las competencias entre las Comunidades y sus Estados miembros (especialmente en el famoso artículo 3b del Tratado de Maastricht)[1], y viene bien recordárselo a ciertos "euroescépticos" asustados por la deriva centralizadora y burocrática bruselense.

¿HACIA UN NUEVO CONCEPTO DE SUBSIDIUM?

Pienso no obstante que conviene evitar considerar el principio de subsidiariedad como el remedio milagroso a nuestro estado de deficiencia democrática. Creo que hoy en día no se dan las condiciones mínimas en la base necesarias para una correcta aplicación de este principio. En efecto, las sociedades modernas industrializadas sufren una fragmentación del cuerpo social en una miríada de individuos reagrupados en estructuras antagonistas y que defienden sus intereses a corto plazo. Consustancial a esta atomización social y a la pérdida de referencias identitarias que supone, desaparece progresivamente el sentimiento natural de pertenencia comunitaria, a menudo en favor de una cultura de empresa artificial y pobre. Añadamos a todo esto la pérdida de la reflexión y de espíritu crítico de nuestros contemporáneos, distraídos de sus deberes de ciudadanía por los medios audiovisuales. Además, las estructuras nacional-estatales están dispuestas a integrarse (y desintegrarse) en la "Megamáquina" (Mumford, Bahro, Latouche) de la economía globalizada cuyos principales corolarios son: el nacimiento de las macro-regiones económicas (ALENA, MERCOSUR, UE, ANSEA..), la intensificación de los intercambios de mercancías, de personas y de capitales, la deslocalización de industrias, la sobreproducción, la aceleración de las transferencias de información, la disminución de los costes de transporte y el aumento del poder de las organización internacionales (ONU, OTAN, etc...).

Atenazada entre la mundialización de los objetivos y la individualización de las servidumbres, este tipo de sociedad no está en disposición de preservar su autonomía y su soberanía. En este contexto, las instituciones de Bruselas tienen todas las de ganar al reclamar la utilización de este principio, que de aplicarse hoy en día, entrañaría de hecho, la instauración de un principio de ingerencia insoportable y sin contrapartida en los asuntos nacionales, regionales y locales de los países europeos. El principio de subsidiariedad necesita para ser efectivamente aplicado la previa recomposición del cuerpo social alrededor de principios mutualistas. Esta recomposición ya está en curso, pero irá cada vez más contra las instituciones legales nacional-estatales y europeas. La legítima voluntad de los pueblos a hacerse cargo de su destino a través de la aparición de estas nuevas comunidades generatrices de solidaridades concretas y de verdadera convivencia, se nutrirá irremediablemente del sistema de partidos y de lobbys portadores de ideologías obsoletas, y que son hoy en día, los únicos beneficiarios del sistema oligárquico vigente.


[1]

 

" La Comunidad actuará dentro de los límites de las competencias que le atribuye el presente Tratado y de los objetivos que éste le asigna.

En los ámbitos que no sean de su competencia exclusiva, la Comunidad intervendrá, conforme al principio de subsidiariedad, sólo en la medida en que los objetivos de la acción pretendida no puedan ser alcanzados de manera suficiente por los Estados miembros, y, por consiguiente, puedan lograrse mejor, debido a la dimensión o a los efectos de la acción contemplada, a nivel comunitario.

Ninguna acción de la Comunidad excederá de lo necesario para alcanzar los objetivos del presente Tratado."

Artículo 3 B del Tratado de la Comunidad Europea,(TCE):

 
 (*) Stéphane Gaudin para Breizh-2004, Movimiento Federalista Bretón y Europeo.

lundi, 16 novembre 2009

Les leçons de Vladimir Volkoff sur la désinformation

volkoff.jpgLes leçons de Vladimir Volkoff sur la désinformation

 

Intervention de Philippe Banoy lors de la 10ième Université d’été de “Synergies Européennes”, Basse-Saxe, août 2002.

 

I. Volkoff et la subversion

 

Vladimir Volkoff, fils d’immigrés russes en France, est principalement un romancier prolixe, qui s’est spécialisé dans le roman historique, dont les thèmes majeurs sont la Russie et la guerre d’Algérie, et dans le roman d’espionnage.

 

Lorsqu’il servait à l’armée, il a entendu, un jour, une conférence sur la guerre psychologique. Pour la petite histoire, il fut le seul, parmi ses camarades, à avoir apprécié ce cours. Ses compagnons tournaient ce genre d’activité en dérision. Volkoff, lui, s’est aussitôt découvert un intérêt pour ces questions.

 

Son héritage familial le  prédisposait à être attentif aux vicissitudes du  communisme et aux techniques mises au point par les Soviétiques en matières de manipulation. Poursuivant ses investigations, Volkoff  découvre le livre de Mucchilli, intitulé La subversion, où la guerre subversive se voit résumée en trois points:

◊ 1. Démoraliser la nation adverse et désintégrer les groupes qui la composent.

◊ 2. Discréditer l’autorité, ses défenseurs, ses fonctionnaires, ses notables.

◊ 3. Neutraliser les masses pour empêcher toute intervention spontanée et générale en faveur de l’ordre établi, au moment choisi pour la prise non violente du pouvoir par une petite minorité. Selon cette logique, il convient d’immobiliser les masses plutôt que de les mobiliser (cf. : les révolutionnaires professionnels de Lénine, avant-garde du prolétariat).

 

Après le succès de son roman Le retournement, dont le thème central est l’espionnage soviétique en France, Volkoff est engagé par le SDECE pour écrire un autre roman, sur la désinformation cette fois et avec la documentation que le service avait rassemblée. Volkoff commence par réfléchir, puis accepte cette mission. Résultat: son livre intitulé Le montage. Il connaît vite un succès important. Sollicité par ses lecteurs, qui veulent savoir sur quoi repose ce livre, il publie Désinformation, arme de guerre, une anthologie de textes sur le sujet. Rappelons  que Volkoff, dans Le montage, fait référence à Sun Tzu et à l’objectif du stratège de l’antiquité chinoise : gagner la  guerre avant même de la livrer. Citations : «Dans la guerre, la meilleure politique, c’est de prendre l’Etat intact; l’anéantir n’est qu’un pis aller». «Les experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemi sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un Etat sans opérations prolongées». «Tout l’art de la guerre est fondé sur la duperie». Sun Tzu, et à sa suite, Volkoff, formule ses commandements :

◊1. Discréditez tout ce qui est bien dans le pays de l’adversaire.

◊2. Impliquez les représentants des couches dirigeantes du pays adverse dans des entreprises illégales. Ebranlez leur réputation et livrez-les, le moment venu, au dédain de leurs concitoyens. 

◊3. Répandez la discorde et les querelles entre citoyens du pays adverse.

◊4. Excitez les jeunes contre les vieux. Ridiculisez les traditions de vos adversaires [Volkoff ajoute : Attisez la guerre entre les sexes].

◊5. Encouragez l’hédonisme et la lassivité chez l’adversaire.

 

Comme le fait remarquer Volkoff, la subversionne peut faire surgir du néant ce type de faiblesses. Comme dans toute pensée de l’action indirecte, il faut savoir détecter, chez l’adversaire, toutes formes de faiblesse et les encourager. Tout peuple fort, en revanche, échappe à cette stratégie indirecte; il n’est pas aussi facilement victime de ces procédés.

 

2. De ce que n’est pas la désinformation

 

Avant d’expliquer ce que n’est pas l’information, il convient de formuler une mise en garde et de bien définir ce qu’est l’information à l’âge de la “société de l’information”. Le militaire distingue l’information, d’une part, et le renseignement, d’autre part. L’information est ce qui est recueilli à l’état brut. Le renseignement, quant à lui, est passé par un triple tamis : a) l’évaluation de la source (est-elle fiable ou non fiable, est-elle connue ou inconnue, quelles sont ses orientations philosophiques, politiques, religieuses, etc.?); b) l’évaluation de l’information (est-elle crédible ou non?); c) le recoupement de l’information. Dans toute information ou pour tout renseignement, il y a un émetteur et un récepteur. Les questions qu’il faut dès lors se poser sont les suivantes : Pourquoi l’émetteur émet-il son message? Pourquoi le récepteur est-il visé par l’émetteur et pourquoi écoute-t-il son message? L’officier de renseignement, en charge du recoupement, doit savoir que chacun est marqué par sa subjectivité. Il doit pouvoir en tirer des conclusions. Ce qui nous amène à constater que l’objectivité, en ce domaine, n’existe pas. Ceux qui prétendent donner une information objective sont soit idiots soit malhonnêtes.

 

volk1938773693_small_1.jpg◊A. LA DéSINFORMATION N’EST PAS DE LA PROPAGANDE.

Quand on fait de la propagande, on sait que c’est de la propagande. On sait qui émet et on sait qui est visé. La propagande est claire. Elle vise à convaincre en semblant s’adresser à l’intelligence mais, en réalité, elle vise les émotions.

◊B. LA DéSINFORMATION N’EST PAS DE LA PUBLICITé.

Le but de la publicité n’est pas de tromper mais de vendre. Le mensonge n’est qu’un moyen d’influencer le consommateur. Elle s’adresse aux pulsions et à l’inconscient des gens. La propagande feint de convaincre, alors que la  publicité cherche à séduire, et son but est clair : “achetez Loca-Laco” ou “votez Clinton”.

◊C. LA DéSINFORMATION N’EST PAS DE L’INTOXICATION.

Elle ressemble à la désinformation puisqu’elle vise, via des informations, à tromper et à manipuler subtilement une cible. Mais l’intoxication ne vise que les chefs, pour les amener à prendre une mauvaise décision, qui doit causer leur perte.

 

3. Qu’est ce que la désinformation?

 

La désinformation dépend de trois paramètres:

◊1. Elle vise l’opinion publique, sinon elle serait de l’intoxication.

◊2. Elle emploie des moyens détournés, sinon elle serait de la propagande.

◊3. Elle a des objectifs politiques, intérieurs ou extérieurs, sinon elle serait de la publicité.

Ce qui nous conduit à la définition suivante : la désinformation est une manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés.

 

4. Comment la désinformation est-elle conçue?

 

Au niveau de la méthode, nous relevons une analogie avec la publicité.

◊A. On doit définir qui est le bénéficiaire de l’opération : c’est celui pour qui l’opération est montée.

◊B. On doit disposer de celui qui va réaliser l’opération : l’agent (CIA ou KGB).

◊C. On doit procéder à une étude de marché : quel message va-t-on utiliser  pour arriver au but et comment toucher la cible?

◊D. On doit déterminer les supports : la télévision, la presse, une pétition, internet, un intellectuel, etc.

◊E. On doit déterminer les relais : les “idiots utiles” et les agents payés dans les sphères de la télévision, de la presse écrite, des pages de la grande toile, les artistes, les acteurs, les écrivains, etc.

◊F. On doit déterminer les caisses de résonnance : tous les individus qui, touchés par l’information fausse, la répandent en toute bonne foi, la lancent et la propagent sur un mode idéologique ou autre.

◊G. On doit déterminer la cible : elle peut être la population du pays adverse dans son ensemble; elle peut aussi viser une partie de la population (par exemple, les enseignants) voire des pays tiers (p. ex. : l’opération “swastika” à la fin des années 50, pour faire croire à une résurgence du nazisme en Allemagne).

 

La diabolisation est une forme de désinformation, car elle vise à détruire l’image de l’adversaire (ou de ses chefs) par des méthodes pseudo-objectives. Quelles sont-elles? Quelques exemples : a) Diffuser de faux  documents “officiels”; b) diffuser de fausses photos ou de vraies photos décontextualisées (exemples récents : un cliché de morts serbes avec une légende qui les désigne comme “kosovars”); c) fabriquer de fausses déclaration ou un montage; d) diviser les antagonistes en “bons” et en “mauvais”, en donnant à ce manichéisme des airs “objectifs”; dans la foulée, on passe sous silence les crimes des “bons”, et on s’abstient de toute critique à leur égard. 

 

5. Comment la désinformation se pratique-t-elle ?

 

◊ a. On nie le(s) fait(s) ou on utilise le mode interrogatif ou dubitatif quand on les évoque. Les  formules privilégiées sont : “On dit que... mais il s’agit d’une source serbe, ou néo-nazie, ou paléo-communiste, ou...”. On discrédite ainsi immédiatement l’information vraie que l’on fait passer pour peu “sûre”.

◊ b. On procède à l’inversion des faits.

◊ c. On procède à un savant mélange de vrai et de faux.

◊ d. On modifie le motif d’une action, par exemple, l’agression des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Serbie a été présentée non pas comme une action militaire classique mais comme une “mission humanitaire”. Pour l’Irak, la volonté de faire main basse sur les réserves pétrolières du pays est camouflée derrière une argumentation reposant sur le “droit international”.

◊ e. On modifie les circonstances ou on ne les dit pas. Ce procédé est souvent utilisé dans les informations relatives au conflit israélo-palestinien ou à la guerre civile en Irlande du Nord.

◊ f. On noie l’information vraie dans un nuage d’informations sans intérêt.

◊ g. On utilise la méthode de la suggestion, conjuguée au conditionnel. Exemple : “Selon nos sources, il y aurait eu des massacres...”.

◊ h. On accorde une part inégale à l’adversaire dans les temps consacrés à l’information. Un exemple récent : on a accordé trois minutes d’antenne à Le Pen au second tour des Présidentielles françaises du printemps 2002, ainsi qu’à Chirac, mais, avant cette distribution “égale” du temps d’antenne, on a présenté pendant vingt minutes des manifestations anti-Le Pen.

◊ i. On accorde parfois la part égale en temps, en invitant les deux camps à s’exprimer : le premier camp, qui est dans les bonnes grâces des médias, est représenté par un universitaire habitué à parler sur antenne; l’autre camp, auquel les médias sont hostiles, est alors représenté par un chômeur alcoolique.

◊ j. On estime que chaque camp a une part égale en responsabilité. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, les Palestiniens lancent des pierres, les Israéliens ripostent avec des chars. Le conflit est jugé insoluble : les deux camps sont de “mauvaise volonté”. Ainsi le conflit perdure au bénéfice du plus fort.

◊ k. On présente l’information en ne disant que la moitié d’un fait. Exemple pris pendant la crise du Kosovo : “Les Serbes ont utilisé des gaz”. Sous-entendu : des “gaz de combat” ou des “chambres à gaz”. En réalité, la police serbe avait dispersé une manifestation avec des gaz lacrymogènes.

 

6. Comment réagir face à la désinformation ?

 

◊ 1. Il faut d’abord rester modeste et ne pas prétendre simplifier à outrance des réalités complexes. L’homme libre, l’esprit autonome, pose un jugement historique (généalogique, archéologique), profond, sur les réalités politiques du monde.

◊ 2. Il faut, dans tous les cas de figure, rester méfiant. Il faut systématiquement recouper les informations, s’interroger sur la plausibilité d’une information médiatique, se méfier des répétitions et des appels systématiques à l’émotion.

◊ 3. Il faut s’informer soi-même, lire des ouvrages élaborés sur les peuples, les régions, les régimes, les situations incriminées dans les grands médias. Une culture personnelle solide permet de repérer immédiatement les simplifications journalistiques et médiatiques.

◊ 4. Il faut lire des ouvrages et des journaux ouvertement idéologiques, non conformistes, qualifiés de “marginaux”, car ils expriment des vérités autres, mettent en exergue des faits occultés par les grands consortiums médiatiques. Lire ces ouvrages et cette presse doit évidemment se faire de manière intelligente et critique, pour ne pas tomber dans des simplifications différentes et tout aussi insuffisantes.

◊ 5. Il faut créer et animer des cercles alternatifs d’analyse, afin de ne pas laisser “sous le boisseau” les vérités que l’on a glânées individuellement par de bonnes lectures alternatives.

 

Philippe BANOY.

jeudi, 12 novembre 2009

L'"Arthasastra" de Kautilya: aux sources de la pensée politique indienne

kautilyas_arthasastra_and_social_welfare_idi618.jpgL'«Arthasastra» de Kautilya: aux sources de la pensée politique indienne

 

L'Arthasastra de Kautilya est un grand texte classique indien en sanskrit consacré à l'art de gouverner. Il fut traduit intégralement en anglais pour la première fois en 1915. Les éditions du Félin viennent d'en publier une partie en français. Gérard Chaliand écrit dans son avant-propos: «L'Arthasastra  est un monument considérable qui témoigne de la puissance et de l'originalité de la pensée politique indienne. L'Arthasastra est un traité sur l'Etat, le pouvoir et l'usage de la force. Ecrit matérialiste, pourrait-on dire, aux antipodes d'une conception théocratique, le traité de Kautilya pourrait être qualifié de machiavélien si l'anachronisme n'était flagrant, le discours indien précédant la réflexion du Florentin d'environ quinze siècles (...). Selon la tradition, le traité serait l'œuvre du ministre et conseiller du premier empereur de la dynastie des Maurya, contemporain d'Alexandre le Grand, qui régna au dernier quart du VIième siècle avant notre ère. En fait, la datation de l'œuvre est incertaine (elle varie du Iier avant au IVième après notre ère). On tend aujourd'hui à la situer aux alentours du Iier siècle. Bref, l'ouvrage a environ deux mille ans et son titre, Artha,  désigne la prospérité et sa recherche, quête éminemment matérielle, qui, pour l'Etat, consiste à acquérir et conserver richesse et puissance. L'Arthasastra, ou science du politique, est un traité comprenant quinze livres  —soit cinq cents pages—  dont on ne trouvera ici qu'une modeste partie, mais qui me semble essentielle si l'on veut saisir l'essence de ce chef-d'œuvre politique. Car l'Arthasastra  est à la naissance du politique ce que Sun Zi est à la naissance de la stratégie: une élaboration d'une originalité absolue» (J. de BUSSAC).

 

Kautilya, Arthasastra. Traité politique et militaire de l'Inde ancienne, Editions du Félin, 1998, 122 pages. 100 F.

 

mardi, 10 novembre 2009

Stosstrupp einer neuen Wirklichkeit - Die Gruppe Sozialrevolutionäre Nationalisten 1930-1935

paetel-30mm.jpgStoßtrupp einer neuen Wirklichkeit – Die Gruppe Sozialrevolutionärer Nationalisten 1930 - 1935

 

 

 

Richard Schapke, im Februar 2002

 

Gegenstand dieses Aufsatzes sind die Aktivitäten des Publizisten Karl O. Paetel und der sich um ihn scharenden Gruppe Sozialrevolutionärer Nationalisten. Bei der GSRN handelte es sich um die sicherlich radikalste und konsequenteste Gruppierung der Weimarer Nationalrevolutionäre. Als einzige Organisation bezeichnete die GSRN sich offen als "nationalbolschewistisch" – und versuchte sich mit entsprechender Energie am Brückenschlag zwischen Nationalsozialismus und Kommunismus.

 

 

 

1. Karl Otto Paetel

 

 Der nach dem Zweiten Weltkrieg als Verfasser von Arbeiten über Ernst Jünger und die Jugendbewegung zu einiger Bekanntheit gelangte Karl O. Paetel wurde am 23. November 1906 in Berlin geboren. Schon als Gymnasiast betätigte Paetel sich aktiv in der sogenannten Bündischen Jugend, die jedoch letztendlich nur die Rolle eines Durchlauferhitzers spielen sollte. Als wichtige politische Einflüsse sind zunächst der völkische Indologe Professor Hauer und Ernst Jüngers Soldatischer Nationalismus zu nennen. Als Student der Germanistik, Geschichtswissenschaften und der Philosophie schloss Paetel sich 1926 der Deutschen Freischar an, einem Versuch, die zersplitterten Gruppen der gegen das westlich-materialistische System revoltierenden Bündischen Jugend zu sammeln. Ab 1927 arbeitete der verkrachte Student beim "Deutschen Tageblatt", einem Organ der Deutschvölkischen Freiheitspartei. Mit dieser bürgerlich-reaktionären Gruppe kam es sehr bald zum Bruch.

 

 Paetel hatte nicht zuletzt durch das Gemeinschaftsgefühl der Jugendbewegung bereits zu einem diffusen "Sozialismus" gefunden. Eine Möglichkeit zur Verwirklichung desselben sah er in der Altsozialdemokratischen Partei ASP, die sich 1926 von der SPD getrennt hatte. Unter dem Einfluss von Männern wie August Winnig und Ernst Niekisch hatte die ASP sich zum Ziel gesetzt, die unzufriedene Arbeiterschaft durch soziale, wirtschaftliche und politische Reformen für den deutschen Staat zu gewinnen, auf dass Deutschland unter Führung des unverbrauchten "Arbeitertums" die Ketten des Liberalismus und des Versailler Diktats zerbreche. Den Ultrareaktionären im deutschvölkischen Lager (interessanterweise ist die DVFP die indirekte Vorläuferorganisation der NPD) waren Zugeständnisse an die Arbeiterklasse jedoch verdächtig, und so führte Paetels Engagement für die ASP zu seinem Hinauswurf aus der Redaktion des "Deutschen Tageblatttes". Dem altsozialdemokratischen Intermezzo fiel ebenfalls das ehrgeizige Projekt zum Opfer, gemeinsam mit Reinhold Quaatz, dem Propagandachef der Deutschnationalen Volkspartei, die "Preußischen Jahrbücher" herauszugeben. Wichtig erscheint uns in diesem Zusammenhang die halbjüdische Herkunft von Quaatz – Paetel hatte wenig Berührungsängste, und nachmalige antisemitische Fehltritte sind wohl eher als Verbeugung vor dem Zeitgeist zu deuten.

 

Ernüchtert und von jeglichen Illusionen über die politischen Absichten der Deutschvölkischen und Deutschnationalen kuriert, übernahm Karl O. Paetel im Oktober 1928 aus der Hand eines Berliner ASP-Kameraden die Chefredaktion der Zeitschrift "Das Junge Volk" in Plauen. Zu dieser Zeit vollzog sich ein Gärungsprozess in den Reihen der Bündischen Jugend. Die Fragestellung innerhalb der zerstrittenen Bünde hieß nicht mehr "Nation oder Sozialismus", sondern "Nation und Sozialismus". Diese Synthese sollte durch die "Neue Front" der von gefühlsmäßigem Antikapitalismus und unklaren Sozialismusbegriffen erfassten Jugendverbände geschaffen werden. Paetel und andere wie Hans Ebeling oder Ernst Jüngers Juniorpartner Werner Lass schlugen einen bewusst "nationalbolschewistischen" Kurs ein.

 

Man ging deutlich über Moeller van den Brucks Definition Deutschlands als proletarischer Nation hinaus. Innerhalb Deutschlands wurden durch die inkompetente Wirtschafts- und Erfüllungspolitik der Weimarer Regierungen Millionen proletarisiert, so dass der Kampf gegen den Versailler Friedensvertrag und der Kampf gegen das liberalkapitalistische Weimarer System zusammenwuchsen. Zugleich bedeutete diese Radikalisierung aber auch eine Kampfansage an den "kleinbürgerlichen Naturidealismus" der herkömmlichen Jugendbewegung. Hierbei befand Paetel sich in engster Nachbarschaft zur im Aufbau befindlichen Hitler-Jugend, deren Reichsleitung nicht von ungefähr ebenfalls in Plauen angesiedelt war. In seiner Bedeutung für Paetels politische Entwicklung gar nicht hoch genug eingeschätzt werden kann der politische Einfluss des späteren Marburger Professors Wolfgang Abendroth, damals Aktivist der jugendbewegten Freisozialisten. Abendroth machte den völkischen Renegaten nachhaltig mit dem Klassenkampfgedanken vertraut, und Paetel schlussfolgerte, es bedürfe des Klassenkampfes, um die nationale Befreiung Deutschlands zu erreichen – eine Radikalisierung auch über die Thesen der ASP hinaus.

 

 Nachdem der zusehends extremere Kurs des "Jungen Volkes" von paramilitärischen Wehrverbänden wie Oberland beifällig aufgenommen wurde, erkannte in der Februar-Ausgabe 1929 Artur Grosse den proletarischen Klassenkampf erstmals öffentlich an. Zwei Monate später formulierte Gunter Orsoleck, vor einigen Jahren Anführer einer HJ-Revolte gegen Hitlers reaktionäre Reichsleitung in München: "Volksgemeinschaft oder Klassenkampf? Sollte das ernstlich auch heute noch für die Bündischen zweifelhaft sein? Der Kampf um die nationalen Ziele, um die Freiheit des politischen Lebens, ist heute ein Kampf gegen die herrschenden Wirtschaftsmächte. Dieser Kampf ist nur zu gewinnen, wenn eine gemeinsame Front aller aktiven Kräfte im Volke da ist."

 

 

 

2. Arbeitsring Junge Front

 

 Da die Tätigkeit als Chefredakteur den irrlichternden Paetel nicht zufriedenstellte, legte er diese im Frühjahr 1929 nieder. Publizistisch blieb er mit Aufsätzen im "Jungen Kämpfer", der Herausgabe der "Jungpolitischen Rundbriefe" und natürlich durch weitere Mitarbeit im "Jungen Volk" aktiv. Die "Jungpolitischen Rundbriefe" stellten eine Presseschau dar, die ihre Ansichten aus dem linkssozialdemokratischen "Klassenkampf", den "Nationalsozialistischen Briefen", dem "Widerstand", dem "Vormarsch", dem "Dritten Reich" oder der "Standarte" bezog. Durch diese Tätigkeit gelang es Paetel naturgemäß, eine Reihe wichtiger Kontakte zu knüpfen.

 

 Wie unter den Weimarer Nationalrevolutionären üblich, widmete sich auch Paetel dem Aufbau eines Zirkels, des Arbeitsringes Junge Front. Der in Berlin-Charlottenburg ansässige Arbeitsring ging davon aus, dass ohne die soziale Befreiung der werktätigen Massen die Freiheit der Nation undenkbar sei. Durch die soziale Befreiung sollten die Proletarier in die Volksgemeinschaft eingegliedert werden, also bejahte die Gruppe den Klassenkampf der Arbeit gegen das Kapital. Im Gegensatz zu den meisten anderen NR-Gruppen zeigten Paetels Kameraden ein reges Interesse an ideologischer Untermauerung ihrer Ansichten und formierten die Fachgruppen Nationale Fragen, Sozialismus, Kapitalismus, Imperialismus und Fürsorgeerziehung. An den teilweise gut besuchten Veranstaltungen des Arbeitsringes beteiligten sich auch Vertreter des kommunistischen Jugendverbandes KVJD und der HJ. Auf einer dieser Veranstaltungen, am 4. Juli 1929, propagierte Paetel die Bildung der antikapitalistischen Jugendfront und den Nichtangriffspakt aller antikapitalistisch orientierten Organisationen von KVJD bis HJ. Allerdings erschienen die eingeladenen Kommunisten nicht, und die Nationalsozialisten verließen den Saal. Anschließend beteiligten die Teilnehmer sich vor der französischen Botschaft an einer wüsten Straßenschlacht gegen die preußische Polizei.

 

Zu diesem Zeitpunkt rückte die Entwicklung innerhalb der NSDAP in Paetels Blickfeld. Am 1. August 1929 hatte Otto Strasser seine "14 Thesen der Deutschen Revolution" veröffentlicht, die sich mit den Kernpunkten Kampf gegen Versailles, zentralistisches Großdeutschland, Korporativstaat und völkische Erneuerung im Vergleich mit der ultradikalen Linie eines Joseph Goebbels ziemlich harmlos ausnahmen. Der Arbeitsring erkannte, dass es innerhalb der NSDAP einen starken linken Flügel gab, der ideologische Verwandtschaften mit den Nationalrevolutionären aufwies und gegen Hitlers bürgerlich-reaktionären Kurs opponierte. Durch die Entwicklung extremistischer Positionen sollte dieses Potential innerhalb der NSDAP genutzt und radikalisiert werden. Den Anfang machte Paetel, als er Mitte August 1929 in Strassers "Nationalsozialistischen Briefen" seine These vom nationalen Klassenkampf wiederholte und offen erklärte, sozialistische Politik könne sowohl durch Mitarbeit in der NSDAP als auch in den NR-Gruppen oder der KPD betrieben werden.

 

Am 1. Oktober 1929 legte "Das Junge Volk" eine aufsehenerregende Skandalnummer nach. Paetel verkündete: "Wir wollen die Zusammenarbeit der nationalistischen Aktivisten, die sozialistisch sind um der Nation willen, mit den Aktivisten, die sozialistisch sind um des Proletariats willen." Rolf Becker verlangte den bewaffneten Klassenkampf und forderte den Bürgerkrieg nach bolschewistischem Beispiel, um die Internationale des Nationalismus und des Sozialismus zu schaffen. In der gleichen Ausgabe erschien ein entweder von Paetel oder dem in Schleswig-Holstein agitierenden NS-Linksaußen Bodo Uhse verfasstes Alternativprogramm für die NSDAP. "Die NSDAP ist eine nationalistische Partei. Ihr Ziel ist die Freie Deutsche Nation. Die NSDAP ist eine sozialistische Partei. Sie weiß, dass die Freie Deutsche Nation erst durch die Befreiung der werktätigen Massen Deutschlands von jeder Form der Ausbeutung und Unterdrückung erstehen kann. Die NSDAP ist eine Arbeiterpartei. Sie bekennt sich zum Klassenkampf der Schaffenden gegen die Schmarotzer aller Rassen und Bekenntnisse." Konkrete Forderungen waren Bildung des Großdeutschen Reiches, Annullierung aller außenpolitischen Verpflichtungen und Verträge der Weimarer Republik, Rätesystem auf Betriebsebene, Zerschlagung von Parlamentarismus und Parteienstaat, Verstaatlichung aller Wirtschaftsmittel, Enteignung des Mittel- und Großgrundbesitzes sowie Bildungs- und Sozialreformen zugunsten der armen Bevölkerungsschichten. Als Verbeugung vor dem antisemitisch-rassistischen Zeitgeist müssen die Ausweisung aller zugewanderten Ostjuden und ein strikt biologisch determinierter Staatsbürgerschaftsbegriff gewertet werden. "Die NSDAP ist sich bewusst, dass die in diesen Leitsätzen niedergelegten Gedanken sich nicht verwirklichen lassen ohne eine grundsätzliche Umstellung der bestehenden Machtverhältnisse. Da die volle Kontrolle über die gesamten deutschen Wirtschaftsmittel heute in den Händen von Organen des internationalen Finanzkapitals liegt, richtet sich die nationale Revolution unmittelbar gegen das internationale Finanzkapital. Hieraus ergibt sich, dass jede in Deutschland vollzogene Umwälzung sofort alle Machtmittel des Völkerbundes und Amerikas gegen den Deutschen Arbeiter- und Bauernstaat auf den Plan ruft. Erste Aufgabe der nationalsozialistischen Außenpolitik ist deshalb die Organisation der revolutionären Verteidigung gegen die imperialistischen Mächte, Bündnis mit der Sowjetunion und Unterstützung der revolutionären Bewegungen in allen Ländern der Welt, die sich gegen das internationale Finanzkapital richten."

 

Das erregte Aufsehen war beachtlich, die bürgerliche und die sozialistische Presse erschauerten vor der herannahenden 3. Welle des Nationalbolschewismus. Strassers Presseorgane winkten übrigens ab und kritisierten den übersteigerten Rassismus sowie die außenpolitische Anlehnung an die Sowjetunion und koloniale Befreiungsbewegungen. Immerhin gelang es Paetel, die Aufmerksamkeit der sogenannten Hamburger Nationalkommunisten auf sich zu lenken. Diese spielten in der direkten Nachkriegszeit unter Heinrich Laufenberg und Fritz Wolffheim eine bedeutende Rolle beim Aufbau der KPD, spalteten sich dann mit der KAPD ab und wurden innerhalb dieser von ultralinken Gruppen marginalisiert und verdrängt. Fritz Wolffheim dachte im "Jungen Volk" vom November 1929 über "Anfang oder Ende der deutschen Revolution" nach.

 

Ende 1929 wurde auch die Kommunistische Internationale auf die Gruppe um Paetel aufmerksam. Die deutschsprachige "Moskauer Rundschau" konstatierte, die nationalrevolutionäre Rechte habe sich zusehends den sozialistischen Vorstellungen der KPD angenähert. Nicht zuletzt der von einem China-Einsatz zurückgekehrte Berufsrevolutionär und linke Ruhrkämpfer Heinz Neumann sprach sich für eine partielle Zusammenarbeit der KPD mit den Nationalrevolutionären aus, was noch bedeutsame Folgen haben sollte.

 

 

 

3. Im nationalsozialistischen Minenfeld

 

Am 3. Januar 1930 trat das publizistische Schaffen Karl O. Paetels in ein neues Stadium. An diesem Tag übernahmen mit Ernst Jünger und Werner Lass zwei der wohl profiliertesten Nationalrevolutionäre die Herausgeberschaft der Zeitschrift "Die Kommenden" und delegierten die Chefredaktion an Paetel. Das Mitte der 20er Jahre entstandene Blatt sah sich als überbündisches Sprachrohr der Jugendbewegung und geriet im Lauf der Jahre zusehends in ein nationalrevolutionär-nationalsozialistisches Fahrwasser. Mit einer Auflage von bis zu 15.000 Exemplaren hatten "Die Kommenden" eine erhebliche Breitenwirkung – nicht zuletzt bei den Jugendgruppen der deutschnationalen Angestelltengewerkschaft DHV und bei der Hitlerjugend, für deren Führerkorps die Zeitschrift seit Sommer 1929 Pflichtblatt war.

 

Paetel öffnete die Spalten der "Kommenden" seinem nationalbolschewistischen Umfeld und schlug einen deutlichen Annäherungskurs an die NS-Linke ein. Endziel war die Bildung einer Einheitsfront aus revolutionären Nationalsozialisten, Proletariat, Bündischer Jugend und Frontsoldaten. Schon nach wenigen Wochen zeigte sich jedoch, dass die "Kommenden" eine weitaus radikale Richtung einschlugen als die Strasseristen. Bereits Mitte Februar attackierte man Otto Strassers Weigerung, Verstaatlichungen und Planwirtschaft anzuerkennen. Einen Monat darauf pflichtete die Redaktion der These bei, für den Wiederaufstieg Deutschlands sei auch das barbarischste Mittel gerechtfertigt. In den NS-Briefen formulierte Paetel zu dieser Zeit: "Gewehr bei Fuß und tätige Bereitschaft für den Augenblick, wo wir dann die Aktion der Unterjochten zu der unseren machen, die Bonzokratie der Moskauer hinwegfegen und das Steuer zum deutschen Sozialismus herumreißen." Die nationalrevolutionäre Avantgarde sollte also nicht nur die Führung der vom Hitlerismus, sondern auch der vom Stalinismus verblendeten Massen übernehmen.

 

Die orthodoxe Rechte, verkörpert nicht zuletzt durch den Frontsoldatenbund Stahlhelm und die Deutschnationalen, also Hitlers politische Wunschpartner, reagierte mit einer heftigen Kampagne gegen die NS-Linke. Man stellte die Skandalnummer des "Jungen Volkes" als Produkt der Parteilinken dar und setzte den apathischen Hitler immer massiver unter Druck, seinen innerparteilichen Gegnern das Handwerk zu legen. Paetel zog am 28. März 1930 zufrieden seine Zwischenbilanz: Die Trennung zwischen nationaler Boureoisie und revolutionärem Nationalismus zeige sich immer deutlicher. Offen erklärte er die nationale Bourgeoisie zum Hauptfeind der Nationalrevolutionäre. Nur zwei Tage später wurde der Chefredakteur als Antwort auf einen scharfen Angriff gegen die nationale Ikone Hindenburg aus der Deutschen Freischar ausgeschlossen. Anfang Mai warnte Reichswehrminister Groener per Geheimbefehl die Reichswehr vor den sich radikalisierenden linksnationalistischen Tendenzen innerhalb der Bündischen Jugend und namentlich vor der Zeitschrift "Die Kommenden".

 

Am 10. Mai 1930 setzten im Berliner Büro des Strasserschen Kampfverlages hektische Besprechungen der NS-Linken ein, wie man dem zusehends reaktionäreren Kurs der Münchener Reichsleitung begegnen solle. Hierbei spielten auch Paetels Einheitsfrontpläne eine gewisse Rolle, auch wenn der sich letztlich als der bessere Hitler definierende Otto Strasser hierbei eigennützige Pläne verfolgte. Anlass zur Sprengung der NSDAP von innen heraus sollte der Zeitungskrieg zwischen dem Berliner Gauleiter Goebbels und dem Kampfverlag dienen. Im Gegensatz zu Strassers späterer Darstellung ging es hier weniger um ideologische Differenzen mit Goebbels, dessen "Angriff" durchaus weiter links stand als die Kampfverlagspresse, sondern um einen reinen Machtkampf um die Vorherrschaft im Gau Berlin. Die Lage war nicht aussichtslos, denn auf der Abschlussbesprechung hatten sich mindestens drei Gauleiter, zahlreiche NS-Publizisten und mehrere SA-Führer hinter Otto Strasser gestellt. Dieser wollte nach dem ersten Parteiausschlussverfahren gegen einen seiner Mitarbeiter handeln und die Abspaltung der norddeutschen NSDAP-Gaue provozieren. Kristallisationspunkt dieser Unabhängigen Nationalsozialistischen Partei sollten die Kampfverlags-Presse und "Die Kommenden" werden. Paetel stimmte einer Zusammenarbeit nur unter der Voraussetzung zu, dass die Abspaltung unter sozialistischen Vorzeichen zu erfolgen hatte.

 

 n den "Kommenden" und den NS-Briefen attackierte Paetel unter seinem Pseudonym Wolf Lerson die Intellektuellenfeindlichkeit der Münchener Reichsleitung. "Die französische Revolution brach aus, als die Ideen der Enzyklopädisten die alte Gesellschaft sturmreif gemacht und die Bourgeoisie mit neuen Forderungen erfüllt hatten. Rousseau und Voltaire sind ebenso ihre Väter wie Robespierre und Danton. Und die Väter der russischen Revolution haben nicht nur Bomben geworfen, sondern fast ein Jahrzehnt in den Schweizer Emigrantencafés diskutiert und Flugschrift über Flugschrift geschrieben. Ist es ein Zufall, dass die russische Revolution schließlich von einem Schriftsteller wie Lenin, die faschistische von einem Journalisten wie Mussolini durchgeführt wurde?" Genauso wichtig die die Schaffung des Dritten Reiches seien die geistige Klärung und „der Marschtritt der Formationen“.

 

 

 

4. GSRN und KGRNS

 

Mittlerweile schienen sich bei Paetel die ersten Zweifel eingeschlichen haben, ob Strasser wirklich der richtige Partner war. Am Pfingstwochenende 1930 hob er zusammen mit den Weggefährten des Arbeitsringes und den Überresten des Hamburger Bundes der Kommunisten die Gruppe Sozialrevolutionärer Nationalisten (GSRN) aus der Taufe. Als maßgebliche Mitglieder der Frühzeit sind die Nationalsozialisten Artur Grosse und Max Wehling und die bündischen Aktivisten Heinz Gruber und Heinz Gollong zu nennen. Die GSRN-Begründer wurden aus eigenem Entschluss aktiv, da sie die NSDAP-Hauptlinie ablehnten und ihnen andererseits die Strasseristen in puncto Sozialismus und Klassenkampf als zu halbherzig erschienen. Sich als Arbeitsgruppe zur national-sozialistischen Durchdringung der Jugendbünde und Nationalrevolutionäre verstehend, unterhielt die höchstens 500 Mitglieder zählende Gruppe dennoch ein weitgespanntes Netz von Vertrauensleuten in den urbanen Ballungszentren.

 

 Die "Thesen der GSRN" lauteten zunächst:

 

"Wir erkennen die Notwendigkeit der Deutschen Revolution. Sie ist die geistige Umgestaltung, die wirtschaftlich, politisch und kulturell das Gesicht unserer Zeit bestimmt.

 

Wir bekennen uns zur Nation, sie ist uns letzter politischer Wert als schicksalsmäßiger Ausdruck volkhafter Gemeinschaft.

 

Wir bekennen uns zum Volk, also der artgemäßen Kulturgemeinschaft im Gegensatz zur volkszersetzenden westlerischen Zivilisation.

 

Wir bekennen uns zum Sozialismus, der nach Brechung der kapitalistischen Ordnung Volk und Nation in organischer Wirtschaftsgliederung bindet.

 

Die Verwirklichung unserer Ziele ist der großdeutsche Volksrätestaat als Ausdruck der Selbstverwaltung des schaffenden Volkes. Die Wirtschaftsmittel werden in den Gemeinbesitz der Nation überführt und das grundsätzliche Eigentum der Nation an Grund und Boden erklärt.

 

Daraus folgt: Nationalisierung aller Groß- und Mittelbetriebe, sofortige großzügige Besiedlung des Ostens, Vergebung von Kleinbauernstellen als Reichserblehen, Ersatz des römischen Privat-Rechtes durch das deutsche Gemeinrecht.

 

Der heutige Zustand fordert: Rücksichtslosen Kampf gegen alle außenpolitischen Versklavungsverträge von Versailles bis Young. Kampf gegen das die äußere Unfreiheit sanktionierende System von Weimar. Bündnispolitik mit der Sowjetunion. Unterstützung der revolutionären Bewegungen zur Schaffung der Einheitsfront aller unterdrückten Klassen und Nationen.

 

Der heutige Zustand erfordert die schärfste Durchführung des Klassenkampfes der Unterdrückten gegen alle, die das privatkapitalistische Dogma von der Heiligkeit des Eigentums vertreten. Das ist der einzige Weg zur deutschen Volksrevolution.

 

Zur Sicherung der Revolution gegen den Zugriff des internationalen Kapitals und gegen konterrevolutionäre Bestrebungen tritt an die Stelle des Söldnerheeres das revolutionäre Volksheer.“

 

 Unter der Hand erklärte man sich jedoch bereit, Strassers 14 Thesen zumindest vorübergehend als gemeinsame Programmplattform anzuerkennen. Der Lagebericht der Polizeidirektion Nürnberg-Fürth von Ende Mai konstatierte bereits, Hitler ringe derzeit um die Einheit der NSDAP. "Die Kommenden" gossen reichlich Öl ins Feuer. Die Gründungstagung von Rosenbergs "Kampfbund für deutsche Kultur" wurde scharf ablehnend kommentiert: "Machen wir uns nichts weis darüber - der 'Kampfbund für deutsche Kultur' ist ein nationalsozialistisches Gewächs, und so war denn diese Tagung ein mehr oder weniger geschickt verschleierter Versuch, die deutsche Kultur nebst bündischer Jugendbewegung für die NSDAP einzufangen...Es war bezeichnend, dass ausgerechnet auf einer Kulturtagung von Religion überhaupt nicht die Rede war. Ersatz: nordischer Rassenfanatismus, der in seinen Auswüchsen zu einer dünkelhaften Verstiegenheit führt, die einen um die deutsche Kultur besorgten Menschen peinlich stimmen kann."

 

Am 27. Juni 1930 verkündete an gleicher Stelle der südwestdeutsche HJ-Führer Karl Baumann: "Es gibt für uns kein Vaterland mehr, das Deutschland heißt, in dem das Besitzbürgertum herrscht. Deutschland, das ist heute nichts weiter als der Begriff des Besitzes und Wohlstandes für die kapitalistische Bourgeoisie...Wir sehen unsere Aufgabe: Die Überwindung der Bourgeoisie im revolutionären Klassenkampf. (...) Es gibt für das deutsche Proletariat nur eine Lösung: Für ein sozialistisches freies Vaterland! Für ein Deutschland der Arbeiter und Bauern! Alle Macht den Räten! (...) Zerschlagt die Götzen des 19. Jahrhunderts! Zertrümmert mit uns die Ordnung, die nicht gottgewollt sein kann! Für Volk und Gemeinschaft! Für Freiheit und Sozialismus! Für ein Leben in Würde und Freiheit!“ Die entsprechende Ausgabe der "Kommenden" enthielt die Referate der GSRN-Gründungstagung und wurde bald als Broschüre mit einer Auflage von 4000 Exemplaren verbreitet.

 

Otto_Strasser_1915.gifZur gleichen Zeit wurde Otto Strasser von Hitler und Goebbels ausmanövriert und aus der NSDAP herausgedrängt. Dem pompösen Aufruf "Die Sozialisten verlassen die Partei" zum Trotz trennte sich nur eine Minderheit der NS-Linken als Kampfgemeinschaft Revolutionärer Nationalsozialisten (KGRNS) von der Mutterpartei – die meisten Gesinnungsgenossen der Sezessionisten verblieben innerhalb der Partei, wo sie auch weiterhin wichtige Funktionen bekleideten. Die Machtfrage wurde im Sommer 1934 von Hitler gestellt und mit der "Nacht der langen Messer" beantwortet. Als Vertreter der GSRN waren Artur Grosse, bislang Gauschulungsleiter für Berlin und Brandenburg sowie Mitglied der HJ-Reichsführung in Plauen, und Karl Baumann in der KGRNS untergebracht. Am 8. Juli gab die GSRN eine Kameradschaftserklärung für die KGRNS an: „Als faschistische Partei hat die NSDAP für uns jeden Anspruch verspielt, Sachwalter der Deutschen Revolution zu sein...Wir stehen nun da, wo man mit der Tat, nicht mit der Phrase das sozialistische Vaterland der Bauern und Arbeiter, die freie Nation in der Durchführung des Klassenkampfes der Arbeit gegen das internationale und das deutsche Kapital als Ausdruck der Weltanschauung unseres Jahrhunderts erkämpft.“

 

Sowohl KGRNS als auch GSRN scheiterten in ihrem Bestreben, sich als Auffangorganisationen für frustrierte Nationalsozialisten vor allem aus HJ und Studentenbund anzubieten. Die Reichsleitung der HJ erklärte "Die Kommenden" zum Feindblatt und untersagte ihren Bezug. Abschluss des Fiaskos war der Hinauswurf Paetels aus der Redaktion der "Kommenden", deren Verleger unter erheblichen wirtschaftlichen Druck geriet. Am 1. August 1930 veröffentlichte Paetel den Versuch einer Standortbestimmung: „Wo wir stehen? Überall da, wo die roten Fahnen der sozialistischen Revolution und die schwarzen Fahnen der deutschen Befreiung aufgepflanzt werden! Wir sind nicht ‚rechts‘ und nicht ‚links‘. Jeder gehört zu uns, von beiden Flügeln her, dem es um Deutschland und den Sozialismus geht. (...) Wir wissen, dass in der NSDAP, bei den ‚Revolutionären Nationalsozialisten‘, und in kommunistischen Kreisen Menschen unserer Haltung stehen, wissen, dass eine ganze Reihe kleinerer nationalistischer Bünde und Gruppen gleichen Losungen folgt, wissen sogar, dass mancher, den sein Schicksal in die politische ‚Mitte‘ verschlug, zu uns gehört - jenseits aller Parlamentsgeographie: mit ihnen stehen wir zusammen.

Wir stehen in der neuen deutschen Front, die sich formiert zum Aufstand der verproletarisierten Nation.

Von ‚links‘ und ‚rechts‘ stoßen Kameraden zu uns - eines Tages wird sich das Kader schließen. (...)

Bereit sein ist alles!

Bereit zu werden, unsere Aufgabe.“ 

 

Am 25. August 1930 veröffentlichte die KPD ihr nicht zuletzt auf die Initiative des oben erwähnten Heinz Neumann zurückzuführendes "Programm zur nationalen und sozialen Befreiung des deutschen Volkes". Die Kommunisten rückten nationale Belange in den Vordergrund, um der NSDAP den nationalistischen Schneid abzukaufen und sie zugleich als scheinsozialistisch zu entlarven. Als Ziele wurden die Zertrümmerung der Versailler Nachkriegsordnung, die Annullierung der Auslandsschulden und Reparationen, die Sozialisierung von Banken, Großbetrieben und Großgrundbesitz sowie die Schaffung Sowjetdeutschlands als Alternative zu Faschismus, Kapitalismus, Feudalismus und Sozialdemokratie genannt. Ein wichtiger Angriffspunkt war selbstredend die reaktionäre Tendenz der Münchener NS-Zentrale, deren Rattenfängerei in den proletarisierten Gesellschaftsschichten gegeißelt wurde. Um die Haltung gegenüber dem neuen Kurs der KPD kam es nun zum offenen Bruch zwischen Paetel und Strasser.

 

Nachdem zuvor 2000 Kommunisten eine Versammlung der KGRNS in Berlin-Neukölln sprengten, wandte Paetel sich Anfang Oktober 1930 in den NS-Briefen an die KPD ("Meine Herren, worum geht es Ihnen?"). Die KPD-Führung wurde aufgefordert, die Nationalrevolutionäre als Verbündete zu akzeptieren. Ihre kurzsichtige Parteitaktik spiele lediglich die revolutionären Kräfte gegeneinander aus, anstatt gemeinsam das kapitalistische System zu stürzen. Im gleichen Atemzug kritisierte der GSRN-Wortführer jedoch Internationalismus und Materialismus der Kommunisten. Strasser wiederum distanzierte sich in der gleichen Ausgabe der NS-Briefe von Paetels Ansichten. Er stellte die KPD-Programmerklärung als taktischen Schritt hin und stilisierte ausgerechnet sich selbst zum einzigen "bolschewistischen Deutschen" empor. Nur der Revolutionäre Nationalsozialismus verkörpere den Nationalbolschewismus.

 

Die Antwort ließ nicht lange auf sich warten. Bruno von Salomon propagierte offen Sabotage, Terrorismus und passiven Widerstand als Kampfmittel gegen den Weimarer Staat (um sich kurz darauf zusammen mit Bodo Uhse an die Gründung kommunistischer Bauernkomitees zu machen), und mit Strassers Kaderchef Wilhelm Korn verabschiedete sich ein Schlüsselmann der KGRNS zu den Kommunisten. Die Dissidenten machten zudem publik, dass Strasser Gelder aus dem preußischen Innenministerium kassierte, welches so eine Radikalisierung der Revolutionären Nationalsozialisten zu verhindern suchte. In der "Roten Fahne" kritisierte Korn Strassers letztlich auf Gewinnbeteiligungen beschränkten Sozialismusbegriff und seine Leugnung des Klassenkampfes. Der ehemalige Nationalsozialist sollte es noch bis zum Reichsinspekteur des Kampfbundes gegen den Faschismus, also der Nachfolgeorganisation des Roten Frontkämpferbundes, bringen.

 

 

 

5. "Die sozialistische Nation"

 

Anfang Januar 1931 begann Paetel die Herausgabe der Zeitschrift "Die sozialistische Nation" als neues Sprachrohr der GSRN. In personeller Hinsicht hatte es abgesehen von den Wortführern der Gründungszeit erhebliche Veränderungen gegeben – Jugendbewegte und frustrierte Nationalsozialisten wurden zumindest in Berlin von ehemaligen KPD-Mitgliedern in die Minderheit gedrängt. Die Auflage der neuen Zeitschrift schwankte zwischen 300 und 600 Exemplaren. Der Preis für finanzielle und damit politische Unabhängigkeit bestand in einer mehr als schlechten Aufmachung und eben geringer Auflagenhöhe. Im Gegensatz zu den zwischen national-sozialistischem Verbalradikalismus und völkischen Thesen hin- und herschwankenden meisten NR-Gruppen zeichnete "Die sozialistische Nation" sich durch ein ausgeprägtes theoretisches Verständnis der Dinge aus. Man forderte nicht nur die äußerste Konsequenz, sondern wollte diese auch ideologisch untermauern.

 

Nachdem die KPD Paetel und Strasser am 6. Januar 1931 auf eine Versammlung eingeladen hatte und dem GSRN-Leiter im Gegensatz zu letzterem einen freundlichen Empfang bereitete, erschien im Februar eine deutliche Ausgabe der "Sozialistischen Nation". Paetel propagierte den "Volkskampf" gegen den prokapitalistischen und reaktionären Faschismus, beharrte aber auf der ideologischen Unabhängigkeit der Nationalbolschewisten. Artur Grosse, aufsässiger Leiter der Strasserschen Jugendorganisation, erklärte: "Nationalbolschewismus heißt zuerst revolutionäre Praxis". Schulter an Schulter mit dem durch die KPD organisierten revolutionären Proletariat sollten die Nationalbolschewisten "die erforderlichen Schritte" unternehmen. Der republikanisch-kapitalistische Klassenstaat zersetze die deutsche Nation, die als verproletarisiertes Volk der Arbeiter, Bauern und Kleinbürger aufgefasst wurde. Marxens These von der universalen Verproletarisierung wurde angesichts von Weltwirtschaftskrise und Massenelend als zutreffend erachtet. Nationalbolschewismus bedeutete für Grosse die Ausrottung der bürgerlichen Klassenordnung. Wenige Tage später erwarb er das Parteibuch der KPD. Zur gleichen Zeit machte das 1. Reichstreffen der GSRN den Mitgliedern eine enge Zusammenarbeit mit der KPD und den ihr angeschlossenen Organisationen zur Auflage, womit vor allem die Mitarbeit im Kampfbund gegen den Faschismus gemeint war.

 

strasser.jpgUnübersehbar gewann die KPD an Anziehungskraft auf die entschlossensten Elemente der Grauzone zwischen Nationalsozialismus und Kommunismus. Zu nennen ist hier vor allem die Hinwendung des wegen illegaler NS-Zellenbildung in der Reichswehr inhaftierten Richard Scheringer zur KPD. Die GSRN gab eine Ehrenerklärung für Scheringer ab, obwohl Paetel ihn von einer völligen Hinwendung zum Kommunismus abzuhalten suchte. Im März 1931 hieß es in der "Sozialistischen Nation": "Will Deutschland sein eigenes Gesicht wahren, bzw. wiedergewinnen, kann es das nur unter konsequentester Ausscheidung aller westlerischen Einflüsse. Gerät es dabei vorübergehend unter den starken Einfluss des Ostens, so ist das in Kauf zu nehmen angesichts der Tatsache, dass dieser Osten der natürliche Gegner auch unserer Feinde, der Westmächte ist. Das Schlagwort des Bolschewismus schreckt uns nicht – denn wir wissen, dass man den Westen nur mit seiner krassesten Antithese überwinden kann." Deutschland werde einst den "Mut zum Chaos" aufbringen müssen – der erwartete westliche Interventionskrieg gegen den einzigen sozialistischen Staat der Welt sollte das Signal zur sozialen Revolution im Reich sein, für den proletarischen Aufstand gegen die Versailler Ordnung. KPD und GSRN führten hier erstmals eine parallele Propagandakampagne durch.

 

Im Frühjahr 1931 griff die GSRN auch erstmals wieder in die internen Machtkämpfe innerhalb der NSDAP ein. Offenbar hatte die Gruppe ihre Hände bei den bis heute nicht geklärten Vorgängen um die sogenannte 2. Stennes-Revolte der SA gegen die Münchener Reichsleitung im Spiel. In jedem Fall traten Paetel, Gollong und Grosse in Verhandlungen mit den SA-Rebellen ein, um sie zur Zusammenarbeit mit dem Kampfbund gegen den Faschismus zu überreden. Infolge des würdelosen Verhaltens der Kommunisten bei der Beisetzung Horst Wessels lehnte ein Führerrat der Rebellen ein Zusammengehen ab – man einigte sich stattdessen mit Otto Strasser.

 

Durch den im Juni 1931 in der "Sozialistischen Nation" veröffentlichten Aufsatz "Revolutionäre Wehrpolitik" handelte Scheringer sich eine weitere Haftstrafe wegen "literarischen Hochverrates" ein. Der NS-Renegat erteilte Weimars prowestlicher Verständigungspolitik auf Kosten der Sowjetunion eine klare Absage. Ihm erschien die Reichswehr nur noch als entpolitisierte Polizeitruppe zur Niederhaltung der unruhigen Massen im vom internationalen Kapital kolonisierten Deutschland. Die NSDAP habe den revolutionären Weg des bewaffneten Aufstandes gegen Versailles bereits verlassen. Sie werde die Massen niemals für sich gewinnen, weil sie auf ihre sozialistischen Programmpunkte verzichtete. Hitler wolle den deutschen Kapitalismus retten, und die deutschen Kapitalisten würden niemals einen revolutionären Befreiungskrieg zulassen. "Wir erkennen, dass jedes Wort von nationaler Befreiung unter Beibehaltung des kapitalistischen Systems eine Lüge ist...Jeder Soldat, der das kapitalistische System im eigenen Lande stützt, kämpft infolgedessen gegen die Befreiung des deutschen Volkes....Der entpolitisierte Soldat ist eine Kreatur, ein willenloses Werkzeug in der Hand der herrschenden Klasse."

 

Als KPD-nahes Schwesterblatt der "Sozialistischen Nation" konnte der ab dem 1. Juli 1931 erscheinende "Aufbruch" angesehen werden. Zur Beeinflussung unorthodoxer Nationalisten schlug diese Zeitschrift unter der Herausgeberschaft Wilhelm Korns einen nationalkommunistischen Kurs ein. Nicht zuletzt auf Anregung Scheringers bemühte sich nun Hans Kippenberger als Leiter des illegalen M-Apparates der KPD um eine engere Zusammenarbeit mit den Nationalrevolutionären. Von dieser Öffnung des Kommunismus nach "rechts" sollte auch Paetel profitieren. Obwohl er die Zusammenlegung des "Aufbruchs" und der "Sozialistischen Nation" und die Chefredaktion des nationalkommunistischen Gesamtorgans ablehnte, orderte der Kampfbund gegen den Faschismus dennoch einige Hundert Abonnements des GSRN-Organs. Nach heftigen Auseinandersetzungen innerhalb der GSRN stellte man sich jedoch gegen die kommunistische Bevormundung, und eine nach einem qualitativ hochwertigeren Intermezzo verschlechterte Aufmachung wies auf Ende der Finanzhilfe hin.

 

Als weiterer Vorteil erwies sich ein Machtkampf unter den Revolutionären Nationalsozialisten, der zahlreiche Aktivisten in die Reihen der GSRN hineintrieb. Paetel witterte hier Morgenluft, und im Herbst richtete die "Sozialistische Nation" heftige Angriffe gegen den als "Adolf II." charakterisierten Otto Strasser. Dessen Schwarze Front befinde sich durch ihre Ablehnung des Klassenkampfes und ihr kleinbürgerliches Zaudern vor dem "bolschewistischen Schritt in das Chaos" in einer "halbfaschistischen Reservestellung" verharrend. Strasser zeige sich ein weiteres Mal als nationalsozialistisch kompromittiert und verhindere die nationalbolschewistische Einheitsfront.

 

Diese wurde von der GSRN auch weiterhin angestrebt. Ab Ende 1931 arbeitete die Gruppe eng mit dem um die Zeitschrift "Der Gegner" entstehenden Kreis Harro Schulze-Boysens zusammen. Im Januar organisierte Paetel eine nationalbolschewistische Konferenz, an der Persönlichkeiten wie Ernst Niekisch vom "Widerstand", Werner Lass vom "Umsturz", Alexander Graf Stenbock-Fermor vom "Aufbruch" oder Bodo Uhse von den kommunistischen Bauernkomitees teilnahmen. Die weitere Hinwendung zur KPD wurde auch durch die vor den Reichspräsidentschaftswahlen vom Frühjahr 1932 ausgesprochene Empfehlung für den Kandidaten Ernst Thälmann dokumentiert. In einer im bewussten Gegensatz zu den Strasseristen und der Konservativen Revolution radikalisierten Fassung der Thesen der GSRN hieß es nunmehr: "Um der Nation willen, Rätedeutschland!"

 

Im Sommer 1932 übte Paetel sich vergebens in der Organisierung eines Kampfkomitees gegen Versailles mit kommunistischer Beteiligung – Heinz Neumanns Stern war bereits im Sinken begriffen. Den Beitritt des legendären Oberland-Kommandeurs Beppo Römer und anderer zur KPD kommentierte die "Sozialistische Nation" mit dem Wunsch, sie möchten ihre Weltanschauung nicht völlig umkrempeln. "Im Lager des konsequenten Sozialismus haben die nationalistischen Aktivisten die Aufgabe, Meldegänger der Nation zu sein, die Gewissheit der Unzerstörbarkeit des ewigen Deutschland als heimliches Losungswort weiterzugeben, (...) dem Aufstand gegen Versailles...die historische Legitimation zu geben." Der Klassenkampf wurde als organischer Führungsumbruch verstanden (wir erinnern hier an die Theorie Paretos von der Elitenzirkulation), der eine überalterte Führungsschicht durch neue unverbrauchte Kräfte ersetzte. Die mittlerweile beinahe geheimbündlerisch operierende GSRN betrieb die Zellenbildung in den Großstädten, um die von Hitler verratenen Kader des Jungnationalismus und des Nationalsozialismus, also den "deutschen Nationalkommunismus", dem revolutionären Proletariat an die Seite zu stellen.

 

Ein Beispiel dieser Zellenbildung ist die Beteiligung an einer vom Wedding ausgehenden Parteirevolte innerhalb des NS-Gaues Berlin. Das NSDAP- und GSRN-Doppelmitglied Heinz Gruber spaltete Teile der Berliner HJ angesichts einer einsetzenden Säuberung als Schwarze Jungmannschaft ab. Zu diesem Zeitpunkt stellten die "Hammerschläge", die Schulungsblätter der Berliner HJ, bereits ein Tarnorgan der GSRN dar. Mit Doppelmitgliedschaften wie im Fall Gruber übte die Paetel-Gruppe starken Einfluss auf beinahe ein Drittel der Berliner HJ aus. Paetels Bekanntheitsgrad nahm seit April 1932 kontinuierlich zu: Wie vor einigen Jahren Ernst Jünger, so öffneten ihm bürgerliche Blätter wie die "Literarische Woche", die "Weltbühne" und "Das Tagebuch" ihre Spalten und suchten die offene Diskussion mit dem als NR-Chefideologen angesehenen Publizisten.

 

 

 

6. Widerstand gegen Hitler und Adenauer

 

Die Zeichen der Zeit wurden von der GSRN schon ab Spätherbst 1932 erkannt. Die Umstellung auf Doppelmitgliedschaften und Unterwanderung war ein erstes Signal der Vorbereitung auf eine Hitler-Diktatur. Neben der GSRN stellten sich nur die Kommunisten bereits auf eine Phase illegaler Tätigkeit um. Die Sozialrevolutionären Nationalisten setzten auf die Selbstentlarvung des in die Reichskanzlei einziehenden Hitler und agitierten vor allem unter dem unzufriedenen linken Parteiflügel. Diese Propaganda wurde durch seit Herbst 1932 einsetzende Zerfallstendenzen der NSDAP und der SA erleichtert – Hitler hatte im Dezember Gregor Strasser aus der Partei hinausgedrängt und mit der Reichsorganisationsleitung das zentrale Steuerungsorgan der NS-Organisationen zerschlagen.

 

 Ungeachtet einer Warnung der mit den Nationalbolschewisten sympathisierenden SA-Legende Hans Maikowski eröffnete die GSRN ihre Kundgebungswelle am 5. Februar 1933 in Berlin-Charlottenburg. Mitte des Monats erklärten sich rund 20 Führungskader der Berliner HJ zum Bruch mit der NSDAP bereit, aber Paetel legte seinen Sympathisanten weiterhin die Unterwanderung der Parteigliederungen nahe. Nach kommunistischem Vorbild dezentralisierte sich die GSRN in Fünfergruppen, und alle nicht öffentlich bekannten Aktivisten traten als Doppelmitglieder NS-Organisationen bei. Trotz einer einsetzenden Verfolgung durch Hitleristen und staatlichen Repressionsapparat ging die Kopfstärke der GSRN nicht zurück, sondern steigerte sich (wie auch diejenige der Revolutionären Nationalsozialisten) sogar. Paetel war auch an verzweifelten Versuchen beteiligt, für die Reichstagswahlen des 5. März 1933 eine nationalrevolutionäre Liste unter Ernst Niekisch und dem Bauernführer Claus Heim zustandezubringen. Grubers Schwarze Jungmannschaft als de facto-Jugendorganisation der GSRN vereinbarte mit Sozialistischer Arbeiterjugend, dem kommunistischen KJVD und linksbündischen Gruppen wie der legendären d.j. 1.11. gegenseitige Achtung und Zusammenarbeit gegen Hitler.

 

Am 25. Februar 1933 beschlagnahmte die Polizei Paetels "Nationalbolschewistisches Manifest" größtenteils in der Druckerei: "In den Umrissen proklamiert der deutsche Nationalkommunismus: Wir erkennen die Notwendigkeit der deutschen sozialistischen Revolution. Sie ist die geistige Umgestaltung, die wirtschaftlich, politisch und kulturell das Gesicht unserer Zeit bestimmt, sie ist praktisch die Revolution der Arbeiter, Bauern und verproletarisierten Mittelschichten." Die GSRN bekannte sich zur Nation als Kulturgemeinschaft im Gegensatz zur westlichen Zivilisation. "Wir bekennen uns zum planwirtschaftlichen Sozialismus, der nach Brechung der kapitalistischen Ordnung Volk und Nation und organischer Wirtschaftsgliederung bindet und als Gemeinwirtschaft die Grundlage der staatlichen Souveränität bildet. Die Verwirklichung unserer Ziele ist der freie großdeutsche Volksrätestaat als Ausdruck der Selbstverwaltung des schaffenden Volkes." Gefordert wurden im krassen Gegensatz zur prokapitalistischen Wirtschaftspolitik Hitlers die Sozialisierung aller industriellen Groß- und Mittelbetriebe, die Enteignung des Großgrundbesitzes, eine Agrarreform durch Ansiedlung von Kleinbauern und Errichtung sozialisierter Staatsgüter, das staatliche Außenhandelsmonopol, die Verstaatlichung des Bankensektors, engste wirtschaftliche, politische und militärische Zusammenarbeit mit der Sowjetunion, die Unterstützung auch ausländischer revolutionärer Bewegungen und die Schaffung der Einheitsfront aller unterdrückten Klassen und Nationen. "Kampf gegen das die äußere Unfreiheit sanktionierende System von Weimar, reichend von Hilferding zu Hitler, bis zu seiner Vernichtung...Der heutige Zustand erfordert: Die schärfste Durchführung des Klassenkampfes der Unterdrückten gegen alle, die das privatkapitalistische Dogma von der Heiligkeit des Eigentums vertreten. Das ist der einzige Weg zur deutschen souveränen sozialistischen Nation...Zur Erreichung dieser Ziele ist heute notwendig: Kampfgemeinschaft mit der Partei des revolutionären Proletariats, der KPD."

 

Die Verfolgungsmaßnahmen des sich konsolidierenden NS-Regimes gegen den sozialistischen Widerstand inner- und außerhalb der Parteigliederungen griffen ab dem Spätsommer 1933 zusehends. Karl O. Paetel wurde noch vor Jahresende aus der Reichsschrifttumskammer ausgeschlossen und verlor somit das Recht, in Deutschland zu publizieren. Der mit seiner Schwarzen Jungmannschaft mittlerweile innerhalb der Deutschen Arbeitsfront untergetauchte Gruber wurde im Januar 1934 zusammen mit einer Reihe von Aktivisten der d.j. 1.11. verhaftet. Im Zusammenhang mit der brutalen Vernichtung unruhiger Elemente innerhalb der SA, die sich auch auf andere Organisationen und Widerstandsgruppen ausweitete, tauchte Paetel im Sommer 1934 vorübergehend in Mecklenburg unter. Als offizielle Fortsetzung der "Kommenden" und getarntes Organ der GSRN und den "Gegner"-Kreises erschien ab dem 15. Juli 1934 die Zeitschrift "Wille zum Reich". Hier konnte Paetel unter seinem Pseudonym Wolf Lerson bis zum Verbot des Blattes 1935 eine Reihe von den real existierenden Nationalsozialismus kritisierenden Aufsätzen zur Typologie des internationalen Faschismus veröffentlichen und an das von Gestalten wie Schirach vergewaltigte politische Erbe der nationalrevolutionären Jugend erinnern.

 

Nach einer vorübergehenden Verhaftung im Januar 1935 setzte Karl O. Paetel sich auf der Stelle in die Tschechoslowakei ab, wo sich Prag zu einem Zentrum nationalrevolutionärer Exilanten entwickelt hatte. Die Reste der GSRN führten die Zusammenarbeit mit Harro Schulze-Boysens "Gegner"-Kreis weiter, mit dessen Hilfe Paetel sich im Sommer 1935 nach einem illegalen Aufenthalt in Deutschland nach Skandinavien absetzen konnte. Auf deutschen Druck (nach Veröffentlichung eines Aufrufes zur Unterstützung der spanischen Volksfront) aus Schweden ausgewiesen, reiste der nationalrevolutionäre Emigrant im Oktober 1936 via Polen erneut nach Prag, um Anfang 1937 eine Aufenthaltsgenehmigung für Frankreich zu erhalten. Hier arbeitete er an Willi Münzenbergs "Deutschem Freiheitssender" mit. Von Stockholm, Paris und Brüssel aus gaben Paetel und einige Mitarbeiter als Auslandsbüro der GSRN nun die "Blätter der sozialistischen Nation. Rundbriefe für sozialistische und nationalsozialistische deutsche Politik" heraus.

 

 Durch Kontakte zu Vertretern der linksbündischen Untergrundorganisation d.j. 1.11. konnte wieder eine engere Verbindung zum innerdeutschen Widerstand hergestellt werden. Gemeinsam mit dem d.j.-Vordenker Eberhard Koebel (tusk) wies Paetel die Forderung der Kommunistischen Jugendinternationale nach politischer Unterordnung des gesamten Jugendwiderstandes unter die Parteidoktrin zurück. Ein nicht zuletzt von Paetel organisiertes größeres Treffen bündischer Widerstandskämpfer am Rande der Pariser Weltausstellung im August 1937 brachte die Gestapo auf die Fährte des bündischen Untergrundnetzes und hatte zahlreiche Verhaftungen und Terrorurteile zur Folge.

 

Im April 1939 entzog das Reichsinnenministerium Karl O. Paetel die deutsche Staatsangehörigkeit, und kurz darauf wurde er als Hochverräter in Abwesenheit zum Tode verurteilt. Nachdem die Wehrmacht im Sommer 1940 Westeuropa überrannt hatte, übergab die Reichsregierung den französischen Behörden eine Auslieferungsliste mit gefährlichen Regimegegnern. Unter den 101 Namen stand Otto Strasser an 1. Stelle, Paetel bekleidete immerhin den 5. Rang. Über Spanien und Portugal gelang dem Gesuchten wie seinem Rivalen Strasser die Flucht nach Nordamerika.

 

Bevor Paetel sich endgültig von der politischen Bühne verabschiedete, erfolgte nach dem Zusammenbruch des Dritten Reiches ein neuer Versuch, den Traum von einer "Dritten Front" der Jugend zu verwirklichen. Im November 1947 trafen im Haus Altenberg bei Köln die Vertreter von Jugendverbänden aus allen Teilen des besetzten und zerstückelten Deutschland zusammen, um die Möglichkeit einer interzonalen Zusammenarbeit zu besprechen. Heinz Gruber als Paetels Vertreter versuchte vergebens, die sich öffnenden Gräben zwischen den kirchlichen und sozialdemokratischen Jugendverbänden einerseits und der durch Erich Honecker vertretenen FDJ andererseits zu überbrücken.

 

Auch nach dem Scheitern der Konferenz setzten sich Paetel, Gruber und Grosse weiterhin für die Schaffung eines deutschen Europäertums zwischen dem kapitalistischen Westen und dem stalinistischen Osten ein. Ein letztes Aufbäumen vor dem endgültigen Verzicht auf die Ziele eines 30jährigen Kampfes war die Konferenz auf Burg Ludwigstein vom Januar 1954. Hier trafen Veteranen aus Bündischer Jugend, Nationalsozialismus und Widerstand zusammen und beschlossen ein gemeinsames Engagement im neutralistischen Widerstand gegen die Wiederaufrüstung und Westintegration der separatistischen BRD. Mit dem Parteiverbot gegen die KPD und der systematischen Kriminalisierung außerparlamentarischer Bewegungen durch das reaktionäre Adenauer-Regime scheiterte auch dieser letzte Versuch, ein unabhängiges und sozialistisches Deutschland zu schaffen.

 

 

lundi, 09 novembre 2009

Lucio Caraciolo: De l'autonomie du point de vue géopolitique

3_2009_Eurussia_280.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Entretien avec Lucio Caracciolo, directeur de la revue Limes (Rome)

De l'autonomie du point de vue géopolitique

 

Pendant très longtemps il était politiquement incorrect de parler de géopolitique. Les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale, dans l'urgence de dénazifier l'Europe avaient associé de façon exclusive cette importante discipline scientifique aux théories du Lebensraum (de l'espace vital) propagées par les théoriciens du Reich hitlérien. Finalement en Italie aussi, depuis quelque années, on peut à nouveau approcher cette discipline avec sérénité notamment grâce à une excellente revue trimestrielle de géopolitique, Limes, dirigée par Lucio Caracciolo. Dans le sillage du succès qu'elle a obtenu, de plus en plus souvent des publications à caractère géopolitique paraissent dans les librairies. La dernière en ordre chronologique est le Glossaire de géographie et de géopolitique  (Société Editrice Barbarossa), éditée par Enrico Squarcina. Sur les thématiques géopolitiques, nous avons interviewé le directeur de Limes.

 

Docteur Caracciolo, pouvez-vous nous résumer les contenus et les finalités de cette discipline?

 

Quand Michel Korinman, qui dirige avec moi Limes, m'a soumis le projet de lancer une revue italienne de géopolitique (depuis novembre 1996 nous avons une édition jumelle en France), nous avons expliqué immédiatement, à nous-mêmes et aux amis qui ont voulu participer à cette aventure, les termes originaux de notre approche. Nous n'avons pas la prétention d'élaborer les lois de l'histoire et encore moins de faire de la “science”. Beaucoup plus modestement, nous essayons d'analyser des cas particuliers dans des conflits de pouvoir sur base spatiale, donc pouvant être reproduits cartographiquement. Nous ne pensons pas pouvoir généraliser les cas singuliers en constantes universelles. Nous préférons examiner la façon dont les différentes parties en conflit  —pacifique ou militaire—  mandatent et utilisent des représentations politiques respectives pour réaliser leurs projets. Par exemple: Grande Serbie contre Grande Croatie, ou même Padanie contre Italie, et cela en nous efforçant de mettre les parties dans le même plan moral, même s'il est clair que chacun de nous a ses préférences et ses idées. C'est pourquoi dans Limes vous trouverez des points de vue de droite et de gauche, des positions laiques ou religieuses émanant de personnalités différentes quand elles ne sont pas carrément opposées, depuis Romano Prodi à Gianfranco Miglio, de Luciano Canfora à Virgilio Ilari, de Geminello Alvi à Sergio Romano. Ce n'est qu'en les confrontant dans leur dynamicité qu'on peut comprendre les raisons des uns et des autres.

 

En cette époque de globalisation, la conception de «nation» a-t-elle encore une signification quelconque? L'Italie peut-elle être considérée une nation à part entière?

 

Il est certain que la nation est toujours très importante. Et il est tout aussi vrai que l'Etat national, en tant qu'objet de relations internationales, compte toujours beaucoup. Mais je reste très prudent quand il s'agit de définir notre époque actuelle comme l'“époque de la globalisation”. Laissons aux historiens du futur le soin des interprétations. Il est clair que la croissance de l'interdépendance économique et culturelle multiplie les sujets géopolitiques. Aujourd'hui nous avons des régions, des provinces et même des villes possédant une vision géopolitique propre, et pour légitimer ces visions, elles aiment se donner le nom de “nations”. C'est le cas, entre autres, de la Padanie, dont je n'ai pas encore bien cerné le territoire (mais dans ce cas c'est moi qui devrait vous interviewer...).

 

Pour ce qui est de l'Italie, c'est une nation qui existe, en tant qu'Etat, depuis seulement 136 ans, même si l'idée d'Italie a 2000 ans d'histoire: elle descend de la réforme géopolitique de l'empereur Auguste dans le cadre de l'empire romain. Je ne connais pas beaucoup de nations aussi profondément enracinées dans le passé, sauf la Chine. Je suis convaincu que l'Italie durera encore longtemps, même si je n'ai pas de mal à imaginer une nation italienne intégrée dans un Etat européen.

 

Dans le dernier numéro de Limes, vous vous occupez de la politique étrangère de la Ligue du Nord en affirmant qu'elle se base sur les principes de l'ethno-fédéralisme. Vous citez aussi une pensée de Bossi: «C'est dans la nation, c'est-à-dire au sein d'un peuple ethniquement homogène, qu'on peut agir pour le mieux, mus par un meilleur élan affectif». Quelle est votre opinion?

 

77.jpgLa philosophie néo-existentialiste du sénateur Bossi dépasse largement mes facultés d'intelligibilité. Personnellement, j'éprouve un élan affectif majeur dans une relation amoureuse plutôt que dans le rapport avec ma nation. De plus, j'ai le vilain défaut de ne pas adhérer aux principes de l'ethno-fédéralisme, peut-être parce qu'en dépit de tous mes efforts, je ne les comprends toujours pas. Par ma nationalité, je suis italien, mais cela ne me suffit pas pour reconnaître les Italiens comme un peuple ethniquement homogène. Je ne sais pas trop ce qu'est une nation ethnique mais je suis certain que si elle devenait cette nation, je partirais ailleurs. Je suis encore partisan de l'idée qu'un état ethnique ne peut pas être un état libre et démocratique. Mais je n'ai pas la prétention de convaincre les liguistes et je suis très curieux d'entendre leurs argumentations.

 

Pouvez-vous vous exprimer sur le projet de créer des “eurorégions”, dans le style de celle souhaitée depuis longtemps par les Tyroliens?

 

Je ne suis ni favorable ni totalement défavorable aux eurorégions en tant qu'idée abstraite. Ce qui m'intéresse, ce sont plutôt les eurorégions singulières et, surtout, l'usage géopolitique qu'on en fait. Comment être contre ce projet, lorsqu'il s'agit de renforcer les liens économiques entre pays voisins ou d'améliorer les infrastructures de connexion entre frontières? Par contre, je suis préoccupé par le projet d'eurorégions qui, de façon claire ou occulte, remet en question les frontières européennes actuelles, en favorisant le surgissement de nouveaux murs sur le Continent. Si, par exemple, la création de l'eurorégion Tyrol signifie en clair rouvrir le contentieux entre l'Italie et l'Autriche, alors je suis totalement contre.

 

Est-ce que la présence de l'OTAN sur le territoire européen est encore justifiée? Que pensez-vous de l'élargissement de l'Alliance Atlantique?

 

L'OTAN représente une Amérique européenne et une Europe américaine. Je suis persuadé qu'après la fin de l'URSS nous avons encore besoin d'une présence américaine en Europe, pas tellement pour faire face à une invasion en provenance de l'Est mais plutôt pour stabiliser le Continent et éteindre les foyers de guerre, surtout dans l'aire adriatico-balkanique. Evidemment, nos intérêts ne correspondent pas toujours à ceux des Américains, c'est pourquoi nous devons faire entendre notre voix au sein de l'Alliance, tout en sachant que le poids qui donne la mesure est toujours l'Amérique. Quelle alternative? Une superpuissance Européenne? Une Allemagne comme superviseur du Continent? Mieux vaut rester sérieux et chercher à cultiver un rapport atlantique tant que ça dure. Je suis contre l'élargissement de l'OTAN pour plusieurs raisons (nouvelles divisions au cœur de l'Europe, humiliation gratuite de la Russie, marginalisation de l'Italie), mais surtout parce que je crains que cela n'entraîne un relâchement dans l'Alliance, donc une dégradation évidente de son bon fonctionnement. Cela finirait par donner de bons arguments à ceux qui, en Amérique, veulent liquider l'OTAN.

 

Des courants de pensée plutôt critiques vis-à-vis d'une future unification monétaire commencent à se propager. Pensez-vous qu'une Europe principalement économique et monétaire sera profitable aux peuples?

 

Le dernier volume de Limes  est consacré à cette problématique. Personnellement, plus j'y pense et plus je doute que l'Euro puisse servir à unir l'Europe. Au contraire, après Maastricht (mais pas uniquement à cause de Maastricht), je vois croître les tendances désagrégatrices, les particularismes, les nationalismes, l'inaptitude à trouver un point de médiation entre les intérêts nationaux. De ce fait, dans la meilleure des hypothèses, la préférence ira au projet anglais (aujourd'hui soutenu aussi par les Allemands) qui préconise une grande aire de libre-échange qui s'étend de l'Atlantique aux Balkans. Projet aussi légitime (et peut-être même réaliste...) qu'éloigné de l'idée classique d'Europe.

 

Limes s'est souvent préoccupé des rapports entre les Européens et le monde islamique. D'après vous, à quels scénarios pouvons-nous nous attendre dans un futur rapproché?

 

limes-la-cina-spacca-loccidente.jpgJe ne connais pas le futur, mais je crains que la schématisation du conflit de civilisation, inventé par le politologue américain Samuel Huntington, puisse un jour prévaloir. Si on suivait ce type de raisonnement, tout le monde serait perdant, aussi bien les Européens que les Islamiques. En outre, il n'existe pas d'ensemble géopolitique spécifique pour la détermination du monde islamique et nous n'avons aucun intérêt à promouvoir sa création. Si je peux avancer une suggestion, je dirais qu'il faut éviter à tout prix que le rapport avec le monde arabe et le monde islamique soit géré par des soi-disant experts (largement rémunérés), qui nous empêchent d'entendre la véritable voix des Arabes et des Islamiques.

 

Croyez-vous qu'il existe une possibilité quelconque pour que les nations voisines, telles l'Allemagne et l'Autriche, reconnaissent un jour la Padanie indépendante?

 

Dans Limes  vous trouverez des idées très divergentes sur la Padanie, y comprises naturellement celles de ses supporters. Nous avons même demandé au sénateur Bossi le privilège d'un entretien géopolitique sur la Padanie, dans le but d'expliquer clairement cet chose mystérieuse. Par exemple: quelles sont ses frontières? Comment pense-t-il légitimer son indépendance et se détacher du reste de l'Italie? Comment est-il possible de désagréger l'Italie tout en intégrant l'Europe? Je souhaite que bientôt le sénateur Bossi veuille apporter réponse à ces questions en nous honorant d'un interview. Quant à la reconnaissance de la Padanie de la part de l'Autriche et de l'Allemagne, j'ai bien peur que cela ne relève la possibilité zéro, à moins d'être d'accord pour briser l'Union Européenne ou d'imaginer un consensus italien à l'indépendance padane.

 

(propos recueillis par Gianluca Savoini pour le journal Padania, Milan).

 

samedi, 07 novembre 2009

Mei '68: de mythe, de realiteit, en de hormonen

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Mei ’68: de mythe, de realiteit, en de hormonen


 

  
Lezing gegeven in het Vlaams Parlement, 17 mei 2008

 


 Johan Sanctorum / http://www.visionair-belgie.be/

   

Van kostschoolopstand tot teletubbie-dictatuur

Ik dank de organisatoren van dit colloquium voor de uitnodiging. Een ook ter linkerzijde goed aangeschreven filosoof erbij halen, het blijft een risico, je weet nooit wat de man gaat vertellen, en het pleit alleszins voor de breeddenkendheid van de initiatiefnemers. En dat cordon sanitaire doorkruisen,- het blijft zoals U weet een geliefde hobby van me.

Ik zal het vandaag kort hebben over drie zaken die me nauw aan hart liggen,- en ik denk dat ik ook voor het grootste deel van deze achtbare vergadering mag spreken,- namelijk politiek, cultuur en sex.

Mei ’68, het betekent voor ieder van ons iets anders, in zoverre zelfs, dat ik me afvraag of het wel als algemeen begrip de geschiedenis zal halen.  Ik was toen veertien en herinner me vaag zwart-wit TV beelden van Franse studenten die met straatkasseien gooiden, Sovjettanks in Praag, gitaarspelende hippies in Berkeley, anti-Viëtnambetogingen zowat overal, kabouters in Amsterdam, en niet te vergeten: de tirades tegen het establishment vanwege studentenleider Paul Goossens in Leuven, naderhand topfiguur van datzelfde politiek-cultureel establishment, en onlangs door heel de pers uitgewuifd als gepensioneerd Belga-journalist.

Die metamorfose van rebel tot boegbeeld van een ‘links-progressieve’ elite, daar heb ik het straks nog over. Maar wat hebben al deze evenementen, van Praag tot Berkeley, eigenlijk gemeen? Vrijwel niets. Behalve dat ze zich allemaal in het jaar 1968 afspeelden en schone plaatjes opleverden. Het zijn eigenlijk vooral de media, met het nieuwe medium televisie op kop, die er een verzamelnaam aan gegeven hebben, als hing er toen wereldwijd iets in de lucht. En het zijn ook de media die vandaag hun archieven oprakelen om dit non-event met een nostalgisch parfum te besproeien. De ’68-gebeurtenissen leverden immers de beste TV-beelden van die decade op, naast de Vietnam-oorlog natuurlijk. De mediatieke hype die zo gecreëerd werd, vanuit een aantal onsamenhangende gebeurtenissen, leidde tot een historische mythe waar de protagonisten zelf in gingen geloven. Tot op vandaag.

Er stelt zich dan ook een dringende behoefte aan een kritische lezing van de feiten en een demystificatie van het begrippenkader. Een poging dus tot echte historische kritiek die ballonnen doorprikt, mechanismen ontrafelt en processen reconstrueert. Uit die reconstructie blijkt namelijk vooral de inhoudelijke leegte, de gewichtloosheid en het Narcistisch-puberaal karakter van heel dat Franse mei-68 gebeuren.  Het heeft een hypotheek heeft gelegd op het politiek bewustzijn van vandaag, ons taalgebruik, de beeldcultuur, de zogenaamde vrije sexuele moraal. Het dient overigens gezegd dat tenoren uit de Franse denkwereld, zoals de psychoanalyticus Jacques Lacan, ook al die ballon doorprikt hebben. In 1969 al sneerde hij zijn Maoistische studentenpubliek toe dat ze het woord 'revolutie' hebben uitgehold en dat ze binnenkort dat establishment, waartegen ze zo tekeer gingen, zouden overnemen. Profetische woorden...

Neem nu inderdaad het woord ‘revolutie’ zelf. Het is niet toevallig dat sinds die periode alles en iedereen zich ‘revolutionair’ is beginnen noemen,- de weergaloze inflatie van deze term weerspiegelt al het licht soortelijk gewicht van de politieke statements uit die tijd. Sinds het ultrafijn borsteltje dat Chanel bij de mascara ‘Chanel Inimitable’ meelevert, door de producent zelf als ‘revolutionair’ wordt bestempeld, is het misschien nuttig om dat woord eens tot zijn essentie te herleiden.

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Historisch gezien zijn er namelijk maar twee vormen van authentieke revoltes, namelijk de hongeropstand en de vrijheidsbeweging. Op straat komen omdat Uw kinderen van de honger creperen, dàt is een goede reden om met kasseien te gooien. Ik ben in dat opzicht een Marxist. De tirannenmoord anderzijds, een instinctief-liberaal vrijheidsgebaar tegen de verknechting, is een tweede archetype van de revolte. De Franse revolutie van 1789 verenigde die twee, dat gaf haar het historisch momentum. Wat men achteraf ook moge beweren: de intellectuelen liepen er maar achter, en zaten op café toen de hongerige meute de Bastille bestormde.

Honger en/of verknechting. De maag en het hart. De probleempjes van de Grote Revolutie ontstaan echter daar, waar er eigenlijk geen objectieve voorwaarden voor de revolte aanwezig zijn, maar waar de jeugdige hormonen toch beginnen op te spelen. Op dat moment ontstaat er een soort verkleutering, tot op een niveau van kinderachtige charades, collectieve verbrandingssessies van testosteron, Narcistische opflakkeringen van gelegenheidsredenaars, allerlei ludieke acties rond ‘emancipatie’-issues, kat-en-muisspelletjes met de politie om toch maar de schijn van een repressief klimaat te creëren in de hoop dat er eentje zijn matrak bovenhaalt en er een TV-camera in de buurt is, kortom: er wordt een virtuele realiteit gecreëerd die, in het geval van mei-68,  zichzelf opblies tot ‘een historisch moment’. En omdat er geen honger in het spel was, en eigenlijk ook geen echte repressie, althans niet in het 'revolutionaire' epicentrum Parijs, bedacht men ter plekke dan maar een derde soort revolte die hier van toepassing leek, nl. de 'culturele revolutie'.  Een lege doos, zo blijkt nu.

Want uit heel de reconstructie van het discours uit die dagen blijkt, hoe de jongens en meisjes wanhopig zochten naar een politiek-culturele legitimatie voor hun hormonenopstoot. We weten ondertussen allemaal hoe het is begonnen: in Nanterre wilden de mannelijke kotstudenten op de meisjesslaapkamers geraken. Een kostschoolopstand, als het ware. Pas toen dat niet lukte, werden de grote retoriek en het revolutionaire programma bovengehaald. Het staat inderdaad nogal idioot om het aftreden van een regering te eisen omwille van vlinders in de buik. Men afficheerde het dus als een ‘culturele revolutie’, een algemene Umwertung aller Werte, een zaak van vrouwenemancipatie, sexuele vrijheid, artistieke vrijheid, om tenslotte zelfs de arbeiders in de Renault-fabrieken wijs te maken dat dit hun strijd was

De ironie van de geschiedenis is dus, dat er rond 1968 een aantal min of meer authentieke verzetsbewegingen het nieuws haalden (de Praagse Lente, de anti-Vietnamdemonstraties, Leuven-Vlaams…), maar dat het meest gemediatiseerde feit, datgene waarvan de beelden heel de wereld rondgingen, nl. de Parijse studentenopstand, weinig meer was dan een hormonaal aangestuurd straattheater.

Los van bv. de gebeurtenissen in Praag en het protest tegen de Vietnamoorlog, vormden de Parijse studentenrellen van mei ’68 in essentie weinig meer dan een ludieke vadermoord, een uit de hand gelopen testosteron-opstoot vanwege een zorgeloze jeugd met tijd teveel. De zoektocht naar een politieke legitimatie voor deze quasi-revolutie eindigde in een volstrekt leeghoofdig ‘progressisime’, dat op zijn beurt de politiek-correcte ideeëndictatuur van de jaren ’90 zou voortbrengen. Het handhaven van deze bewustzijnsvernauwing was dé voorwaarde voor de ’68-generatie om haar politieke en culturele machtsgreep te bestendigen.

Ik denk dat de leugen, die toen al in het verhaal zat, zijn eigen leven is gaan leiden en zichzelf heeft versterkt, doorheen de tijd, tot diep in de jaren ’90-, met als apotheose bij ons het aantreden van 'paars'.

Want het tweede groot probleem dat zich stelde voor de protagonisten van die onnavolgbare Chanel-generatie, na de politieke legitimatie van de testosteronrevolte, is het moment waarop ze als veertigers en vijftigers zelf aan de macht kwamen. Toen moesten de Vandenbrouckes, de Van de Lanottes en de Van den Bossches, die in hun jonge tijd nog met het rode boekje van Mao hadden gezwaaid en nu hun ‘lange mars door de instellingen’ beloond zagen met een buikje, een ministerpost, en tenslotte een functie van gedelegeerd bestuurder bij BIAC, beletten dat hun lege doos werd opengedaan,- de doos van een tot jeugdsentiment verworden kostschoolopstand. Hoe konden de contestanten van weleer beletten dat ze zelf gecontesteerd werden?

Daartoe moest het huidige regime van de oud-'68-ers bijna voorgesteld worden als een verwezenlijkte utopie, de beste der mogelijke werelden waar zij zogezegd voor op de barrikaden hadden gestaan, en die zij nu ook rechtmatig mochten besturen. Deze buikjesdans van oudstrijders heeft een specifiek en subtiel soort onverdraagzaamheid opgeleverd. Het is namelijk in deze teletubbie-sfeer van verplichte blijdschap en het eeuwigdurende carnaval dat het ‘politiek-correcte’ discours is ontstaan: een complex van retorische en semantische kunstgrepen, censuur en zelfcensuur, waardoor vrijheid en bevoogding elkaar perfect overlappen. Het resultaat was een soort mainstream-progressiviteit die vooral gericht was op het onderdrukken van tegenstromen, het afstoppen van externe vraagstelling (‘waar zij we eigenlijk mee bezig?’) en het ontmoedigen van historische kritiek.

De eerste leugen (de mythe van de 'culturele revolutie') werd dus toegedekt met een tweede leugen (de demonisering van elke fundamentele dissidentie). Om te beletten dat er fundamentele vragen zouden gesteld worden rond die speeltuinrevolutie en haar politieke travestie, moest de euforische logica van de bezette meisjesslaapzaal ook in alle geledingen van de maatschappij doorgetrokken worden. Alles wat daarbuiten viel, was fout, politiek-incorrect, ondemocratisch, rechts, extreemrechts, racistisch, sexistisch, fascistisch enz.

Mei '68 heeft ons niet bevrijd, het heeft alleen de vrijheid tot sloganeske sluier verheven, die breed gedrapeerd is over de repressiemechanismen van de postmoderne netwerkstaat, de fluwelen logedictatuur, de democratie van de kiesdrempels, de cordons sanitaires en de politieke processen.

Mei '68 riep zichzelf eerst uit tot het jaar nul, het begin van een nieuwe tijdrekening, maar stremde gaandeweg tot het einde van de geschiedenis, het jaar 1984 van Big Brother. Binnen dit postmodern paradigma wordt elke kritiek zinloos en zijn de machthebbers tegelijk de behoeders van de vrijemeningsuiting via hun ingenieuze newspeak. Paars heeft dat procédé van de taalmanipulatie en de bewustzijnsvernauwing tot een kunst verheven. Zo ontstond er rond deze machtsgeneratie van de 68-ers een aureool van immuniteit. In het zelfverklaarde paradijs is er geen ruimte voor dissidentie, vermits het per definitie perfect is. Chanel inimitable, weigert alle namaak. De enige gepaste regeringsvorm van Utopia is die van de fluwelen dictatuur. En daar zitten we middenin. Nog altijd. Al zijn er tekenen dat er sleet op begint te komen.

 

'De verbeelding aan de macht': apotheose van het cultureel establishment

Men zou nu verwachten dat de culturele elite,- kunstenaars, academici, media- die manipulatie doorziet en er zich tegen afzet. Niets is minder waar. Ze is zelf meegestapt in de euforische parade van de verwezenlijkte utopie, en heeft het motto 'de verbeelding aan de macht' op een bizarre wijze gerealiseerd, nl. als een feest van de perceptie, een stroom van simulacres,- zoals de Franse filosoof Baudrillard ze karakteriseert. Schaduwvoorstellingen die ons het zicht op de realiteit ontnemen en dus ook de externe kritiek onmogelijk maken, hetgeen hun systeembevestigend karakter verraadt. 

 medium_moutons.gifCultuur, althans de officiële, geaccrediteerde versie, verwerd tot het hilarische trompetgeschal rond de tribune van de poco-dictatuur. De opdracht was en is om te verwarren, mist te spuiten. De ontzettende logorrhee en beeldenstroom die elke dag op ons afkomt, oversatureert ons bevattingsvermogen compleet, maakt ons murw en mentaal weerloos. Ook dat is een erfenis van het ’68-theater en de machtsgreep van deze ludieke generatie. Alles is scherts, ironie, spel, franje. Het politiek bedrijf, de cultuurindustrie en de media convergeren rond deze mateloze cultus van de schijn, het beeld en de perceptie, in een spektakelmaatschappij waarin je alleen bestaat als je op TV komt. En ook dat heeft hoger vernoemde Jacques Lacan achteraf scherp ontmaskerd,- ik citeer: "Cultuur is verworden tot een machinerie van hysterische waarheden die elkaar opvolgen als modieuze gadgets zonder samenhang en zonder schaamte."  

De aan hysterie grenzende libertaire roes van na ‘68, die ons figuren als Jan Hoet en Hugo Claus opleverde, heeft de modale burger niet kritischer of mondiger gemaakt. Integendeel, de veelbezongen artistieke vrijheid beperkte zich vooral tot de zelfverheerlijking van een nieuwe, mediagestuurde elite van trendintellectuelen die zich klakkeloos associeerden met de paarse euforie en haar perceptielogica.
Daarbij hanteerden ze het ‘surrealistische’ Belgische model als een spiegelbeeld van hun eigen flou artistique. Omgekeerd blijft het neo-unitaire regime deze elegante cultuurclowns koesteren, als apologeten van een complexe, ondoorzichtige staatsbureaucratie.

 

In het zog van Coco Chanel definieert elke kunstenaar zich als een 'rebel', terwijl hij eigenlijk de intransparantie van de postmoderne macht reflecteert. Zo’n half jaar geleden sloeg de Amerikaanse installatiekunstenaar Paul McCarthy (geboren in 1945, afgestudeerd in 1969, de data spreken voor zich) letterlijk en figuurlijk een gat in het SMAK-museum. Met een ketchupfles van 18 meter hoog, reusachtige hopen stront, een vastgebonden varken, en nog wat toestanden waarvoor muren moesten gesloopt worden, kwam de SMAK-directie uit op een deficit van een half miljoen Euro gemeenschapsgeld. Het lijkt populistisch en laag-bij-de-gronds om dat deficit te koppelen aan een waardeoordeel over die mijnheer McCarthy, maar er schuilt wel degelijk een logica in: achter de ludieke absurditeit van dit soort happenings zit een enorme kunstmarkt die in een inhoudloze vernieuwingsspiraal zit en dus constant moet choqueren om de aandacht te trekken. Alles moet duur zijn, groot, opgeblazen, excentriek, en al het nieuwe wordt even snel weer vervangen door het nieuwste. Als toeschouwers en participanten worden wij constant meegelokt in dit opbod. Iedereen moet blij zijn, enthoesiast, vooruitkijkend, positief, en vooral niet ‘verzuurd’. Zo convergeerde het exces van de kunstmarkt en de beeldcultuur met de ambities van de oud-'68-generatie om elke politieke en sociale dissidentie preventief af te blokken.

 Er is binnen deze hype-industrie immers geen enkele ruimte voor bezinning, zelfbevraging of zelfs maar kritisch voorbehoud. De post-68-kunst, die ons zogezegd bevrijd heeft, produceert de ene fata morgana na de andere. Ze wordt gecreëerd door vedette-clowns die via een absurdistisch-ludieke beeldtaal ons oordeelsvermogen buitenspel zetten en ethische reflexen bij voorbaat ontzenuwen. Kunst zou volgens hen continu langs de kassa kunnen passeren zonder zich ergens voor te moeten verantwoorden. Ik ben niet de enige die wijst op die quasi-subversiviteit van de hedendaagse post-68-kunst en zijn ‘revolutionair’ marktlabel. Ook critici als Marc Holthof komen tot die analyse. Ik citeer even een essay van hem: “Sinds marketing de kunst in haar macht heeft moet ze constant revolteren. Maar niet tegen de maatschappelijke orde, wel tegen zichzelf, tegen de concurrerende kunststromingen. De kunst speelt een permanente thuiswedstrijd. Daar gaat alle energie naar, met als resultaat dat de maatschappelijke relevantie vaak nihil is.”

Nihil, dat is dus de balans van het Jan Hoet-tijdperk. Groteske grappen die ons moeten verzoenen met het ethisch deficit, de intellectuele verwarring en de politieke intransparantie. Macht is vandaag gebaseerd op vaagheid en gecodeerde informatie. De cultus van de artistieke vrijheid loopt zo op een bizarre wijze parallel met een publiek afstompingsproces, een gewenning aan het onredelijke en absurde. De gewone man haalt finaal zijn schouders op en leest Dag Allemaal. Hij heeft afgehaakt, zowel wat de politiek betreft als wat het kunstgebeuren aangaat. Opdracht vervuld, de narren mogen andermaal langs de kassa passeren.

Zo komt het dat vrijwel alle kunstenaars hier te lande uitbundig het paarse regime bejubeld hebben,- de meest ‘progressieve’ voorop: de symbiose tussen een politieke cultuur van de perceptie en de gebakken lucht, en een op deze thermieken zwevende, vrolijke cultuurindustrie, was hier volmaakt. Politiek en cultuur, als twee podia van een surrealistische totaalhappening. En zo komt het ook dat haast heel dat cultureel establishment het 'Belgische model' vreugdevol omarmde: Ik hou van U, je ‘taime tu sais. De post-68-culturo’s houden van België, zoals het gefederaliseerde Belgische kluwen van 1970 zelf baadt in een halfslachtig flou artistique.

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Het is tenslotte evenmin een toeval dat de diepbetreurde Vlaamse schrijver Hugo Claus en aanvoerder van de artistieke ’68-generatie,  een intimus was van Guy Verhofstadt, de man die de geschiedenis zal ingaan als diegene die realiteit met perceptie compleet kon verwisselen.

Vraag is hier: Wie houdt van wie? Wie houdt wie recht? 

 

Van ‘sexuele revolutie’ tot pornificatie: sex als drug en marketing-tool

In het waanidee van de ‘culturele revolutie’ speelt de zgn. ‘sexuele revolutie’ een centrale rol. En inderdaad, de borsten en billen zijn alomtegenwoordig, je kan geen TV meer aanzetten of een tijdschrift ter hand nemen, of het gaat over sex. Meisjes van elf lopen met een T-shirt rond, waarop te lezen staat ‘fuck me’. Jongens van twaalf die ‘het’ nog niet gedaan hebben, zijn achterlijke nerds. Maar achter deze zogenaamde emancipatie blijkt weer een verhaal te schuilen van maatschappelijk-politieke recuperatie en ook weer brutale marketingstrategie.

Want hoe kan men het plebs beter aan de leiband houden, dan zijn energie helemaal te laten omzetten in sex, voor, tijdens en na het eten? Naarmate het sperma van de muren druipt en de publieke sfeer doordrenkt wordt van erotische metaforen en verborgen of open verleiders, verengt zich weerom dat bewustzijn tot een zelfverslavend spel van prikkels en reflexen. Er ontstaat een sfeer van constante hitserigheid die perfect het hysterisch consumentisme imiteert, en die door Herbert Marcuse –nochtans weer een ‘68er…- werd omschreven als ‘repressieve desublimatie’. Simpel gezegd: ‘Laat ze neuken, dan denken ze niet na.’  In deze overprikkelde samenleving is het weerom heel moeilijk om afstand te bewaren,- het is een cultuur van de onvervulbare begeerte die alle menselijke energie afleidt naar een fixatie op lustbeleving. Niet dat U alles zomaar krijgt wat wordt geafficheerd, het gaat evenzeer om illusie en ersatz-bevrediging. De knappe, halfnaakte blondine op de motorkap zal de Uwe niet zijn, alleen haar simulacre, haar afdruk wordt meegeleverd als U de auto koopt. De mysterieuze Mister Dash die de vrouwen komt verrassen temidden van hun wasgoed is even reëel als Sinterklaas, maar als erotische passé-partout en universele verleider werkt hij perfect: droom zacht, dames, zet U op de wasmachine en laat U eens goed gaan.

Onvermijdelijk lopen ook hier de massamedia mee als animatoren van het pretpark. Tegenwoordig maakt het dagblad De Standaard reklame met soft-pornoboekjes die U voor vijf Euro plus een uitgeknipte bon kan gaan afhalen bij de krantenboer. Het is echt zielig om zien,- op de redactie van die kwaliteitskrant heerst de opgewonden sfeer van collegejongens die een bordeelvitrine passeren. De lezer wordt, in zijn zoektocht naar informatie, afgeleid naar een rossig amalgaam van erotiek, fictie, voyeuristische pretlectuur. Heel subtiel draait de journalistieke missie, via een verkeerd begrepen ‘progressiviteit’, om tot een verpulping in dienst van de verkoopcijfers, maar tegelijk ook met het oogmerk om het publiek te gewennen aan een gemakkelijke, lichtvoetige en in se onbenullige vorm van infotainment.

De puberale erotomanie van mei ’68 is mettertijd weggegleden in een universele pornificatie, die de eros banaliseert, die intellectueel afstompt, en die door de moderne marketing helemaal is geïnstrumenteerd. De alomtegenwoordigheid van sex, als drug en marketing-tool, is misschien wel het meest hallucinante teken van een emancipatie-idee die in haar tegendeel is omgeslagen. Ze belemmert een echte sexuele bevrijding, in het kader van een menselijke ontplooiing op fysisch, psychisch en sociaal vlak.

 

Zo zijn we weer bij de kern van de zaak: de zgn. ‘sexuele vrijheid’ is vandaag vooral een marketeerskwestie. De strategie om kinderen zo snel mogelijk tot pubers op te fokken, heeft uiteraard niets met emancipatie te maken, maar alles met de mogelijkheid om hen zo snel mogelijk beschikbaar te maken voor de commerciële tienercultuur, de markt van GSM’s, I-pods, tot en met, jawel, de revolutionaire mascara van Chanel. Komt daarbij dat pubers veel gemakkelijker om de tuin te leiden zijn dan kinderen, net vanwege hun labiele hormonale huishouding. Borstjes en puistjes doen de kassa's rinkelen!  De alomtegenwoordige opdringerigheid van sexuele signalen, wat men vandaag aanduidt als de ‘pornificatie van de publieke ruimte’, is misschien wel het meest hallucinante teken van een emancipatie-idee die in haar tegendeel is omgeslagen. Wat Marx ooit over godsdienst zei, als ‘opium van het volk’, geldt vandaag voor het universele erotisme. Het heeft de verveling, de afstomping en de totale deconcentratie van het onderbroekenuniversum voortgebracht. Ik citeer nog maar eens Baudrillard: "Alles kan en alles mag, alles is bevrijd en er zijn geen taboes meer, maar in de plaats van een opwindend feest levert dit een geweldig gevoel van leegte op. We leven in de hel van hetzelfde".

Terug dan maar naar het preutse Victorianisme? Neen, allerminst. Sexuele ontplooiing blijft voor mij als een rode draad lopen doorheen het menselijke rijpingsproces. Dat zit echter niet in het puberaal-erotomane register van mei ’68 en zijn depolitiserende, hektische, escapistische onderstroom.  Wel in een zoektocht naar zelfverwezenlijking op fysisch, psychisch en sociaal vlak. Dat is een verhaal van emotionele intelligentie, empathie, gevoel voor intimiteit, keuzebekwaamheid, maturiteit.

Om maar te zeggen, beste vrienden: de politicus die tepels laat overplakken, heeft een probleem. We hebben als zuigeling haast allemaal aan die tepels gehangen, en ik kan me echt geen kind of tiener voorstellen die een trauma overhoudt aan een afbeelding ervan. De krampachtige censuur van wat menselijk en normaal is, is zo aberant als de pornificatie zelf. Het zijn twee kanten van één medaille. Onlangs werd in de VS een kleuter van vier veroordeeld omdat het kind zijn juf knuffelde. Men vraagt zich af wat voor soort rechters tot dit soort uitspraken komt. En in wat voor een klimaat van sexuele overspannenheid de politici leven die deze perverte magistraten benoemen. Het was evenzeer onzin om de expositie van L.P. Boon's fameuze Feminatheek als een uiting van zedenverwildering af te schilderen en te verbieden. Het eigenlijke schandaal bestond erin dat heel het gedoe inhoudelijk naast de kwestie was, ons niets wijzer maakte over het werk van Boon, en vooral diende als publiekstrekker in een door de Vlaamse boekenindustrie gesponsorde reklamestunt. Kunst, sex en marketing dus, andermaal.

Ach, dat verhaal van normen en waarden. We mogen onze kritiek op de fluwelen dictatuur van de vrijheid-blijheid-generatie niet zelf laten scleroseren tot een verhaal van ouderwets conformisme en nieuwe preutsheid,- een gemopper van opa’s die beweren dat alles vroeger veel beter was. Ook het christendom, inclusief zijn lichaamsvijandig puritanisme, is ons als staatsgodsdienst opgedrongen, omstreeks het jaar 800 van onze tijdrekening. De ‘normen en waarden’ die daarbij tot een traditie gingen behoren, zijn bij ons vastgelopen in het Vlaamse parochialisme, de verstikkende pastoorsdictatuur en de betuttelende tsjevenmoraal. Inclusief zwarte plakband op tepels. Maar Mei '68 heeft ons van die benauwdheid niet verlost. Ze heeft nieuwe cirkulaire processen gecreëerd van de obsessie en de verslaving.

Ons radicaal perspectief is niet het tijdperk van vóór het IIde Vaticaans Concilie, maar een tijdperk achter de horizon, waarin zingeving en spiritualiteit –om eens die belegen term te gebruiken- een nieuwe invulling krijgen. Vrijheid en autonomie, gekoppeld aan bewustzijn en zin voor het Grote Geheel. Onvermijdelijk zal daarin bv. ook het ecologisch thema sterk op de voorgrond komen. Voor mij moet de normen-en-waarden-discussie gepaard gaan met een nieuwe vraagstelling rond de emotionele en instinctieve uitbouw van het individu en de groep. We zijn natuurwezens met een libido en een doodsangst, en tegelijk zijn we cultuurwezens, met een tijdsbesef, een geschiedenis, en een besef dat ons verstand eindig is, dat er wellicht altijd iets achter de horizon zal blijven. Dat spanningsveld tussen natuur en cultuur moet helemaal van vooraf aan geëxploreerd worden,- en, sorry vrienden, van de begrippen ‘staat’, ‘elite’, ‘politieke macht’, ‘geïnstitutionaliseerde godsdienst’, en dies meer zal, vrees ik, eens we daaraan toe gekomen zijn, niet veel meer overschieten.

Besluit: uitzicht op een contre-démocratie?

Welke conclusie moeten we nu trekken uit dit verhaal vol charades, gezichtsbedrog en bewustzijnsvernauwing,- het verhaal van een revolutie die er geen is, en een vrijheidsbeweging die meer onvrijheid heeft voortgebracht dan welke kerk of secte ook?

Ik denk dat de revolte, of als U wil de contra-revolte, meer dan ooit aan de orde is. Maar hoe contesteren in een universum waar alles mag en alles kan? De voetafdruk van de mei-68-generatie is, via haar lange mars door de instellingen, zo groot en desastreus geworden op die instellingen,- ze heeft m.a.w. het politiek-cultureel systeem zodanig naar haar hand gezet, dat men voorlopig binnen dat systeem nog maar bitter weinig aan politiek activisme kan doen. De uitgang en de diaspora wenken, naar het internet, de zgn. burgerjournalistiek, de civil society, de buitenparlementaire oppositie, de tegencultuur. Het is een moeilijk maar louterend proces.

Het zgn. apolitisme van de burger en heel de anti-establishment-onderstroom wijzen hier de weg. Het is de weg van de contre-démocratie, (Pierre Rosanvallon), de informele en onrecupereerbare waakzaamheidsattitude die men vooral buiten het parlementair halfrond bespeurt, buiten de praatbarak, buiten de instellingen, buiten de klassieke media.

De verzieking van het Belgische regime, waar de oudgedienden van Mei ’68 zich haast paniekerig aan vastklampen, versterkt nog deze maatschappelijke onderstroom van het grote ongenoegen. En het zal sommigen in deze zaal bizar in de oren klinken, maar misschien zijn de gedoodverfde protestpartijen zoals het Vlaams Belang, Lijst Dedecker, Pim Fortuyn, maar ook de nieuw-linkse S.P. van Marijnissen in Nederland, zelfs Obama in de VS, de laatste partijpolitieke verschijningsvormen van het anti-establishment-gevoel, alvorens dat gevoel opgaat in een globale toestand van burgerlijke ongehoorzaamheid, die kan leiden tot meer politiek bewustzijn, meer mondigheid, meer echte ‘vrijheid’. Verrassend genoeg ligt de échte, late erfenis van mei ’68 dan misschien wel eerder bij vernoemde protestpartijen, in de rand van de parlementair-democratische arena opererend, dan bij de huidige 'progressieve' elites die tot nader order het establishment uitmaken...

Ik dank U allen voor Uw aandacht.

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"Vitales Denken ist inkorrekt"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Politische Theorie: Interview mit Robert Steuckers

"Vitales Denken ist inkorrekt"

von Jürgen Hatzenbichler

 

In diesem Jahr haben wir das 30jährige Jubiläum der 68er Revolte. Welchen Stellenwert hat die Neue Linke heute für einen rechten Diskurs?

 

STEUCKERS: Zunächst muß gesagt werden, daß die Neue Linke in Paris im Mai 1968 zwar demonstrierte, Krawall machte und die Fabriken mobilisierte, daß aber am 30. Mai eine Million Gegendemonstranten auf den Straßen waren, um dem ein Ende zu machen. Also im Mai hat die Rechte gewonnen; im Juni ist de Gaulle zurückgekommen. Man muß festhalten, daß die sogenannte antiautoritäre Bewegung erst 1988 nach der Machtübernahme durch Mitterand mit der Besetzung der Institutionen beginnen konnte. Zwischen 1968 und 1981 hatte in Frankreich die Neue Linke zwar sehr viel Gewicht, aber trotzdem ist die liberal-konservative Rechte an der Macht geblieben und hat ihre Weltanschauung entwickeln können. Man muß außerdem, um ’68 zu verstehen, wissen, daß de Gaulle nach dem Algerienkrieg seinen Kurs vollständig geändert hatte, daß er antiimperialistisch und antiamerikanisch war, daß er 1965 Rußland besucht hat und die Nato verlassen hatte. Er stellte in einer Rede in Kambodscha Frankreich als die führende antiimperialistische Macht dar, als Partner für die Länder, die weder amerikanisch noch kommunistisch waren. Er pflegte auch Kontakte nach Südamerika, so daß die französische Flugzeugindustrie die amerikanische dort verdrängen konnte. 1967 rief er in Québec das "freie Québec" aus, was eine direkte Provokation für die USA war. Die Amerikaner haben das nicht toleriert. Der Mai ’68 ist dann teilweise auch von den amerikanischen Geheimdiensten gemacht worden, damit Frankreich auf seine antiimperialistische Funktion verzichtet.

 

Im deutschen Sprachraum verbindet man 1968 in der Folge mit politischer Korrektheit. Wie hat sich die Revolte im frankophonen Bereich ausgewirkt?

 

STEUCKERS: Der Moralismus ist in Deutschland und bei der deutschen Linken viel stärker ausgeprägt als in Frankreich. In Frankreich gibt es zwei Begriffe. Es gibt den Mai ’68: die Studentenbewegung als eine auflehnende Bewegung. Aber es gibt auch noch das "Denken von 68", la pensée ’68. Wenn man davon spricht, meint man eine Reihe von dekonstruktivistischen Philosophen wie Foucault, Derrida, Deleuze, Guattari oder andere, die sich besonders von Nietzsche haben inspirieren lassen. Heutzutage aber kritisiert die political correctness diese Philosophen, weil sie lebensphilosophisch denken, weil sie "Vitalisten" sind.

 

Diese Methode der Dekonstruktion richtet sich vor allem gegen die Moderne...

 

STEUCKERS: …ja, gegen die Aufklärung. Ich würde hier etwa einen Akzent von Michel Foucault nennen. Foucault gilt selbstverständlich als linker Philosoph, aber er hat am Anfang seiner Karriere, die er mit einem 1961 erschienenen Artikel begonnen hat, eine These entwickelt, die besagt, daß die Aufklärung überhaupt nicht die Befreiung des Menschen ist, sondern der Anfang seiner totalen Überwachung und Bestrafung. Als dieser Artikel erschienen ist, wurde Foucault von gewissen Tugendwächtern als Reaktionär abgestempelt. Foucault war homosexuell; das ist bekannt. Er hat gesagt: "Ich muß mich für die Außenseiter engagieren, ich muß den Linken spielen, anders ist meine philosophische Karriere verloren." Nichtsdestoweniger gilt seine These, daß Aufklärung überwachen und bestrafen heißt. Foucault kritisierte weiter, daß die Aufklärung bis heute die Grundlage des französischen Jakobiner-Staates ist. Für Foucault verkörpert sich die aufklärerische Gesellschaft im neuen panoptischen Gefängnis, wo mitten im Gefängnis ein Turm steht, von dem aus der Wächter beobachten kann, was alle Gefangenen tun. Das Modell der Aufklärung verkörpert also eine gläserne Gesellschaft ohne Mysterien, ohne Privatsphäre oder persönliche Gefühle. Die political correctness hat sehr klar gesehen, daß dieses Denken äußerst gefährlich für die aufklärerischen Staaten ist. Foucault wird als "Vitalist" abgestempelt.

 

Welche Ideen der Neuen Linken sind noch aktuell?

 

STEUCKERS: Diese Frage muß ich über eine Umweg beantworten: Was will die heutige Neue Linke? Will die Neue Linke die Ideen von Foucault weiterverbreiten, also gegen Gesellschaften sein, die die totale Überwachung und Bestrafung wollen? Ich kann nicht für die Linke anworten. Aber was ich sehe, ist, daß die Neue Linke heutzutage gar nicht mehr denkt, sondern eben politische Korrektheit durchsetzen will.

 

Von manchen Rechten wird das Schema Rechts-Links mittlerweile in Frage gestellt. Ist die Aufhebung des Gegensatzes aktuell?

 

STEUCKERS: Ich meine, die Rechte wiederholt seit mehreren Jahrzehnten zu oft die gleichen Schlagwörter. Ich beobachte zwar, daß heutzutage in Deutschland gewisse philosophische Strömungen Foucault zusammen mit Carl Schmitt und Max Weber lesen. Das ist sehr wichtig. Das ist der Kern einer neuen Konservativen Revolution, weil es antiaufklärerisch ist. Wobei ich selber nicht die ganze Aufklärung ablehne – zum Beispiel nicht den aufklärerischen König Friedrich II. von Preußen. Ich leugne nicht alles von Voltaire, der ein aufklärerischer Philosoph war und eine sehr gute Definition von Identität gegeben hat, als er sagte: "Es gibt keine Identität ohne Gedächtnis." Ich lehne also nicht alles ab, ich lehne aber sehr wohl die political correctness ab, die von sich behauptet, daß sie die Erbin der Aufklärung sei und uns eine verballhornte Aufklärung verkauft. Man muß sagen, daß antiaufklärerische Ideen sowohl rechts wie auch links vorhanden sind. Andererseits hat eine gewisse Rechte, vor allem die technologie-konservativen Kräfte, die Frage der Werte nicht mehr gestellt. Diese Konservativen wollen sich aufklärerisch profiliert sehen wie die political-correctness-Linken.

 

Kann man sagen, daß in so einer Gesellschaft, die alles nur noch in ökonomischen und Konsumbegriffen sieht, die linken und rechten Intellektuellen die letzten Verteidiger von Sinn und Wert sind?

 

STEUCKERS: Das hat die amerikanische Debatte sehr gut beantwortet, wo der Philosoph John Rawls die Frage der Gerechtigkeit gestellt hat. Wenn die Aufklärung im Konsumismus endet, ist weder Gemeinschaft noch Gerechtigkeit möglich. Es gibt wahrscheinlich Wertkonservative und Wertprogressisten. Und hier ist eine Debatte möglich über die entscheidenden Fragen von Morgen. Aber die organisierten Kreise der political correctness werden alles tun, um das zu verhindern.

 

Wo sehen Sie auf der Rechten die mögliche Trennlinie zwischen wertkonservativer Haltung und reaktionärer Position?

 

STEUCKERS: Eine wertkonservative Haltung kann heutzutage überhaupt nicht strukturkonservativ bleiben. Eine wertkonservative Haltung verteidigt die Werte, die die Gemeinschaft zusammenhalten. Wenn Strukturkonservative, das heißt Wirtschaftsliberale, es unbedingt vermeiden, die Frage nach den Werten stellen, dann wird das die Auflösung der Gemeinschaften vorantreiben. Dann haben wir die Gefahr, daß die Staaten, aber auch eine eventuelle Weltgemeinschaft, absolut unregierbar werden.

 

Welchen Stellenwert hat die Nouvelle Droite, die Neue Rechte im heutigen intellektuellen Diskurs?

 

STEUCKERS: Sie hat heutzutage nicht mehr die Stellung von Einzelgängern. Sie sollte mehr auf die amerikanischen Kommunitaristen setzen und die Debatte gegen die Globalisierung und für identitätsstiftende Werte führen. Außerhalb Europas und Amerikas ist zu beobachten, daß nichtwestliche Zivilisationen wie China und die asiatischen Staaten die aufklärerische Idee der Menschenrechte zweimal abgelehnt haben, zuerst in Bangkok, dann in Wien. Sie haben sich dafür eingesetzt, daß die Menschenrechte den Traditionen der jeweiligen Zivilisationen angepaßt werden, weil, so sagten es etwa die Chinesen, die Menschen nie nur Individuen sind, sondern immer in eine Gemeinschaft und eine Kultur eingebettet sind.

vendredi, 06 novembre 2009

Le "socialisme allemand" de Werner Sombart

kapak_sombart.jpgArchives de SYNERGIES  EUROPEENNES – 1990

 

Thierry MUDRY:

Le “socialisme allemand” de Werner Sombart

 

Né en 1863 à Ermsleben, Werner Sombart est le fils d'Anton Ludwig Sombart, hobereau et industriel prussien, membre libéral de la Chambre prussienne des Députés et du Reichstag.

 

Werner Sombart étudie l'économie politique et le droit dans les Universités allemandes. Après avoir obtenu son doctorat, il est d'abord secrétaire de la chambre de commerce de Brême puis professeur extraordinaire (chargé de cours) à l'Université de Breslau. Mais le "radicalisme" de Sombart (influencé par Lassalle et Marx) lui vaut la défaveur du ministère prussien de l'instruction publique: son avancement est stoppé. En 1906, il donne des cours à l'Ecole des hautes études commerciales de Berlin et plusieurs années plus tard, en 1918, il devient enfin professeur ordinaire à l'Université de Berlin où il prend la succession d'Adolf Wagner, l'un des maîtres de la Jeune Ecole historique et du "socialisme de la chaire"  (Kathedersozialismus).

 

Economiste et sociologue, Sombart apparaît comme l'historien du capitalisme mais aussi comme un critique impertinent du capitalisme. Sombart s'éloigne cependant peu à peu d'une critique d'inspiration marxiste pour adopter une critique d'inspiration nationaliste et luthérienne. On distingue aisément le Sombart qui se consacre à l'étude scientifique du capitalisme et particulièrement à l'étude de la genèse de l'esprit capitaliste et le Sombart militant qui prend fait et cause pour le mouvement ouvrier à la fin du XIXème siècle et au début de ce siècle, pour l'Allemagne pendant la Grande Guerre et pour le "socalisme allemand" dans les années 30. Le premier Sombart est l'auteur en 1902 des tomes I et II du "Capitalisme moderne" qui connaîtront des rééditions successives en 1916 et 1924/27 (Sombart publiera en 1928 le tome III traduit en français sous le titre L'apogée du capitalisme);  en 1903 de L'économie allemande du XIXème siècle;  en 1911 d'un ouvrage sur Les Juifs et la vie économique  (traduit en français); en 1913, il publie Le bourgeois  (également traduit en français) et ses études sur le développement du capitalisme moderne: Luxe et capitalisme, Guerre et capitalisme, etc. En revanche, Le socialisme et le mouvement social au XIXème siècle  publié en 1896 (traduit en français), Commerçants et héros qui parut pendant la Grande Guerre, Le socialisme prolétarien  publié en 1924 et Le socialisme allemand  publié en 1934 (traduit en français) sont indiscutablement l'œuvre du Sombart militant.

 

Sombart = Marx + l’école historique?

 

D'après Schumpeter (à qui Sombart céda sa chaire à l'Université de Berlin), Sombart aurait subi tout autant l'influence de Karl Marx que celle de l'Ecole historique.

 

Sombart étudia l'économie politique à Berlin, or "l'enseignement économique était alors dans les universités allemandes sous l'influence de l'Ecole historique réagissant contre l'étroitesse d'esprit et l'optimisme exagéré du libéralisme (le Manchestertum "fossile") et plus ou moins imbu de socialisme d'Etat" (André Sayous, préface à L'apogée du capitalisme  de Werner Sombart, Payot, Paris, 1932, pp XII et XIII). Sombart eut pour maîtres à l'Université de Berlin Gustav Schmoller et Adolf Wagner. Ce dernier, qu'une commune admiration pour les travaux de Ferdinand Lassalle (l'un des pères du socialisme d'Etat) rapprochait de Sombart, le désigna d'ailleurs comme son successeur à l'Université. Pour certains, il conviendrait de ranger Sombart parmi les auteurs de l'Ecole historique mais ce n'est pas l'avis d'André Sayous: "économiste et sociologue, il (Werner Sombart) traite en réalité l'histoire comme une "science auxiliaire" qu'il utilise, répétons-le, avec une grande liberté d'esprit et même, parfois, selon son bon plaisir" (ibid., p. XVII) mais, reconnaît Sayous, "Sombart a conservé des liens avec l'Ecole historique. Généralement, son argumentation repose sur l'histoire et il se sert de celle-ci dans l'esprit démonstratif des maîtres de l'école allemande" (ibid., p. XVIII).

 

Sombart a subi aussi l'influence de Karl Marx. En 1894, Sombart accueille avec enthousiasme la publication du troisième volume du Capital  et publie une étude sur le marxisme qui lui vaut les éloges de Friedrich Engels. Deux ans plus tard, il écrit Le socialisme et le mouvement social du XIXème siècle. Mais Sombart s'éloigne peu à peu du marxisme, la 10ème édition de son Socialisme et mouvement social parue en 1924 sous le titre Le socialisme prolérarien apparaît aux yeux de certains comme une diatribe anti-marxiste. Mais devenu pourtant "anti-marxiste", Sombart reconnaît volontiers sa dette envers Marx. Dans l'introduction à L'apogée du capitalisme,  il se défend d'avoir voulu attaquer Marx: au contraire, affirme-t-il, "je m'étais proposé de continuer et, dans un certain sens, de compléter et d'achever l'œuvre de Marx. Tout en repoussant la conception du monde de Marx et, avec elle, tout ce qu'on désigne aujourd'hui, en synthétisant et précisant son sens, sous le nom de "marxisme"; j'admire en lui sans réserves le théoricien et l'historien du capitalisme. Tout ce qu'il y a de bon dans mes propres ouvrages, c'est à l'esprit de Marx que je le dois, ce qui ne m'empêche naturellement pas de m'écarter de lui non seulement sur des points de détail, voire dans la plupart de mes façons de voir particulières, mais sur des points essentiels de ma conception d'ensemble" (ibid., p.15). En 1934, dans Le socialisme allemand  (paru dans sa traduction française chez Payot, Paris, 1938), Sombart opère une distinction entre le "marxisme pratique" et le marxisme "qui, à titre de théorie historique, est d'une incomparable valeur pour les sciences sociales" (p. 100).

 

Sombart et l'étude du capitalisme

 

Pour Sombart, le capitalisme -qu'il définit par ailleurs comme une "catégorie historique"- est un "système économique" qui "repose d'une façon subjective sur le primaire de l'acquisition, trouvant son expression dans le gain; il est essentiellement "individualiste", car il a comme base la concurrence; enfin, il représente les idées de rationalisation dans l'ordre économique" (André Sayous, op. cit., p. XX).

 

Sombart distingue trois périodes dans l'histoire du capitalisme:

 

- le "capitalisme primitif" qui prend fin avec la révolution industrielle;

- le "haut capitalisme" ou "apogée du capitalisme" qui correspond à la période s'étendant de l'emploi métallurgique du coke (dont Sombart situe les débuts dans les années 1760/1770) à la Ière guerre mondiale. "C'est au cours de cette époque que le capitalisme a réalisé son épanouissement le plus complet et est devenu le système économique dominant" (L'apogée du capitalisme,  p.12);

- le "capitalisme tardif", période qui s'ouvre avec la Ière guerre mondiale.

 

Pour Sombart, il ne fait pas de doute que "les forces motrices de la vie économique" ne sont pas plus la piété puritaine que la plus-value du capital (Sombart renvoie ici dos à dos Weber et Marx); ni même la division du travail et la concurrence chères aux économistes classiques, ni non plus le système juridique, la technique ou la démographie. Les seules forces motrices de l'histoire en général et de la vie économique en particulier, ce sont les hommes vivants avec leurs pensées et leurs passions et surtout certains d'entre eux. C'est l'homme, en tant que sujet de l'histoire, qui construit les systèmes économiques. Ainsi, le capitalisme naissant "fut l'œuvre de quelques hommes d'affaires entreprenants, appartenant à toutes les couches de la population. Il y avait parmi eux des nobles, des aventuriers, des marchands, des artisans, mais ils ont été pendant longtemps trop faibles pour imprimer à la vie économique une direction décisive. A côté d'eux, des princes énergiques (...) et plus particulièrement de hauts fonctionnaires, comme Colbert, ont joué dans l'évolution économique de l'époque un rôle de premier ordre (en poussant les particuliers  dans des entreprises capitalistes)" (ibid., p. 29). A l'époque du capitalisme avancé "toute la direction de la vie économique a passé entre les mains des entrepreneurs capitalistes qui, désormais soustraits à la tutelle de l'Etat, sont devenus (...) les seuls organisateurs du processus économique, pour autant que celui-ci se déroule dans le cadre de l'économie capitaliste" (ibid., p.30). L'entrepreneur capitaliste est donc la seule force motrice de l'économie capitaliste moderne. Il est la seule force productive: "tous les autres facteurs de la production, le capital et le travail, se trouvent sous sa dépendance, ne sont animés que par son activité créatrice. De même, toutes les inventions techniques ne reçoivent que de lui leur vitalité" (ibid., p.31).

 

Le capitalisme va-t-il mourir d’un excès de rationalisation?

 

Sombart a consacré les deux premiers tomes de son Capitalisme moderne  à l'étude du pré-capitalisme et du capitalisme primitif et le troisième tome à l'étude du haut capitalisme. Quant au capitalisme tardif, Sombart y a consacré la conclusion de son Apogée du capitalisme. La principale caractéristique de cette période serait "la substitution du principe de l'entente à celui de la libre-concurrence". Le déclin du capitalisme s'amorce et celui-ci, pense Sombart, va probablement mourir d'un excès de rationalisation. "La crise allait évidemment donner une puissante accélération à la thèse du déclin, largement vulgarisée par Fried, disciple de Sombart et collaborateur de la revue Die Tat, dont le livre intitulé La fin du capitalisme  (1931) fut une manière de best-seller dans les milieux nationalistes" (Louis Dupeux, Stratégie communiste et dynamique conservatrice ..., Librairie Honoré Champion, Paris, 1976, p. 12).

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Sombart  "a distingué des périodes de civilisation et conçu chacune d'elles comme un "système" d'un "esprit" ou "style déterminé" ... "où ainsi que chez Karl Marx, les fonctions économiques constituent les bases et les caractères propres de la période, mais où, différence fondamentale, chaque sentiment de l'économique est précisé d'une façon spéciale" (André Sayous, op. cit., pp. x et xi). "Ce qui imprime à une époque, et aussi à une période économique, son cachet particulier, c'est son esprit" écrit Sombart (ibid., p.8). Le capitalisme s'accompagne d'un "esprit capitaliste" et c'est cet esprit qui, en se transformant, a fait évoluer le capitalisme.

 

Mais, quel est cet "esprit capitaliste" et quel rôle joue-t-il dans l'apparition et l'évolution du capitalisme? Sombart apporte des éléments de réponse dans son livre Le bourgeois.

 

L'esprit capitaliste (c'est-à-dire l'esprit qui anime l'entrepreneur capitaliste et qui caractérise le système que celui-ci crée) est né, pense Sombart, de la réunion de l'esprit d'entreprise et de l'esprit bourgeois: "(...) L'esprit d'entreprise est une synthèse constituée par la passion de l'argent, par l'amour des aventures, par l'esprit d'invention, etc. tandis que l'esprit bourgeois se compose, à son tour, de qualités telles que la prudence réfléchie, la circonspection qui calcule, la pondération raisonnable, l'esprit d'ordre et d'économie. (Dans le tissu multicolore de l'esprit capitaliste, l'esprit bourgeois forme le fil de laine mobile, tandis que l'esprit d'entreprise en est la chaîne de soie)" (Le bourgeois,  Payot, Paris 1966, p. 25).

 

Sombart distingue parmi les sources de l'esprit capitaliste:

- des bases biologiques: les "natures bourgeoises" et les "prédispositions ethniques" (chez les Etrusques, les Frisons et les Juifs);

- les forces morales: la philosophie (interprétation rationaliste et utilitariste des écrits stoïciens, auteurs rustiques romains), les influences religieuses (catholicisme, protestantisme, judaïsme), les forces morales proprement dites (morale sociale conduisant à l'adoption et au culte des "vertus bourgeoises");

- les "conditions sociales": l'Etat, les migrations, la découvertes de mines d'or et d'argent, la technique, l'activité professionnelle pré-capitaliste, le capitalisme comme tel.

 

La controverse entre Weber et Sombart

 

Max Weber s'est élevé "contre les prétentions dogmatiques d'une explication totale de l'histoire par l'économie" mais "il ne voulait nullement -constate Raymond Aron (La sociologie allemande contemporaine, PUF, Paris 1981, pp.112/113)- réfuter le marxisme en lui opposant une théorie idéaliste de l'histoire, qui lui aurait paru aussi schématique et indéfendable que le matérialisme historique". Sombart approuve Weber sur ce point: dans Le bourgeois,  Sombart constate la multiplicité des causes qui permettent d'expliquer la genèse de l'esprit capitaliste. Il s'en prend aux "partisans intransigeants de la conception matérialiste de l'histoire", mais écrit-il, "opposer à l'explication causale économique une autre explication universelle est une chose dont je me sens incapable (...)" (p.338). Tous deux voient dans la religion une des causes du capitalisme. Dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme,  Weber attribue au calvinisme un rôle important dans la genèse de l'esprit capitaliste: "jamais assuré de son élection, le calviniste en cherche les signes ici-bas. Il les trouve dans la prospérité de son entreprise. Mais il ne peut s'autoriser du succès pour se reposer ou utiliser son argent en vue du luxe ou du plaisir. Il doit donc réemployer cet argent dans l'entreprise: formation de capital  par obligation ascétique. Bien plus, seul le travail régulier, rationnel, le calcul qui permet à chaque instant de se rendre compte de la situation de l'entreprise, seul le commerce pacifique sont en accord avec l'esprit de cette morale" (Raymond Aron, op. cit., p.112). Sombart, pour sa part, attribue au thomisme et au judaïsme un rôle bien plus important que le calvinisme dans l'apparition de l'esprit capitaliste.

 

En imposant un droit naturel rationnel fondé sur le Décalogue mais qui intégrait aussi "la philosophie grecque de la dernière période de l'hellénisme", le thomisme a opéré une rationalisation déjà de nature à favoriser la mentalité capitaliste. "Pour que le capitalisme put s'épanouir, l'homme naturel, l'homme impulsif devait disparaître et la vie, dans ce qu'elle a de spontané et d'original, céder la place à un mécanisme psychique spécifiquement rationnel: bref, l'épanouissement du capitalisme avait pour condition un renversement, une transmutation de toutes les valeurs" (Le bourgeois,  pp. 227/228). A cela, il faut ajouter la condamnation par le thomisme et les scolastiques, de la prodigalité (mais aussi de l'avarice) et de l'oisiveté, l'idéal bourgeois "d'une vie chaste et modérée", le culte de la décence et de l'honorabilité, les préceptes d'une administration juste et rationnelle: ainsi s'opéra une sorte de "dressage psychique" qui réussit à transformer en entrepreneurs capitalistes "le seigneur impulsif et jouisseur d'une part, l'artisan obtus et nonchalant d'autre part" (ibid., p.231). Sombart note enfin chez certains scolastiques (notamment italiens), qui ici dépassent la pensée de Thomas d'Aquin, une profonde sympathie pour le capitalisme.

 

En jugeant très favorablement la richesse, en élaborant un rationalisme très rigoureux, le judaïsme contenait et développait "jusqu'à leurs dernières conséquences logiques, toutes les doctrines favorables au capitalisme" (ibid., p.250)". Mais ce qui a permis à la religion juive d'exercer une action vraiment décisive, c'est le traitement particulier qu'elle appliquait aux étrangers. La morale juive était une morale à double face, et ses lois différaient selon qu'il s'agissait de Juifs ou de non-Juifs" (ibid., p.251). "Le traitement différentiel que le droit juif appliquait aux étrangers" a eu pour conséquences: le relâchement de la morale commerciale et la transformation précoce des "conceptions relatives à la nature du commerce et de l'industrie, et cela dans le sens d'une liberté de plus en plus grande" (ibid., pp 254 et 255). Sombart étudia d'une manière plus précise dans son livre sur "Les Juifs et la vie économique" les rapports entre judaïsme et capitalisme.

 

Luthérianisme, calvinisme, thomisme et scolastique

 

Le protestantisme apparaît dès lors singulièrement en retrait: "comme le mouvement inauguré par la Réforme a eu incontestablement pour effets une intériorisation de l'homme et un raffermissement du besoin métaphysique, les intérêts capitalistes devaient nécessairement souffrir dans la mesure où l'esprit de la Réforme se répandait et se généralisait" (ibid., p.239). Le luthérianisme se montra particulièrement anti-capitaliste (et Sombart devait recueillir l'héritage de cet anti-capitalisme luthérien). Le puritanisme lui-même (variante anglo-saxonne du calvinisme) fut une entrave au développement du capitalisme avec son idéal de pauvreté hérité du christianisme primitif, sa "condamnation sévère de tout effort ayant pour objectif l'acquisition de la richesse, c'est-à-dire, et avant tout, une condamnation des moyens de s'enrichir qu'offre le capitalisme" (ibid., p.241). Mais, après la morale scolastique (ou thomiste), "à son tour, la morale puritaine proclame la nécessité de la rationalisation et de la méthodisation de la vie, des instincts et des impulsions, de la transformation de l'homme naturel en un homme rationnel". "Lorque la morale puritaine exhorte les fidèles à mener une vie bien ordonnée, elle ne fait que reproduire mot pour mot les préceptes de la morale thomiste, et les vertus bourgeoises qu'elle prêche sont exactement les mêmes que celles dont nous trouvons l'éloge chez les scolastiques" (ibid., pp 243/244). Ce qui apparaît favorable au capitalisme chez les puritains semble donc emprunté au thomisme et aux scolastiques.

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La raison première de cette divergence entre Weber et Sombart, Raymond Aron croit la trouver "dans le fait qu'ils n'utilisent pas la même définition du capitalisme". Pour Weber, le "capitalisme", c'est essentiellement le capitalisme occidental, le capitalisme "s'oppose à une économie qui tend, avant tout, à la satisfaction des besoins. Le capitalisme serait le système qu'anime un désir de gains sans limite, qui se développe et progresse sans terme, économie d'échanges et d'argent, de mobilisation et de circulation des richesses, de calcul rationnel. Les caractères sont moins dégagés par une comparaison avec les autres civilisations que saisis intuitivement dans leur ensemble" (Raymond Aron, op. cit., p.114). Autre raison probable de cette divergence: les convictions des deux auteurs. Max Weber est un protestant libéral qui croit réconcilier protestantisme et capitalisme dans l'esprit de l'homme allemand en distinguant une morale de la conviction obéissant aux impératifs de la foi et une morale de la responsabilité soumise aux impératifs de l'action. La morale de la conviction délimite un domaine religieux de plus en plus intériorisé (ce qui est bien conforme à l'essence du protestantisme), la morale de la responsabilité un domaine économique abandonné au capitalisme (et un domaine politique soumis à la raison d'Etat). A l'inverse, Sombart est un anti-capitaliste d'obédience marxiste et, plus tard, d'obédience luthérienne.

 

Vertus bourgeoises et éléments héroïques de la psyché européenne

 

Après avoir passé en revue les diverses manifestations nationales de l'esprit capitaliste (Italie, Espagne, France, Allemagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne, USA), Sombart s'intéresse à l'évolution de celui-ci. (Pour Sombart, nous le savons, l'évolution du capitalisme est intimement liée à celle de l'esprit capitaliste).

 

- Dans un premier temps, les "vertus bourgeoises" se joignent à l'esprit d'entreprise et à l'amour de l'or (caractéristiques mentales des peuples européens) pour donner naissance à l'entrepreneur capitaliste d'abord tout à la fois héros, marchand et bourgeois. Puis, les "vertus bourgeoises" l'emportent peu à peu sur l'élément héroïque. A cela plusieurs raisons: le développement des armées professionnelles, l'auto-rité des forces morales, le mélange des sangs (cf. "Le bourgeois", pp 339/340).

 

Deux époques se succèdent alors:

 

- celle du "bourgeois vieux-style" tenu en laisse, selon l'expression même de Sombart, par les mœurs et une morale d'inspiration chrétienne;

- celle de l'"homme économique moderne" (à partir de la fin du XIXème siècle) qui ne connaît plus ni entraves, ni restriction.

 

Sombart aborde enfin un délicat problème de causalité: le capitalisme est-il l'émanation ou la source de l'esprit capitaliste? Selon Sombart, on ne peut opposer l'esprit capitaliste au capitalisme dont il est partie intégrante mais on peut en revanche l'opposer à l'"organisation capitaliste" (qui comprend tous les éléments constitutifs du système capitaliste qui ne peuvent être rangés dans la catégorie "esprit"). "Sans l'existence préalable d'un esprit capitaliste (ne fût-ce qu'à l'état embryonnaire), l'organisation capitaliste n'aurait jamais pu naître" (ibid., p.328): une création ne peut préexister à son créateur mais elle peut acquérir une certaine autonomie et agir en retour sur son créateur. Ainsi le capitalisme, création de l'esprit capitaliste, est devenu une des sources (et "non la moins importante" ajoute Sombart) de cet esprit.

 

Deux dangers menacent désormais l'esprit capitaliste: la "féodalisation" ("l'enlisement dans la vie de rentier ou l'adoption d'allures seigneurales") et la bureaucratisation croissante des entreprises. "Peut-être, conclut Sombart, assisterons-nous aussi au crépuscule des dieux et l'or sera-t-il rejeté dans les eaux du Rhin" (ibid., p.342). Voici un rêve auquel le "socialiste" Sombart s'efforce de donner quelque consistance ...

 

Sombart et le socialisme allemand

 

Après s'être consacré à l'étude du capitalisme, Sombart devient en 1934 le porte-parole d'un "socialisme allemand". Mais, quel est le contenu de ce socialisme allemand à la Sombart?

 

Sombart s'efforce de donner une définition du socialisme. Après avoir passé en revue les diverses acceptions courantes du terme et porté sur chacune d'elles un jugement, Sombart définit le socialisme comme un "normativisme social". "J'entends par là un état de vie sociale où la conduite de l'individu est déterminée en principe par des normes obligatoires, qui doivent leur origine à une raison générale, intimement liée à la communauté politique, et qui trouvent leur expression dans le "nomos" (Werner Sombart "Le socialisme allemand", Payot, paris 1938, p.77). "On n'est vraiment socialiste que lorsqu'on considère comme nécessaire que la conduite de l'individu soit soumise, dans ses manifestations extérieures, à des règles générales" (ibid.).

 

Sombart distingue ensuite les variétés de socialisme:

 

-         d'après la nature de l'ordre socialiste imaginé: "du point de vue de l'espace ou de la quantité", ce peut-être un "socialisme total ou partiel"; "du point de vue du temps" "un socialisme absolu ou relatif"; "du point de vue de la forme", "un socialisme de l'égalité ou de l'inégalité", ou bien "un socialisme de l'individu ou de l'ensemble", ou encore "un socialisme méca-nistique, amorphe, espacé, abstrait, pensé, international, social" ou "un socialisme organique, morphique, technique, concret, imaginé, par classes sociales, national, étatique";

-          

-         d'après les fondements de l'ordre socialiste: socialisme évolutionniste ou révolutionnaire, socialisme sacré ou profane;

 

-         d'après la mentalité en vertu de laquelle l'ordre socialiste est construit (mentalité mercantile ou héroïque).

 

Un socialisme anti-économiste

 

Sombart, lorsqu'il définit le socialisme et les variétés de socialisme, veut faire œuvre scientifique mais on sent qu'il prend déjà parti et qu'il dessine à gras traits les contours de "son" socialisme. Peu après avoir défini le socialisme, Sombart écrit: "Etant donné que la libération des forces sociales avait eu pour principal effet de mettre au premier plan l'économie et de subordonner toute l'existence de la société à ses lois, le mouvement socialiste moderne est naturellement dirigé surtout contre la primauté de l'économie. Le cri de guerre du socialisme fut: débarassons-nous de l'économie!" (ibid., p.81). On comprend déjà que le socialisme de Sombart sera essentiellement un anti-économisme. Lorsque Sombart énumère les diverses variétés de socialisme, à l'évidence il porte son choix sur certaines d'entre elles. Le socialisme qu'il prône ne peut être que "partiel", "relatif", inégalitaire, "organique, concret, national, étatique ...": il ne peut être que révolutionnaire (ou volontariste, c'est-à-dire "engendré par la liberté, par un acte créateur") et profane -ici, Sombart dévoile dans sa critique du socialisme chrétien une de ses principales sources d'inspiration: Martin Luther lui-même, pour qui l'Evangile n'enseigne en rien la façon dont on doit gouverner les hommes et administrer les biens matériels (cf "Contre les paysans pillards et meurtriers")-; Sombart se prononce enfin pour un socialisme "héroïque" -Sombart reprend ici les thèmes développés dans son livre de guerre ("Marchands et héros", 1915). Deux conceptions de la vie s'opposent: d'un côté, la conception mercantile (qualifiée pendant la guerre d'"anglo-saxonne") qui vise au "plus grand bonheur pour le plus grand nombre" (le bonheur étant "le bien-être dans l'honnêteté") et qui cultive le "pacifique côte-à-côte des commerçants" (Sombart vitupère ici les "vertus bourgeoises" qu'il avait froidement examinées dans "Le Bourgeois"); de l'autre côté, la mentalité héroïque considère la vie comme une tâche et cultive les "vertus guerrières" (cette mentalité se serait incarnée dans l'Allemagne luthérienne et prussienne). Le "socialisme allemand" de Sombart apparaît comme la traduction à tous les niveaux, notamment au niveau économique, d'une mentalité héroïque dominante: le service de la communauté, de l'Etat et du peuple prime le sevice de soi-même.

 

Sombart précise le sens qu'il donne au terme "socialisme allemand": " (...) l'on pourrait entendre par socialisme allemand des tendances socialistes répondant à l'esprit allemand, qu'elles soient d'ailleurs représentées par des Allemands ou des non-Allemands. Dans ce sens, on pourrait considérer comme socialisme pensé à l'allemande un socialisme qui serait relativiste, adapté à toute la nation, volontariste, profane, païen, et qu'on pourrait -à fortiori- qualifier de socialisme national. Sous le terme général de socialisme national, on peut entendre un socialisme  qui tend à se réaliser dans une association nationale, qui part de l'idée que socialisme et nationalisme sont parfaitemebt adaptables" (ibid., pp. 139/140). Sombart précise encore: "Pour moi, socialisme allemand veut dire socialisme pour l'Allemagne, c'est-à-dire un socialisme qui vaut seulement et exclusivement pour l'Allemagne" (ibid.), parfaitement adapté au corps, à l'âme et à l'esprit de la Nation allemande.

 

Un socialisme réactionnaire?

 

On peut dire du socialisme de Sombart qu'il est "réactionnaire":

 

- en raison de ses objectifs: le socialisme allemand aspire à la "culture" qui est appelée à abolir "l'état actuel de la civilisation". Il faut pour cela briser la primauté de l'économique et des biens matériels qu'a instauré l'âge économique et se libérer de la foi dans le progrès qui obnubile l'âme allemande. Le socialisme de Sombart se veut donc une rupture avec la modernité occidentale (l'"âge économique") et l'idée même de progrès.

 

"Ce que j'appelle "socialisme allemand" écrit Sombart, signifie -exprimé d'une façon négative- l'abandon de tous les éléments de l'âge économique" (ibid. p.60) "sortir l'Allemagne du désert de l'âge économique, telle est la tâche que le socialisme allemand estime avoir à remplir" (ibid., p.180). Ce qui caractérise l'âge économique c'est que les mobiles économiques, les mobiles matériels "ont prédominé toutes les autres aspirations" (la théorie matérialiste de l'histoire apparaît aiinsi valable pour cette périàde, "mais pour cette période seule"); "(...) c'est la prédominance des intérêts économiques, en tant que tels, qui marque l'époque de son empreinte -étant bien entendu, naturellement, que le caractère de cette empreinte est déterminé par le caractère même de l'économie, en l'espèce l'économie capitaliste" (ibid., p;.18). L'âge économique a conduit à l'explosion démographique de l'Europe, à l'augmentation de la durée de vie moyenne, à l'accroissement considérable de la consommation et de la production des biens matériels. L'Europe industrielle est devenue une ville immense de plusieurs centaines de millions d'habitants, les autres pays du globe formant une banlieue autour de cette ville. Les rapports des pays entre eux furent bouleversés. En Europe, les sociétés et les formes de vie ont été bouleversées: Sombart constate la dissolution des communautés traditionnelles et la fin de l'enracinement, les Européens ne formant plus que des masses d'individus "errant ça et là"; notre existence a été soumise à un processus d'intellectualisation (fin de l'initiative, du travail intelligent, du métier), de matérialisation (c'est-à-dire de mécanisation) et d'égalisation (tendance à l'uniformité). La vie publique elle aussi a été bouleversée (un seul fondement et une seule mesure de la valeur: la richesse; une seule hiérarchie: celle qui se fonde sur le capital et le revenu; des partis de classe sont apparus et l'Etat s'est mis au service des intérêts économiques). Enfin, toute vie spirituelle a disparu ("la vie humaine est devenue vide de sens").

 

sombartOL12444976M-M.jpgLe socialisme allemand de Sombart, qui est une réaction contre cet état de fait, veut opérer un retour vers un ordre humain (c'est-à-dire un ordre dans lequel l'état de péché qui définit l'homme depuis la chute n'est pas nié, un ordre dans lequel l'homme peut de nouveau servir Dieu). En condamnant l'âge économique et ses manifestations diverses, Sombart apparaît proche d'autres "socialistes allemands" les plus radicaux (les nationaux-bolchéviques) condam-naient la "fuite dans le Moyen-Age", la "tendance anti-industrielle et anti-technique" (et le christia-nisme) qui caractérisaient l'idéologie des frères Strasser et de Sombart; ils repoussaient un "socialisme allemand" si ouvertement réactionnaire et se voulaient résolument modernes: ils acceptaient la société industrielle et le pouvoir de la technique les fascinait.

 

- Le socialisme de Sombart apparaît réactionnaire en raison de ses références luthériennes.

 

Ce qui s'est passé en Europe occidentale et en Amérique depuis la fin du XVIIIème siècle est pour Sombart l'œuvre de Satan. Luther jetait son encrier sur Satan venu le tenter, Sombart, émule de Luther, utilise sa plume pour dénoncer l'œuvre de Satan: l'âge économique ...

 

De Luther et des luthériens, Sombart a retenu l'idée que l'autorité politique est directement instituée par Dieu. Luther a justifié l'autorité politique par le péché originel, par la corruption dont il est cause sur terre; pour Sombart, le "socialisme allemand" exige un état fort car "il met le bien de tous au-dessus du bien de l'individu" et "parce qu'il estime qu'il a à faire à l'homme pécheur". Au sein de la société, affirme Luther, "chaque homme trouve sa vocation dans les obligations ponctuelles de son état (Beruf), dans la réalisation de la charge que Dieu lui a confiée, domaine dans lequel il reste soumis à l'autorité séculière" (Jacques Droz, "Histoire des doctrines politiques en Allemagne", PUF, que sais-je?, Paris 1978, p.22). Sombart rejoint ici aussi l'opinion de Luther. Enfin, pour Luther comme pour le luthérien Sombart, la division de l'humanité en peuples et en Nations correspond à un plan divin: le peuple (Volk) est un organisme d'origine divine appelé à remplir une mission au sein de l'humanité (idée reprise et développée par le luthérien Herder).

 

Etre un peuple de l’esprit, de l’action et de la variété

 

Pour remplir la mission que Dieu lui a confiée au milieu des autres peuples, le peuple allemand doit, selon Sombart, être toujours plus un peuple de l'esprit, de l'action et de la variété.

 

Le luthérianisme conduit donc Sombart à l'étatisme (dans sa version prussienne), au rationalisme -les germanistes français ont révélé le lien très étroit qui unissait le luthérianisme au nationalisme allemand (Jacques Droz, "Histoire des doctrines  politiques en Allemagne", Edmond Vermeil "l'Allemagne Essai d'explication", etc.) mais ils l'ont évidemment, caricaturé-, au "corporatisme" (le terme de "corporatisme" n'est peut-être pas très approprié: il ne s'agit pas ici en effet de la Corporation mais du "stand", l'état, voir plus loin).

 

Sombart est un nationaliste mais il apparaît en retrait par rapport à d'autres auteurs nationalistes, notamment par rapport aux "völkische" stricto sensu (ceux qui mettent l'accent sur la dimension raciale-biologique du peuple): le peuple n'est pas conçu à la manière völkisch comme race, le peuple pas plus que la Nation ou l'Etat ne sont assimilés à des organismes naturels (mais plutôt, à des entités spirituelles -l'organicisme au sens strict est rejeté comme biologisme.

 

Il faut remarquer que le luthérianisme professé par Sombart l'est aussi par des "socialistes allemands" proches de lui: Otto Strasser, les membres du groupe constitué autour de la revue "die Tat" notamment Hans Zehrer et Léopold Dingräve (surnom de Wilhelm Eschmann).

 

Le socialisme de Sombart est un anti-judaïsme: "(...) ce que nous avons défini comme étant l'esprit de l'ère économique est justement, à beaucoup d'égards, l'esprit juif. Et, dans ce sens, Karl Marx a certainement raison quand il dit que "l'esprit pratique des Juifs est devenu l'esprit pratique des peuples chrétiens" et que "les Juifs se sont émancipés dans la mesure où les chrétiens sont devenus juifs" et encore que "la nature réelle des Juifs s'est concrétisée dans la société bourgeoise"." ("le socialisme allemand" pp. 215/216). Le capitalisme incarne l'esprit juif, il appartient au "socialisme allemand" d'incarner l'esprit allemand.

 

Le socialisme prolétarien est un capitalisme à rebours

 

Par sa nature même, le socialisme allemand" s'oppose au socialisme prolétarien. Le socialisme prolétarien est "un capitalisme à rebours, le socialisme allemand est un anti-capitalisme. L'œuvre libératrice du socialisme allemand ne se limite pas à une classe ou à un autre groupe de la populaton mais s'étend à celle-ci toute entière, dans toutes ses parties (...). Le socialisme allemand n'est pas un socialisme prolétarien, petit-bourgeois ou "partiel", c'est un "socialisme populiste" (ibid.p.180). Il embrasse le peuple entier dans tous les domaines de sa vie.

 

Pour Sombart, le socialisme prolétarien est "le fils authentique" de l'ère économique. Il en a toutes les tares. Dans son livre sur "Le socialisme allemand", Sombart définit rapidement le contenu idéologique du socialisme prolétarien et critique ses fondements pseuod-scientifiques: il lui reproche notamment d'avoir, avec sa théorie de l'histoire, transformé "les traits particuliers de l'ère économique en traits généraux ce l'histoire de l'humanité" (ibid. p.130). Sombart ne fait que reprendre, pour l'essentiel, les thèses qu'il développa dans "Le socialisme prolétarien" en 1924.

 

A l'époque où Marx fit ses débuts das la vie active (entre 1840 et 1850), écrit Sombart, "le capitalisme représentait un chaos, quelque chose d'informe, dont il était impossible de prévoir avec certitude les effets et les conséquences. Celui qui en abordait l'étude, guidé par l'idée de l'évolution (et telle fut précisément l'idée directrice de Marx), pouvait assigner à son devenir tous les buts qu'il voulait. Il pouvait y voir en germe les choses les plus magnifiques, prétendre que ce chaos était fait pour enfanter un monde de merveilles, un monde idéal, dont le capitalisme serait la phase préalable, la condition nécessaire" ("L'apogée du capitalisme", pp. 15/16). On comprend ainsi les "bizarres prédictions" de Marx "relatives à l'augmentation illimitée de la productivité, à la "concentration" générale des industries, à l'écroulement final et inévitable de l'édifice économique, etc.". Ainsi se justifiait l'optimisme de Marx. Mais, constate Sombart, le capitalisme nous est désormais connu: "Nous ne sommes plus assez naïfs et ignorants pour adorer le capitalisme comme une Sainte Vierge qui porte dans ses flancs le Rédempteur" (ibid, p.17).

 

Se mettre à l’écoute dela “Volkheit”

 

Le "socialisme allemand" exige un Etat fort. Cet Etat fort s'identifie à l'Obrigkeitstaat de tradition luthérienne, dont le chef, le Prince, n'est responsable que devant Dieu, et que Sombart veut, comme Goethe, à l'écoute non du peuple mais de la "populité" (Volkheit) -sur ce dernier point, Sombart démarque Wilhelm Stapel, auteur protestant d'une "théologie du nationalisme" (dont le titre exact est: "L'homme d'Etat chrétien. Théologie du nationalisme", paru en 1932). Stapel écrivait: "Les lois justes ne doivent pas correspondre à la "volonté du peuple", mais à la "volonté de la Volkheit". Car le peuple ne sait jamais d'une volonté claire ce qu'il veut,  mais la Volkheit est raisonnable, constante, pure et vraie."- Sombart n'est pas le seul à préconiser un renouveau de l'Obrigkeitstaat, d'autres en Allemagne préconisent aussi (des représentants de la jeune génération parmi lesquels ses disciples de "die Tat").

 

L'étatisme de Sombart n'est pas fondé sur la seule doctrine de Luther. Sombart cite Hegel et prétend se rattacher à "la conception allemande de l'Etat" (l'Etat y est envisagé comme une "union idéale" par oppo-sition à la conception rationnelle et individualiste) à laquelle sont restés fidèles les conservateurs prussiens et les socialistes allemands (Lorenz von Stein, Rodbertus, Lassalle).

 

L'Etat allemand qu'il imagine devrait s'inspirer de l'exemple de l'Eglise catholique ou de l'armée prussienne et, tout en étant fort, il devrait être fédératif et décentralisé.

 

"Le socialisme allemand désapprouve (…) la forme qu'a revêtue la société à l'époque économique". Il aspire à un ordre social "corporatif" ou "organique" ou "populaire", notions qui paraissent s'unir toutes en celle de répartition par états"("le socialisme alle-mand", p.240). Sombart établit "une distinction catégorique entre deux notions d'état: la notion sociale et la notion politique". Dans le premier sens, l'état est un "tout partiel" qui, avec d'autres "touts partiels", constitue "l'organisme social". "La notion politique de l'état-classe est par contre celle qui entend par état un groupe qui est reconnu comme tel par l'Etat-pouvoir politique, qui y est incorporé et qui en a reçu des missions déterminées. Ces missions sont principalement les suivantes: (1) entretien d'une mentalité particulière, d'un esprit particulier (…); (2) renforcement du principe de l'inégalité dans l'Eta-pouvoir politique par l'octroi à l'état-classe de privilèges déterminés ou le retrait de droits déterminés; (3) exercice de fonctions dans la vie po-litique et sociale." (ibid, p.242). Pour Sombart, c'est dans un sens politique qu'il convient d'entendre la notion d'état.

 

Cette conception de l'état procède à la fois du "Beruf" luthérien et du "Stand" romantique remis à l'honneur par l'école viennoise d'Othmar Spann. L'idée d'état connaît alors un vif succès dans les milieux nationalistes allemands, particulièrement chez ceux qui s'y veulent "socialistes allemands".

 

La technique doit se plier au nomos

 

Nous vivons dans l'âge technique, constate Sombart. "Si notre époque est celle de la technique, c'est qu'elle a oublié les buts pour les moyens, autrement dit, qu'elle a vu le but final dans la création artificielle des moyens". Tout le monde admire les produits d'une technique perfectionnée "sans se demander quels buts seront ainsi atteints, sans apprécier les valeurs qui seront ainsi produites" (ibid. p.276). "A quel point la technicisation de notre époque est avancée, on le voit par la façon dont le culte de la technique s'étend à tous les domaines de notre culture et les marques tous de son empreinte" (ibid, p.277). Face à cet état de fait, comment réagir? Sombart rejette les "théories fatalistes" ("la technique moderne permet aux hommes de rationaliser la terre"): le "socia-lisme allemand" domestiquera la technique et la pliera au nomos! Sombart préconise, outre un certain nombre de mesures policières, un contrôle de l'office des Brevets sur la valeur de l'invention puis un contrôle sur l'application de l'invention; la recher-che scientifique sera enlevée à l'initiative privée et confiée à un institut d'Etat; les inventeurs seront rémunérés sans tenir compte de la valeur com-merciale ou industrielle de l'invention, "ainsi la fièvre des inventeurs tombera".

 

Le "socialisme allemand" doit encourager une "bonne consommation" qui entretienne "des formes de vie simples et naturelles". Sombart rejette la culture prolétarienne et lui préfère une culture "bourgeoise" (c'est-à-dire une certaine aisance) et paysanne (bien enracinée et variée). Il rejette aussi le "luxe capitaliste du bourgeois" et réserve l'éclat et la splendeur à l'Etat.

 

La consommation en Allemagne est pour Sombart mal organisée d'un point de vue quantitatif et qualitatif. Beaucoup de défauts de la consommation actuelle dépendent de certaines conditions de la vie moderne (urbanisation, notamment). L'Etat doit donc intervenir pour amener les masses à modifier leur consommation.

 

Le "socialisme allemand" vise aussi à l'orga-nisation de la production. Sombart veut subs-tituer une économie planifiée à l'économie "libre" (c'est-à-dire abandonnée à l'arbitraire des individus). Remarque préalable: "économie plani-fiée" ne signifie pas pour Sombart "collectivisme". Dans l'économie qu'il envisage "la propriété privée et la propriété collective subsisteront côte à côte" (éco-nomie mixte) mais la propriété privée sera "une propriété donnée en fief" (ibid., p.346). Opposé au collectivisme doctrinaire, Sombart ne manifeste cependant pas un respect exagéré pour la propriété privée: pendant la Grande Crise, il réclame la création d'une "propriété sociale" (Louis Dupeux, op. cit., p.15).

 

L’économie planifiée selon Sombart

 

Une véritable économie planifiée, d'après Sombart, se caractérise par:

 

- la totalité "c'est-à-dire qu'il n'y a économie planifiée que lorsque le plan embrasse l'ensemble des exploitations et des phénomènes économiques à l'intérieur d'un territoire important" ("le socialisme allemand", p.302). Mais le plan peut comptendre des zones libres "où l'individu pourra faire et laisser faire ce qui lui plaira".

 

- "l'unité, c'est-à-dire un centre unique d'où émane le plan" (ibid., p.303). L'économie doit être soumise au "Führerprinzip" et au-dessus des chefs  d'entreprise, il doit exister une direction suprême: le "conseil suprême économique" (le centre unique de décision ne peut être que l'Etat, ou une émanation de celui-ci, c'est dire qu'une économie planifiée ne peut être qu'une économie nationale. Mais l'économie nationale doit être nécessairement planifiée si on veut qu'elle assure l'unité de la Nation).

 

- la variété: le plan doit tenir compte de la dimension des domaines économiques; de la structure sociale d'un pays donné; du caractère national, du niveau culturel et de toute l'histoire du pays. Les diverses branches de l'économie doivent être organisées différemment et cette organisation varie à l'intérieur même de chaque branche. L'économie planifiée doit aussi avoir des moyens d'action variés.

 

C'est ainsi que l'économie planifiée nationale cor-respond à cette "économique qu'Aristote opposait à la chrématistique"." (ibid., p.306).

 

Autarcie et autarchie

 

A l'économie mondiale en crise, Sombart oppose l'autarcie. "Autarcie ne signifie pas, bien entendu, qu'une économie nationale doive devenir indé-pendante d'une façon intégrale (…), qu'elle doive renoncer à toute relation internationale quelle qu'elle soit (…). En considérant les faits, je qualifierais déjà d'autarcique une économie nationale qui ne dépend en aucune façon de ses relations avec les peuples étrangers, c'est-à-dire qui n'est pas obligée de recourir au commerce extérieur pour assurer sa propre existence (…)" (ibid., p.310). Mais "l'autarchie est plus importante que l'autarcie. Or l'autarchie nationale réside dans le fait que les catégories où nous pensons les relations internationales de l'avenir ne sont plus celles du commerce libre -où l'on trouvait, à la première place, la funeste clause de la nation la plus favorisée- mais celle d'une politique nationale planifiée: traités de commerce, unions douanières, droits préfé-rentiels, contingentements, interdictions d'impor-tation et d'exportation, commerce de troc, principe de la réciprocité, monopole du commerce de certains articles, etc." (ibid., p.348).

 

Sombart s'en prend à la grande industrie: son socialisme doit favoriser l'économie paysanne et artisanale et donc les classes moyennes. A l'opposé du socialisme prolétarien, le "socialisme allemand" met au centre de sa sollicitude non pas le prolétariat, mais les classes moyennes qui sont le plus aptes à défendre les intérêts de l'individu comme de l'Etat: c'est uniquement dans les exploitations paysannes et artisanales que l'hommes ayant une activité économique trouve la possibilité de se développer pleinement, de donner son véritable sens au travail, forme la plus importante de la vie humaine" (ibid., pp.318/319). Le "socialisme allemand" veillera au développement de l'activité artisanale, à la réorganisation du pays et s'opposera à l'indus-trialisation croissante de l'agriculture.

 

Domaine de l’industrie et Plan

 

Dans le domaine de l'industrie, Sombart préconise, outre la soumission des entreprises aux objectifs du plan:

 

- la socialisation de certains secteurs stratégiques de l'économie et un contrôle de l'Etat sur les entreprises abandonnées au capitalisme (notamment un contrôle du crédit);

- l'amélioration des conditions de travail et la fixation des salaires ouvriers par l'Etat;

- la fin de la concurrence sauvage et de la "con-currence suggestive" (la publicité); en revanche "la concurrence matérielle ne doit pas être exclue des cadres de l'économie dirigée";

- l'abandon du principe de rentabilité remplacé par l'"esprit ménager"

-         une "production permanente et continue": "nous sommes maintenant mûrs pour une économie stationnaire et nous renvoyons l'économie "dynamique" du capitalisme là où elle avait son origine: au diable". "En stabilisant nos méthodes de production, de transport et de vente, nous supprimons une des causes des arrêts et troubles périodiques du processus économique et, par conséquent, le danger toujours menaçant du chômage, la pire des plaies de l'ère économique" (ibid., pp.340/341).

 

Lutte contre le chômage et travaux publics

 

L'Etat doit lutter contre le chômage et en même temps entreprendre la transformation de l'économie nationale. Pour lutter contre le chômage, écrit Sombart, l'Etat doit se créer une capacité d'achat supplémentaire qu'il utilisera afin d'entreprendre ou d'encourager des travaux convenables (c'est-à-dire des travaux "dont la réalisation peut entraîner une augmentaton, notamment une augmentation durable de la productivité nationale, plus exactement encore une augmentation du volume des marchandises"; ces travaux doivent être des travaux durables ou entraîner des travaux durables qui contribuent à un développement permanent de l'organisme produc-teur"; ces "travaux doivent ouvrir ces sources intaris-sables au sein de l'économie nationale allemande, afin de la rendre plus productive et susceptible de devenir indépendante"(ibid., pp 356/357).

 

Pour Sombart, la colonisation agricole semble le meilleur moyen de ranimer l'économie allemande et d'entraîner une transformation de celle-ci et de la société elle-même dans le sens voulu par le "socialisme allemand".

 

Sombart reprend ici à son compte le programme d'Heinrich Dräger et de Gregor Strasser qu'il avait approuvé et soutenu en 1932. Heinrich Dräger, fabricant de Lübeck et fondateur de la "Société d'Etudes pour une économie monétaire et une économie de crédit" (à laquelle collaborait Ernst Wagemann), défendait l'idée de "la création de travail par la création de crédit productive" (cf. Jean-Pierre Faye, "Langages totalitaires", Hermann, Paris, 1973, pp.647/648). Dräger rédigea pour Gregor Strasser (alors n°2 du Parti nazi et dirigeant de son aile gauche), la seconde partie du "programme économique de la NSDAP" publié en août 1932 sous le titre de "Sofortprogramm". Ce texte proposait un programme de création de travail de grande envergure mené sous l'égide de l'Etat et accompagné de réformes de structure. Il prévoyait, à côté de la modernisation des villes et de la construction d'habitats sains, le partage des grandes propriétés foncières non rentables en vue de l'établissement de paysans sans terre et l'exécution de travaux nécessaires au développement de l'économie rurale (ibid., pp 656 et 672).

 

En guise de conclusion …

 

Il est impossible de dissocier le scientifique Sombart, sociologue, économiste et historien de l'économie, du Sombart militant, marxiste puis "socialiste allemand" et nationaliste luthérien. Le premier étudie froide-ment le capitalisme et l'esprit capitaliste, le second les condamne en bloc et bâtit une alternative. Les deux se complètent. Pendant la Grande Guerre, "Marchands et héros" fait écho au "Bourgeois", Sombart y oppose au type humain bourgeois, porteur du capitalisme, le héros porteur de ce qu'il définira plus tard comme "socialisme allemand". Le "socialisme allemand" fait écho pendant la Grande Crise au maître-ouvrage de Sombart, "le capitalisme moderne" achevé peu avant.

 

Sombart a probablement influencé (et subi l'influence) de nombreux autres "socialistes allemands". Sombart avoue d'ailleurs cette parenté: le socialisme dont il se réclame, il le voit représenté en Allemagne par de nombreux nationaux-socialistes (sans doute pense-t-il plus particulièrement à Gregor Strasser), "par plusieurs adhérents à l'ancien Front Noir parmi lesquels se distingue Otto Strasser, auteur d'un livre plein de pensée, "Der Aufbau des deutschen Sozialismus" (1932), ainsi que par plusieurs isolés, comme les partisans de l'ancien milieu du "Tat" (de l'"Action"): Eschmann, Fried, Wirsing, Zehrer, etc., par des hommes comme August Winnig, August Pieper, et beaucoup d'autres encore" ("Le socialisme allemand", p.140).

 

Mais, les convictions personnelles de Sombart, et plus encore: son ton, le rapprocherait plutôt d'un autre courant situé nettement plus "à droite" et dans lequel on peut ranger Oswald Spengler; Wilhelm Stapel, directeur de la revue "Deutsches Volkstum" (Hambourg); Karl-Anton Prinz Rohan, directeur de l'"Europaïsche Revue"; Othmar Spann, idéologue de l'"austro-fascisme"; Edgar Jung, animateur du "Münchener Kreis", conseiller de von Papen; Heinrich von Gleichen, animateur et président du "Herrenklub"; voire Julius Evola. etc. Avec eux Sombart partage l'inspiration chrétienne, une idée de la race (et du Volk) dégagée de la biologie, une conception de l'Etat autoritaire éventuellement ditrigé par une aristocratie de naissance, une conception "universaliste" du corps social et la vision d'un ordre social fondé sur la hiérarchie des "Stände" qiu n'est pas sans évoquer, tout nuance péjorative mise à part, l'ordre des castes, etc. Un crédo qui s'oppose point par point au crédo du nationalisme populaire (Völkisch) qui s'est pourtant inspiré de Sombart pour construire sa doctrine économique.

 

Thierry MUDRY.

(article paru  dans la  revue “Orientations”, Wezembeek-Oppem, n°12, été 1990/hiver 1990-91).

jeudi, 05 novembre 2009

Bourdieu analyse le néo-libéralisme

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Bourdieu analyse le néo-libéralisme

http://unitepopulaire.org/

« L'euphémisme est indispensable pour susciter durablement la confiance des investisseurs – dont on aura compris qu'elle est l'alpha et l'omega de tout le système économique, le fondement et le but ultime, le telos, de l'Europe de l'avenir – tout en évitant de susciter la défiance ou le désespoir des travailleurs, avec qui, malgré tout, il faut aussi compter, si l'on veut avoir cette nouvelle phase de croissance qu'on leur fait miroiter, pour obtenir d'eux l'effort indispensable. […]

Si les mots du discours néolibéral passent si facilement, c'est qu'ils ont cours partout. Ils sont partout, dans toutes les bouches. Ils courent comme monnaie courante, on les accepte sans hésiter, comme on fait d'une monnaie, d'une monnaie stable et forte, évidemment, aussi stable et aussi digne de confiance, de croyance, que le deutschemark : « Croissance durable », « confiance des investisseurs », « budgets publics », « système de protection sociale », « rigidité », « marché du travail », « flexibilité », à quoi il faudrait ajouter, « globalisation », « flexibilisation », « baisse des taux » – sans préciser lesquels – « compétitivité », « productivité », etc.

Cette croyance universelle, qui ne va pas du tout de soi, comment s'est-elle répandue ? Un certain nombre de sociologues, britanniques et français notamment, dans une série de livres et d'articles, ont reconstruit la filière selon laquelle ont été produits et transmis ces discours néolibéraux qui sont devenus une doxa, une évidence indiscutable et indiscutée. Par toute une série d'analyses des textes, des lieux de publication, des caractéristiques des auteurs de ces discours, des colloques dans lesquels ils se réunissaient pour les produire, etc., ils ont montré comment, en Grande-Bretagne et en France, un travail constant a été fait, associant des intellectuels, des journalistes, des hommes d'affaires, dans des revues qui se sont peu à peu imposées comme légitimes […]

Ce discours d'allure économique ne peut circuler au-delà du cercle de ses promoteurs qu'avec la collaboration d'une foule de gens, hommes politiques, journalistes, simples citoyens qui ont une teinture d'économie suffisante pour pouvoir participer à la circulation généralisée des mots mal étalonnés d'une vulgate économique. Un exemple de cette collaboration, ce sont les questions du journaliste qui va en quelque sorte au devant des attentes de l’économiste : il est tellement imprégné par avance des réponses qu'il pourrait les produire. C'est à travers de telles complicités passives qu'est venue peu à peu à s`imposer une vision dite néolibérale reposant sur une foi d'un autre âge dans l'inévitabilité historique fondée sur le primat des forces productives. Et ce n'est peut-être pas par hasard si tant de gens de ma génération sont passés sans peine d'un fatalisme marxiste à un fatalisme néolibéral : dans les deux cas, l'économisme déresponsabilise et démobilise en annulant le politique et en imposant toute une série de fins indiscutées, la croissance maximum, l'impératif de compétitivité, l'impératif de productivité, et du même coup un idéal humain, que l'on pourrait appeler l'idéal FMI (Fonds monétaire international). On ne peut pas adopter la vision néolibérale sans accepter tout ce qui va de pair, l'art de vivre yuppie, le règne du calcul rationnel ou du cynisme, la course à l'argent instituée en modèle universel. Prendre pour maître à penser le président de la Banque fédérale d'Allemagne, c'est accepter une telle philosophie.

Ce qui peut surprendre, c'est que ce message fataliste se donne les allures d'un message de libération, par toute une série de jeux lexicaux autour de l'idée de liberté, de libéralisation, de dérégulation, etc., par toute une série d'euphémismes, ou de double jeux avec les mots. […] Si cette action symbolique a réussi au point de devenir une croyance universelle, c'est en partie à travers une manipulation systématique et organisée des moyens de communication. Ce travail collectif tend à produire toute une série de mythologies, des idées-forces qui marchent et font marcher, parce qu'elles manipulent des croyances : c'est par exemple le mythe de la globalisation et de ses effets inévitables sur les économies nationales ou le mythe des "miracles" néolibéraux, américain ou anglais. »

 

Pierre Bourdieu, "Dans la tête d’un banquier", Le Monde Diplomatique, septembre 1997

mercredi, 04 novembre 2009

Falange Espanola - Nationalsyndikalismus in Spanien

Falange Espanola – Nationalsyndikalismus in Spanien

 

Teil 1: Faschismus der Intellektuellen (1922-1932)

 

Verfasser: Richard Schapke, im Februar 2004 / http://www.fahnentraeger.com/

 

Ernesto Giménez Caballero

 

Im Dezember 1922 erschien in Barcelona die erste und einzige Ausgabe der Zeitung „La Camisa Negra“. Wie schon der Titel verrät, orientierte man sich am italienischen Vorbild. In der unruhigen und kosmopolitischen Mittelmeermetropole trafen katalanischer und spanischer Nationalismus und linke wie rechte Ideen aufeinander und erzeugten ein aufgeheiztes Klima, und hier entstanden auch die ersten faschistischen und semifaschistischen Splittergruppen. Wie in anderen Ländern auch, so wurden die ersten genuin faschistischen Ideen von kleinen Intellektuellenzirkeln und einigen Aktivisten verbreitet.

 

Gimenez.jpgBedeutend für die Entstehung des spanischen Faschismus ist vor allem Ernesto Giménez Caballero. 1899 als Sohn einer wohlhabenden und liberalen Madrider Familie geboren, erlebte er als Wehrpflichtiger den Kolonialkrieg in Spanisch-Marokko. Sein 1923 veröffentlichter Erlebnisbericht „Notas marueccas de un soldado“ löste mit scharfer Kritik an der militärischen Führung einen kleinen Skandal aus, der Giménez Caballero vorübergehend ins Gefängnis brachte. Mit seinem Elitismus der Frontsoldaten erinnert das Buch an den Frontroman der Weimarer Republik, und wie in diesen vergleichbaren Werken wurde auch hier die Frage nach der Rolle der Nation und nach ihrem Platz in der Welt gestellt. In der Folgezeit lehrte der Spanier als Englischdozent an der französischen Universität Straßburg und entwickelte alsbald einen ausgesprochenen Hispanismus als Gegengewicht zu den Einflüssen des westlichen Materialismus. Die Regionen und Völker der Iberischen Halbinsel sollten sich unter einem gemeinsamen Zeichen, einer gemeinsamen Aufgabe („Haz“) vereinigen. Giménez Caballero heiratete die Schwester des italienischen Konsuls in Straßburg und wurde von dieser in die Welt des Faschismus eingeführt. Bald kehrte er nach Madrid zurück und reihte sich hier als Chefredakteur der „Gaceta Literaria“ in die literarische Avantgarde ein.

 

In dieser Funktion wurde Giménez Caballero zum führenden Autor der „Generation von 1927“. Diese literarisch-intellektuelle Vorhutgruppe strebte nach einer Politisierung der Literatenszene. Eine Kombination der extremistischen Manifestationen des Avantgardismus mit dem kulturellen Nationalismus – nach Vorbild des italienische Frühfaschismus - sollte die Rückwärtsgewandtheit Spaniens überwinden und den Schlüssel zur Lösung seiner Probleme sein. Eine neue Kunst und eine neue Kultur hatten ganz Sinne Nietzsches oder d´Annunzios nichts weniger als die Schaffung eines neuen Menschen zum Ziele. Zunächst war die Gruppe kulturpluralistisch orientiert, sie gewann wichtige Impulse aus der Modernität und Vitalität der Katalanen und Portugiesen. Giménez Caballero machte sich nicht zuletzt um die Ausstellung moderner Literatur aus Katalonien, Portugal, Argentinien und Deutschland in Madrid verdient. Eine Rundreise durch den Mittelmeerraum endete 1928 in Italien, wo er sein Damaskus erlebte – der spanische Avantgardist war überwältigt vom italienischen Faschismus. Es schien ihm, als hätte der Faschismus Rom als Zentrum der modernen Zivilisation und des Christentums wieder belebt: Der PNF entwickelte neue kulturelle und politische Formen, um unter Vereinigung der Intellektuellen und der Masse die Modernisierung und die kohärente innere Entwicklung Italiens durchzuführen. Hierbei stand der Faschismus in den Augen des spanischen Besuchers sowohl für die echte Revolution der Moderne, als auch für die katholisch-lateinische Volkskultur. Er überformte Materialismus und Künstlichkeit, um sie mit der Volkskultur und einer nationalistisch aufgeladenen Atmosphäre zu einer gewalttätigen und weitreichenden nationalen Mission zu verschmelzen. Giménez Caballero schwebte fortan das italienische Modell als Lösung für Spaniens Schwierigkeiten vor, die seiner Ansicht nach vor allem auf die unausgegorene Übernahme nordeuropäischer Ideen zurückzuführen waren.

 

Gim%C3%A9nezCaballero4.jpgDas Bekenntnis des Chefredakteurs der „Gazeta“ vom 15. Februar 1929 zum Faschismus löste eine offene Redaktionskrise aus. Zugleich kündigte Giménez Caballero die spanische Übersetzung des Malaparte-Klassikers „Italia contro Europa“ an. Er adaptierte Curzio Malapartes militanten und populistischen Nationalsyndikalismus und erklärte, zur Schaffung eines spanischen Faschismus müsse man viel weiter gehen als der noch an der Macht befindliche Diktator Primo de Rivera. Der eher konservative Teil der Redaktionsmannschaft verabschiedete sich, um protofaschistischen Intellektuellen wie einem gewissen Ramiro Ledesma Ramos zu weichen. Noch vermied Giménez Caballero den Begriff „Faschismus“, thematisierte aber immer mehr die Gewalt als Weg zur kulturellen und nationalen Erneuerung Spaniens. Ein panromanischer Faschismus ging einher mit scharfer Kritik am Rassismus und Antisemitismus der deutschen Rechten, generell waren der Gruppe protestantisch geprägte Nationen suspekt. Allerdings war die „Gazeta“ bei Beginn der Zweiten Republik weitgehend isoliert. Als Giménez Caballero sich der sozialistischen Linken annäherte und dort nach seinen Vorstellungen nahe kommenden Persönlichkeiten suchte, galt er vielen ehemaligen Freunden und Anhängern als Opportunist.

 

 

 

Ramiro Ledesma Ramos und die Geburt des Nationalsyndikalismus

 

Der philosophische Essayist und Schriftsteller Ramiro Ledesma Ramos sollte dem vagen Projekt Giménez Caballeros eine viel deutlichere, radikalere Form verleihen. War letzterer der erste faschistische Intellektuelle Spaniens, so sollte ersterer den ersten spanischen Faschismus entwerfen. Ledesma Ramos wurde 1905 in eine Lehrerfamilie der Provinz Zamora hineingeboren. Zunächst lebte er als Postbeamter in Madrid und entwickelte sich als Autodidakt zum pessimistischen Intellektuellen. Sein Erstlingswerk „El sello de la muerte“ verrät deutliche Nietzsche-Einflüsse. Nach einer Vorlaufzeit konnte der verhinderte Philosoph sich an einem angesehenen Institut der Madrider Universität immatrikulieren und dort 1930 seinen Abschluss in Philosophie machen. Schon vor Beendigung des Studiums galt er als der belesenste Jungintellektuelle der Hauptstadt und erwarb sich einen Namen als Übersetzer deutscher Philosophen und als Essayist.

 

Der in den Salons von Ortega y Gasset und Giménez Caballero verkehrende Ledesma Ramos kam bald nach Studium Husserls und Heideggers zu dem Schluss, die Angst und die Bedeutungslosigkeit des menschlichen Lebens könnten nur durch den Willen und das Erreichen von Zielen bezwungen werden, wobei die von den Anarchisten entlehnte Direkte Aktion als probates Mittel erschien. Die spanische Kultur galt ihm als mangelhaft, da Spanien als einzige große Nation keine bedeutende Philosophie und keine intellektuelle Diktatur entwickelt habe. Unter Rekurs auf die Hispanisten formulierte Ledesma Ramos, der Niedergang des Landes sei durch eine Kombination von militärischen und kulturellen westlichen Einflüssen hervorgerufen worden. Eine Rückkehr zur Vergangenheit wurde verworfen – Spanien brauchte eine moderne Revolution mit Massenbasis, Autorität, Willenskaft, nationaler Einheit, zentraler Führung und einem revolutionären Wirtschaftsprogramm. Spanien brauchte also so etwas wie den Faschismus. Die Madrider Kulturbourgeoisie reagierte irritiert, als ihr bisheriger Liebling sich im Rahmen eines literarischen Banketts zu Ehren von Giménez Caballero zu seiner Radikalisierung bekannte. Nach Studienende begab Ledesma Ramos sich auf Reisen und verbrachte unter anderem 4 Monate in Heidelberg, wo er in engen Kontakt mit der als besonders extrem geltenden Ortsgruppe des NS-Studentenbundes geriet.

 

ledesma.jpgZum Entsetzen seines bisherigen sozialen Umfeldes gründete Ramiro Ledesma Ramos zusammen mit einer Handvoll Sympathisanten die Zeitschrift „La Conquista del Estado“, die sich nicht nur äußerlich an Curzio Malapartes gleichnamiges Pamphlet (faktisch eine Theorie des Staatsstreiches) anlehnte und am 14. März 1931 erstmals erschien. Emblem der Zeitschrift waren Joch und Pfeile, „yugo y flechas“, das Symbol von Ferdinand und Isabella, den Katholischen Königen. Ein politisches Manifest bombardierte den Leser mit Parolen gegen Liberalismus, gegen den internationalen Marxismus und die Dekadenz der spanischen Gegenwart.

 

Spaniens Jugend wurde aufgerufen, durch gewaltsames Vorgehen gegen die bestehende Ordnung und die Parteien einen Neuen Staat zu schaffen. Dieser neue Staat sollte totalitäre Züge tragen, Freiheit gewährte er nur innerhalb der von ihm gesetzten Ordnung. Zwar wurden die Verschiedenheit und die Autonomie der spanischen Regionen und Nationalitäten anerkannt, aber der Separatismus sollte ausgerottet werden. Aufgabe des Neuen Staates war die Erfüllung der politischen, kulturellen und wirtschaftlichen Ziele des spanischen Volkes. Die gesamte spanische Wirtschaft war in Zwangssyndikaten zusammenzufassen, die wiederum zwecks höherer Effektivität und vermehrter sozialer Gerechtigkeit der staatlichen Kontrolle unterstanden. Hier zweckentfremdete Ledesma Ramos den anarchistischen Syndikatsbegriff: Verstanden die Anarchisten der CNT hierunter die Zusammenfassung aller Arbeitnehmer, so ging er von einem vertikalen Syndikat unter Einschluss der Arbeitgeber aus. Das Programm sah eine radikale Landreform mit Enteignung der parasitären Großgrundbesitzer, Landverteilung an das Agrarproletariat und Genossenschaftsbildung vor. Darüber hinaus forderten Spaniens erste Nationalsyndikalisten die Verstaatlichung der Schlüsselindustrien, der Banken, der Versicherungen und des Transportwesens, strikte Außenhandelskontrolle und staatliche Wirtschaftsplanung – ein ausgesprochen „linker“ Faschismus.

 

Der Gruppe schwebte nicht die Gewinnung von Wählerstimmen vor, sondern der Aufbau von militanten und bewaffneten Kampfverbänden. Diese Milizen sollten den als anachronistisch und bourgeois empfundenen pazifistischen Antimilitarismus zertrümmern und die Politik durch einen militärischen Sinn für Kampf und Verantwortung anreichern. Als organisatorische Grundlagen der Bewegung waren syndikalistische (gewerkschaftliche) und politische Zellen vorgesehen. Ledesma Ramos war sich bewusst, dass er eine spanische Form des revolutionären Nationalismus schaffen musste. Nicht umsonst war und bleibt er der aggressivste und rücksichtsloseste nationalistische Intellektuelle, den Spanien jemals hervorgebracht hat.

 

Die Klärung des Verhältnisses zur noch immer mächtigen katholischen Kirche erfolgte in der „Conquista“-Ausgabe vom 20. Juni 1931. Ledesma Ramos verkündete, die Kirche könne niemals irgendeine Souveränität gegenüber dem Staat beanspruchen. Zwar seien die religiösen Gefühle der Bevölkerung zu respektieren, aber die katholische Kirche sei über Jahre an Verbrechen gegen den Wohlstand des spanischen Volkes beteiligt gewesen – der Staat müsse daher ihre Rolle neu definieren. Verklausuliert hieß das Enteignung und strikte Trennung von Kirche und Staat. "Die nationale Revolution ist ein Unternehmen, das es als Spanier zu verwirklichen gilt, katholisches Leben hat damit nichts zu tun, denn es betrifft nicht den Spanier, sondern den Menschen, der seine Seele retten will." Hier wurde also nicht an die traditionelle katholisch bestimmte Gesellschafts- und Staatsordnung angeknüpft. Die Propaganda wandte sich ohnehin an die sozial benachteiligten Schichten wie Landarbeiter und Industrieproletarier, die der Kirche weitgehend entfremdet waren. Durch die Parolen vom syndikalistischen Staat sollten von den Grabenkämpfen innerhalb der CNT frustrierte Anarchisten gewonnen werden, bei denen schließlich auch Malaparte einen gewissen Ruf besaß. Das Werben um die Ultralinke hatte wenig Erfolg, auch wenn sich der Madrider Anarchistenführer Nicasio Álvarez de Sotomayor der Gruppe anschloss. Im Juli 1931 landete Ledesma Ramos als Folge seiner aggressiven Agitation erstmals im Gefängnis, und nach mehreren Ermittlungsverfahren und Verboten stellte die „Conquista del Estado“ im Oktober ihr Erscheinen für immer ein. Trotz der Bedeutungslosigkeit der Gruppe hatte Ramiro Ledesma Ramos als erster die Idee eines revolutionären Nationalsyndikalismus propagiert und der Bewegung wichtige Schlagworte gegeben.

 

 

 

Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista

 

Onésimo Redondo Ortega, der dritte wichtige spanische Frühfaschist, wurde wie Ledesma Ramos im Jahre 1905 geboren, und zwar in Valladolid. Redondo Ortega war zunächst als Finanzbeamter tätig und arbeitete dann als wissenschaftlicher Assistent an der Handelsschule Mannheim, wo er ebenfalls mit dem Nationalsozialismus in Berührung kam. Anschließend beschäftigte ihn ein Verband altkastilischer Großgrundbesitzer, wobei er Einblicke in Fragen der wirtschaftlichen Organisation gewann. Die Kontakte zu den ländlichen Arbeitgebern Altkastiliens sollten niemals abreißen. Um Redondo Ortega sammelte sich ein weiterer Zirkel spanischer Faschisten, der sich im Gegensatz zum Radikalfaschismus der „Conquista“-Gruppe eher auf nationale Einheit, traditionelle spanische Werte und soziale Gerechtigkeit besann. Am 13. Juni 1931 erschien die Wochenzeitung „La Libertad“. Unter Verherrlichung der traditionellen ländlichen Gesellschaftsordnung wurde Kastilien aufgerufen, den spanischen Gesamtstaat vor Materialismus und Kulturzersetzung zu retten. Antisemitische und frauenfeindliche Anklänge waren hierbei durchaus vorhanden.

 

Da der politische Katholizismus als unzureichend erschien, strebte Redondo Ortega den Aufbau einer radikal-nationalistischen Jugendbewegung an – konservativ in Religions- und Kulturfragen, aber militant in Stil und Taktik. Die „Libertad“ bekannte sich offen zu einer gesunden Gewaltanwendung. Spanien lebe bereits im Zustand des Bürgerkrieges, also solle sich die Jugend zum Kampf bereitmachen. Im August gründete der Zirkel zusammen mit Studenten der Universität Valladolid und anderen Anhängern die „Juntas Castellanas de Actuación Hispánica“. Zwar war diese Gruppierung deutlich reaktionärer als Ledesma Ramos, aber im Kampf gegen Materialismus, Dekadenz und Bourgeoisie lagen erhebliche Gemeinsamkeiten.

 

Am 10. Oktober 1931 kündigte die „Conquista del Estado“ den Zusammenschluss beider Fraktionen zu den „Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista“ (Nationalsyndikalistische Angriffsgruppen, JONS) an. Man übernahm yugo y flechas, zu denen sich als Symbol für den revolutionären Charakter der Bewegung die schwarz-rote Fahne der Anarchisten gesellte. Basiseinheit war die Gruppe aus 10 militantes unter einem Gruppenführer; 10 Gruppen wiederum bildeten eine Junta unter Leitung eines Triumvirates. Der Lokalrat, consejo local, als Parteigremium auf unterster Ebene setzte sich aus allen Triumviraten der betreffenden Gemeinde zusammen. Auch dem consejo local stand ein Dreiergremium vor. Die Lokalräte entsandten Delegierte in den consejo provincial, und die Delegierten der Provinzialräte bildeten schließlich den consejo nacional. Als höchstes Parteiorgan erteilte der Nationalrat bindende Befehle, Richtlinien und Mitteilungen. Die Geschäftsführung hatte ein aus den Reihen des consejo nacional gewähltes Zentraltriumvirat inne. Zu einer echten Verschmelzung kam es nicht, und faktisch bestanden die Jonsistas aus zwei verschiedenen Flügeln um Ledesma Ramos und Redondo Ortega. Ungeachtet der angesichts der zahlenmäßigen Schwäche maßlos übertriebenen Organisationsstruktur verhinderte diese doch, dass es eine absolute Befehlsgewalt eines Einzelnen gab. Als erste überregionale faschistische Organisation standen die JONS sowohl in Frontstellung gegen die Linke wie gegen die katholische und monarchistische Rechte.

 

Das Programm der JONS stellte gegenüber dem der „Conquista“-Gruppe einen Rückschritt dar. Der Parlamentarismus sollte durch ein sich auf die nationalsyndikalistischen Milizen und die Volksmassen stützendes Regime abgelöst werden. Innenpolitisch waren einerseits Anerkennung der katholischen Tradition, Unterordnung des Individuums unter die Ziele des Vaterlandes, Säuberung der Verwaltung, Verbot aller marxistischen und antinationalen Parteien, Ausmerzung ausländischer Einflüsse und Aburteilung von Spekulanten und verräterischen Politikern vorgesehen. Auf der anderen Seite enthielt das Programm aber auch das Konzept der Zwangssyndikate (die unter dem besonderen Schutz des Staates stehen sollten) und der staatlichen Wirtschaftskontrolle. Aller Reichtum hatte sich den Belangen der Nation unterzuordnen, zu denen explizit der wirtschaftliche Aufbau, soziale Gerechtigkeit, Chancengleichheit im Bildungswesen und eine gemäßigte Agrarreform gehörten. Gänzlich neu war die Forderung nach einer imperialistischen Außenpolitik, vor allem in Hinblick auf Gibraltar, Marokko und Algerien. Erwähnt sei noch die interessante Bestimmung, dass im Neuen Staat die Inhaber höchster Ämter mit Erreichen des 45. Lebensjahres zurückzutreten hatten.

 

Redondo Ortega führte infolge seiner größeren finanziellen Möglichkeiten zunächst das Wort, aber für Ledesma Ramos blieb infolge zahlreicher vager Definitionen Freiraum genug. Einzelne Aktivisten und kleine Gruppen von Kommunisten, Trotzkisten und Anarchisten konnten gewonnen werden. Die Expansion der JONS erfolgte vor allem im so genannten „anarchistischen Bogen“ Spaniens zwischen Barcelona, Valencia und Málaga sowie in Madrid. Gerade hier etablierte sich eine stark mit ehemaligen Anarchisten durchsetzte und entschieden antiklerikale Gruppe. Im Verlauf des Jahres 1932 waren die Jonsistas kaum aktiv. Ledesma Ramos provozierte am 2. April 1932 im Madrider Athenäum den ersten Zusammenstoß mit Linken, es folgten Angriffe auf linke Zeitungskioske oder Sowjetfilme zeigende Kinos. Die Fraktion Redondo Ortegas zeigte sich aktiver und lieferte sich mehrfach heftige Auseinandersetzungen mit politischen Gegnern. Auf einer Demo gegen den katalanischen Separatismus am 11. Mai 1932 in Valladolid hatte die Bewegung ihren ersten Toten zu beklagen, als es zu einer Straßenschlacht mit der Polizei kam. Da der rechte Parteiflügel am Rande in den dilettantischen Rechtsputsch des General Sanjurjo verwickelt war, musste Redondo Ortega sich im August 1932 nach Portugal absetzen. Ledesma Ramos und der Großteil der Aktivisten wurden zunächst inhaftiert, und am Jahresende zählten die JONS vielleicht 200 auf freiem Fuß befindliche Mitglieder.

 

 

 

Lesen Sie auch:

 

*       Falange Espanola – Nationalsyndikalismus in Spanien - Teil 2: José Antonio und die Gründung der Falange 1933-1934

*       Falange Espanola – Nationalsyndikalismus in Spanien - Teil 1: Faschismus der Intellektuellen (1922-1932)

*       Falange Espanola – Nationalsyndikalismus in Spanien - Prolog: Die Entstehung des spanischen Nationalismus

 

mardi, 03 novembre 2009

Triste mondialisation...

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Triste mondialisation...

Ex: http://unitepopulaire.org/

« En vingt ans, les pays de l'Est se sont mondialisés à la vitesse grand V. A peine le mur de Berlin était-il tombé que les enseignes du "monde libre" déboulaient en force pour y planter leur logo. […] Les mêmes chaînes de vêtements low-cost, les mêmes fast-foods, les mêmes centres commerciaux, reproduits à l'identique et à l'infini aux quatre coins de la planète. Les sorties dans les shopping centers sont d'ailleurs devenues un but d'excursion en soi. […]

Grâce à Ikea, les intérieurs du monde ont d'ailleurs de plus en plus tendance à tous se ressembler. Ne dit-on pas que, déjà, un Européen sur dix aurait été conçu sur un lit Ikea ? Pour ensuite vivre sa vie dans des salons et des chambres à coucher copies conformes des pages du catalogue.

Question gastronomie, voyager loin ne permet plus forcément de manger différemment et de découvrir des plats typiques. Tant il devient difficile d'échapper à la dictature des hamburgers et à leurs corollaires : les pizzas, les crêpes et les sandwiches, assortis de quelques nouilles sautées. Ces fleurons de la world food nous poursuivent jusqu'au bout du monde, sur les plages de Tunisie ou de Thaïlande, comme au pied des pyramides d'Egypte ou de la Grande Muraille de Chine.

Est-ce pour éviter tout dépaysement ? L'aéroport de Genève vient en tout cas d'inaugurer "un nouveau concept de restauration" (sic) qui, sous l'appellation Les Jardins de Genève, réunit la quintessence de la bouffe mondialisée – Burger King, Starbucks Coffee, Upper Crust... Mais à l'heure où même le Musée du Louvre à Paris va prochainement accueillir un McDonald's, il n'y a plus qu'à s'incliner. Et à se diriger dare-dare vers le premier M jaune venu, pour y commander tranquillement son McRösti. »

 

Catherine Morand, Le Matin Dimanche, 18 octobre 2009

La resistencia corporativa en Francia: socialismo, tradicionalismo y "comunidades naturales"

La resistencia corporativa en Francia: socialismo, tradicionalismo y “comunidades naturales”

 

por Sergio Fernández Riquelme / http://www.arbil.org/

Una introducción histórica explicativa

Socialismo y tradicionalismo, supuestos enemigos doctrinales (histórica e ideológicamente) presentan rasgos comunes, e incluso caminos paralelos, en la Historia de las ideas políticas y sociales, en especial sobre el tema del corporativismo. Como bien demostró en el caso español Gonzalo Fernández de la Mora, mostrando las raíces organicistas comunes en tradicionalistas y socialistas, e incluso de liberales (al calor de la introducción del krausismo en España), “lo corporativo” sigue siendo es una realidad presente en el funcionamiento extraparlamentario (sindicatos y lobbys, colegios profesionales y grupos de presión, intereses económicos y poderes locales) de las democracias parlamentarias en Europa y en América a inicios del siglo XX. Y esta realidad, en su trayecto histórico, puede ser ejemplificada en el caso francés, paradigma del centralismo estatista y laicista, pero sede también de importantes debates y teorías de naturaleza corporativa.

 

Así, y como otras modalidades de la Política social difundidas desde 1848 [1] , el corporativismo fue respuesta directa a la Cuestión social, presentada por historiadores sociales, sociólogos y juristas como consecuencia del impacto de la Revolución industrial, y como un mal que afectaba a la relación armónica entre clases. Pero lo corporativo no solo asumió la forma de una política social jurídica (política del trabajo) o asistencial; su especificidad radicaba en su propuesta grupal de regulación del conflicto surgido en las relaciones entre la propiedad y el trabajo. Los cuerpos sociales intermedios desempeñaban para Patrick de Laubier, un papel mediador clave para alcanzar la finalidad de la Política social, la  “justice sociale” [2] . El poder político se convertía por ello en “l´intemédiaire de grupes organisés”, y el corporativismo aparecía como mediación entre el Estado y el Sindicalismo, los dos actores principales de la Política social.

 

En este contexto, el notable desarrollo conceptual y doctrinal del corporativismo francés, desde su génesis en el siglo XIX, de tanta influencia en España [3] , no fue siempre paralelo al de su institucionalización jurídico-política. Bajo la herencia de la Ley Le Chapelier (1791), que marcó el camino en Europa a la destrucción legal de las “comunidades naturales” (en esencia las funciones sociales de municipios, gremios y familias), durante el siglo XIX tanto el liberalismo jacobino como el doctrinario hicieron caso omiso a las propuestas “socialistas” de Luis Blanc y Hénri de Saint Simon, y  al legado “tradicionalista” de Luis de Bonald [1754-1840] y de Joseph de Maestre [1753-1821].

 

Incluso, las propuestas de reforma corporativa del modelo constitucional de la III República francesa, preconizadas por Émile Durkheim, Leon Duguit, M. Hariou, además de las tesis organicistas del liberal Bertrand de Jouvenel, no alcanzaron el sueño de una Cámara corporativa o gremial/profesional. Ni corporativismo ni solidarismo; sólo las presiones sindicales (con la CGT a la cabeza) y la influencia del Reichwirtschaftsrat de la Constitución de Weimar (1919), permitieron crear en Francia el Consejo Nacional de economía por el Decreto de 19 de enero de 1925, acuerdo corporativo reeditado en L´Accord de Matignon de junio de 1936 bajo la presidencia del frentepopulista León Blum [1872-1950] entre “les puissances économiques”: la CGPF empresarial y la CGT sindical [4] .

 

Pero en este proceso de infructuosa institucionalización destacaron las elaboraciones de la sociología católica. A. de Mun, L. Harmel, F. Le Play o R. la Tour asumían ciertas tesis de los legitimistas de Bainville y los tradicionalistas de Bonald, especialmente la idealización de la pretérita sociedad de estamentos y gremios, de jerarquía patriarcal y núcleos familiares, de autonomías y solidaridades comunales. Frédéric Le Play [1886-1882] planteó una concepción “subsidiaria” del reformismo obrero y social, que situaba a  la familia como “prototype de l´Etat” [5] . Esta propuesta fue sintetizada en la doctrina que denominaba como “patronalismo”, desarrollada en La réforme sociale en France (1864) y L´Organisation du travail (1870). Partiendo de la subordinación de lo político a lo ético, y de la interacción entre ciencia positiva y religión, Aunós leía en  Le Play como “las intervenciones del Estado deben ser muy espaciadas, concretas y llenas de circunscripción, mostrándose igualmente pesimista en lo que se refiere al papel que han de desempeñar las asociaciones de clase”, y complementadas por el trabajo doméstico, la función social de la familia y la conciliación sociolaboral [6] .

 

Igualmente, en el seno de la “L´Association Catholique” [1876-1890], junto al Manuel d´une corporation chrétienne (1890) de L.P. Harmel, destacó la obra del diputado católico Albert de Mun [1841-1914], dedicado no sólo a desarrollar los círculos católicos obreros en Francia, llegando hasta casi 30.000 miembros, o defender en el Parlamento de la III República los derechos de los fieles al magisterio vaticano; además generó una relevante teoría en sus discursos recogidos en La question ouvriére (1885) y L´Organisation professionelle (1901) [7] .

 

Pero de todos los autores antes citados, destacó sobremanera el marqués René La Tour du Pin [1834-1942], de quién Aunós resaltaba su aportación de “los verdaderos cauces de las reformas sociales y de la organización corporativa” [8] . La Tour du Pin encabezó el modelo de Monarquía social católica desde la Francia finisecular. Frente al capitalismo burgués y el socialismo bolchevique, La Tour defendía la necesidad de un “Orden social católico” basado en la corporación profesional (de raigambre medieval): un orden que regulase corporativamente el mundo del trabajo (“organización corporativa de los talleres”), la economía y la política. “La constitución nacional” (o “leyes fundamentales del Reino”) era enemiga de las formas republicanas y monárquicas que sostenían el principio de la soberanía nacional. Las luchas sociales entre propietarios y obreros, la anarquía pública y el individualismo moral (visibles en 1848 y 1873) requerían con urgencia un nuevo modelo político social corporativo, de naturaleza cristiana y de modelo medieval-gremial.

 

La doctrina sobre un “orden social cristiano” de La Tour se fundaba en el magisterio pontificio (religión católica), la mitología medieval (monarquía tradicional) y la fenomenología social (corporativismo de Durkheim). Bajo esta tras tradiciones, su orden resultaba así católico (“propiedad de Dios” bajo administración humana), monárquico (“un rey en la cúspide” que “cumple el más alto de los trabajos de la nación” y por ese “trabajo se hace verdaderamente rey”) traducido al lenguaje político-social),  y orgánico (“por el cual los elementos que la componen se si ente unidos y solidarios, formando parte de un conjunto orgánico”). Un orden que se encontraba en condiciones, para La Tour, de adaptarse a las mutaciones contemporáneas mediante un “régimen corporativo” que “no debe implicar el retorno a las corporaciones medievales, sino la formación de otras más adecuadas al tiempo presente, a base de patrimonio corporativo, de la intervención en su constitución y gobierno de todos los elementos productores y el ascenso dentro de los oficios por obra de la capacidad profesional” [9] .

 

Ahora bien, pese a décadas de notable fecundidad doctrinal, la escuela corporativa católica francesa se sometió, en gran parte, a las exigencias de realliment de la democracia cristiana con la III República francesa. Pese a ello, el fracaso del sistema político representativo de la III República, pese a la unidad nacional alcanzada por la movilización durante la I Guerra mundial, dio alas a nuevas fórmulas corporativas asentadas en regímenes fuertes y autoritarios, no directamente vinculadas al magisterio católico.

 

En este proceso jugaron un papel determinante los doctrinarios participantes en el diario L`Action française (1905-1945), continuador de la Revue d'Action française fundada por Jacques Bainville [1879-1936]; intelectuales que definieron un moderno nacionalismo contrarrevolucionario, el cual fue modelo de renovación de los discursos, medios de difusión y aparatos organizativos de la creciente derecha antiliberal española [10] . En este movimiento jugó un papel decisivo su principal fundador e ideólogo, Charles Maurras [1868 1952], que convenció a cierto sector del nacionalismo galo de la necesidad de las tesis monárquicas y católicas. Influido por el nacionalismo de Maurice Barrès, Maurras retomó en esta revista el movimiento fundado en 1898< por el profesor de Filosofía Henri Vaugeois y el escritor Maurice Pujo. Trois idées politiques (1898) [11] fue el testimonio de su primera evolución ideológica [12] .

 

De la mano de Maurras se generaba un nuevo tradicionalismo francés que integraba el bagaje intelectual del nacionalismo laico y positivista. Tras situarse radicalmente en contra del régimen parlamentario de la III República, Maurras encabezó la modernización de la doctrina tradicionalista combinando el positivismo sociológico y el legitimismo orleanista de Bainville [13] . En su obra Enquête sur la monarchie (1900-1909) fue delimitando doctrinalmente este nacionalismo integral y monárquico, que atrajo a numerosos republicanos y sindicalistas vinculados al ideal corporativo o a posiciones antiparlamentarias; su síntesis entre Nación y Tradición rompía la histórica posición antinacional del legitimismo, atrayendo a numerosos sectores de las clases medias deudoras espirituales de un catolicismo convertido en factor de legitimación cultural y de cohesión social, aunque nunca en dogma a seguir (visible en el público agnosticismo de Maurras) [14] . Maurras sintetizaba así las dispersas corrientes doctrinales de la derecha francesa, desde De Maistre hasta Bonald, pasando por Taine, Renan, Fustel de Coulanges, e incluso Proudhon- que había brotado a lo largo del siglo XIX como reacción al significado social y político de la Revolución de 1789 (tesis contenida en Romantisme et Révolution, 1922) [15] .

 

Con todo ello, desde una visión positivista propia, que designó con el nombre de “empirismo organizador”, Maurras proclamó un nuevo orden en la sociedad, regido por una serie las leyes descubiertas por la historia y la sociología [16] . Siguiendo a Comte, Maurras asimilaba la sociedad a la naturaleza como “realidad objetiva”, independiente de la voluntad humana [17] . La sociedad suponía un “agregado natural” determinado por las leyes de jerarquía, selección, continuidad y herencia; así criticaba el romanticismo estético y literario de J.J. Rousseau, y vinculaba este método con la tradición católica y clasicista francesa (L'Action française et la religion catholique, 1914). Por ello cuestionaba tanto la Revolución de 1789, auténtica insurrección contra la genuina tradición francesa, representada por el orden monárquico, católico y clásico, inicio de la decadencia nacional que Francia padecía a lo largo del siglo XIX, y que llegaría a su cenit con la derrota ante Prusia en 1870; como la III República, culminación de estas “ideas destructivas” destructivas, especialmente una “democracia inorgánica” que sacralizaba el régimen electivo, la centralización administrativa, el monopolio burocrático, y con ello, la desintegración de la sociedad y el debilitamiento de la nación.

 

Este nuevo orden propugnado por Maurras se materializaba, a través de una “encuesta histórica”, en la doctrina del nacionalismo integral y el ideal de la Monarquía como régimen de gobierno ideal y funcional [18] . La defensa de la nación francesa exigía la instauración de la monarquía tradicional y representativa, portadora de los valores característicos del catolicismo y del clasicismo [19] . Éste era el contenido de su “politique d'abord”, donde la monarquía hacía coincidir el interés personal del gobernante y el interés público, la herencia del poder político y la duración de la nación. Frente a la democracia republicana “desorganizada, discontinua y dividida, “el interés nacional” exigía la inmediata supresión del parlamentarismo y de los partidos políticos. Frente a ellos, la nueva Monarquía “representativa” reuniría el principio político monocrático en el monarca (que reunía en su persona la totalidad del poder) y el principio democrático en un conjunto de cámaras de carácter corporativo [20] . El Estado recuperaría, así, sus funciones tradicionales, respetando la libertad económica y social en mano de los individuos y las corporaciones. Este régimen garantizaría tanto la descentralización territorial (reconstruyendo las regiones), como la profesional restaurando los gremios, moral y religiosa (recuperando la influencia de la iglesia católica en la sociedad civil) [21] .

 

Así llegó el momento de L'Action française [22] , empresa intelectual a la que se sumaron el economista Georges Valois [1878-1945], el polemista Leon Daudet, el historiador Jacques Bainville, el crítico Jules Lemaître, y unas juventudes proselitistas llamadas “ Camelots du Roi” [23] . Pero pronto se mostraron las veleidades políticas del grupo. En las elecciones de 1919 apoyaron a la Unión Nacional y lograron situar a Daudet en el Parlamento. Acusados de antisemitas y radicales, Pio XI condenó la obra de Maurras, situando sus libros en el Index Librorum Prohibitorum el 29 de diciembre de 1926 . Ahora bien, estas condenas no frenaron adhesiones como las de Georges Bernanos o Robert Brasillach, pero tampoco defecciones como la del mismo Valois, fundador del Faisceau, o de Louis Dimierm, nuevo dirigente de La Cagoule.

 

Estas polémicas surgieron, en gran medida, de la posición ambivalente con respecto al fascismo italiano. Maurras alabó en numerosas ocasiones al nacionalismo fascista llegándolo a definir como “un socialismo libre de la democracia y de la lucha de clase”; pero también condenó tanto el totalitarismo de Mussolini como el estatismo exacerbado del nacionalsocialismo. En esta polémica medió el antiguo sindicalista Valois [24] , que propugnaba un entendimiento con estos regímenes, y con la “escuela” Georges Sorel. Así nació el Círculo Proudhon (1911), movimiento cultural contrario a la democracia liberal y a favor de la descentralización regional. Pero las posiciones esencialmente revolucionarias de los sorealianos, irreductibles en el ideal de la lucha de clases, se mostraron finalmente inadmisibles para la tradición organicista y gremialista del nacionalismo integral de Maurras.

 

Georges Valois, pseudónimo de A.G. Greseent, vinculó tradicionalismo y fascismo en su obra L'économie nouvelle (1919). En ella planteaba un régimen sindical corporativizado, presidido por un gran Consejo económico y social nacional, articulado sobre la representación orgánica de oficios y regiones, y desarrollado a través de Consejos locales capaces de suministrar los representantes generales y de reflejar la voluntad de las pequeñas células de la vida social y económica [25] . Valois no hablaba del Parlamento del Trabajo socialista, sino de un esquema jerárquico divido en escalones de producción y en necesidades económica; por ello señalaba que “este esquema reposa no sobre una ideología, sino sobre principios deducidos de la observación de los hechos contemporáneos, y tiene en cuenta las necesidades de la producción y de las creaciones espontáneas de la vida económica” [26] . Esta preocupación por temas socioeconómicos le situó en la llamada “ala izquierda” de Accción francesa, ala que leia y debatía a G. Sorel y a P. Proudhon (Le Monarchie et la classe ouvriere, 1914, o La Revolution nacionale, 1922), y fue atraído finalmente por la experiencia del fascismo italiano (Le Fascisme, 1927) [27].

 

Años después, y a la sombra de Maurras, más de medio centenar de intelectuales buscaron en el “nacionalismo integral” el sistema político-social capaz de derrocar a la III República francesa. Esta generación tuvo su oportunidad en 1941, tras la división del país con la ocupación alemana. En febrero de 1941 Ch. Maurras  denominó como “divina sorpresa” la decisión del mariscal Philippe Pétain [1856-1951] de expulsar a Pierre Laval del Gobierno; por ello apoyó de manera plena la política del Gobierno de Vichy, en el que vio el símbolo de la unidad nacional, como continuación de la "Unión sagrada ” de 1914. El mismo mariscal llamó a Maurras y sus discípulos para dotar al nuevo Estado francés de un armazón doctrinal corporativo y antiparlamentrio, amén de contar con “La legión de Combatientes y Voluntarios” del coronel La Roque como movimiento político, y de la integración de los miembros del PSF (Partido Social francés) y del PPF de Jaques Doriot (Partido popular francés).

 

Así, en el París ocupado por las fuerza germanas, un sector declaradamente fascista se unió a las tesis de Drieu La Rochelle [1893-1945] sobre un Estado totalitario de extensión continental; mientras, en Vichy la “revolución nacional” desarrollada por Maurras tomó los valores conservadores de “trabajo, familia y patria”, alcanzando gran influencia los neotradicionalistas de Raphaël Alibert , convertido en ministro de Justicia, buscando establecer un régimen corporativo y agrarista. Los maurrasistas defendieron la retórica monárquica, los principios católicos, y la imagen idílica de la antigua sociedad gremialista y rural, gracias en gran medida a la labor de Philippe Henriot y Xaviert Vallat desde la Secretaria de propaganda. Pese a su rotundo “antigermanismo”, al final de la II Guerra mundial Ch. Maurras fue condenado a cadena perpetua y su revista fulminantemente prohibida. El nuevo régimen presidencialista y estatista marcado por el general Ch. De Gaulle [1890-1970], dejó al corporativismo limitado a la burocratización del poderoso sindicalismo obrero y funcionarial, y a las propuestas “populistas” de Pierre Poujade [1920-2003]. Poujade fue el responsable de la fundación en 1954 de la Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), movimiento en defensa de los intereses de las clases profesionales y grupos artesanales de las provincias francesas, frente al sistema fiscal estatal y el monopolio burocrático propio de la IV República [28] . El poujadismo se convirtió durante varias décadas en el portavoz de los “trabajadores independientes", de los "artesanos y comerciantes" de la Francia “de abajo” contra las “200 familias privilegiadas” [29] .

 

·- ·-· -······-·
Sergio Fernández Riquelme

 

Notas

 

[1] Véase Jerónimo Molina, La política social en la historia. Murcia, Ediciones Isabor, 2004, págs. 160-189.

[2] La aparición de la Política social respondía a una combinación de factores económicos políticos y psicológicos propios del siglo XIX, resultantes de la industrialización, el progreso de la democracia en el seno de los Estados centralizados y la creciente conciencia sobre los derechos políticos y sociales. Así definía a la Política social como “el conjunto de medidas para elevar el nivel de vida de una nación, o cambiar  las condiciones de vida material y cultural de la mayoría conforme a una conciencia progresiva de derechos sociales, teniendo en cuenta las posibilidades económicas y políticas de un país en un momento dado”. Esta definición cubría, para De Laubier, “un dominio que se sitúa entre lo económico y lo político como medio de conservación o reforzamiento del poder el Estado”. Patrick de Laubier, La Polítique sociale dans les societés industrielles. 1800 à nos tours . París, Economica, 1984, págs. 8-9.

[3] Las concepciones reformistas o autoritarias del corporativismo alumbradas al otro lado de los Pirineos, ejercieron una enorme influencia en nuestro país, bien por la cercanía geográfica, bien por el ascendiente de superioridad intelectual que gran parte de los académicos hispanos les otorgó. Del corporativismo católico, la modernización funcional del pasado romántico de La Tour du Pin fue el referente básico del Estado corporativo de Aunós y del Estado nuevo de Pradera, mientras Albert de Mun marcó en buena medida a Severino Aznar. De Durkheim tomaron nota algunos intelectuales, más cercanos al naciente debate sobre la ciencia sociológica que a las siempre lejanas tesis sobre el positivismo y el funcionalismo: el krausoinstitucionista Azcárate criticaba el “sociologismo” de Durkheim por abordar la materia religiosa desde el positivismo sociológico. Véase Gumersindo de Azcárate, La religión y las religiones, Conferencia en la Sociedad El Sitio. Bilbao, 16 de mayo de 1909, págs. 259-260), Adolfo G. Posada fue lector suyo de la  mano de Duguit y Le Bon,  mientras Severino Aznar hacía referencia al prefacio de la segunda edición de la División apuntado que “toda escuela sociológica y positivista científica que tiene admiradores en todo el mundo culto ha llegado a las mismas conclusiones que desde hace medio siglo están difundiendo los reformadores sociales católicos. Durkheim, que no tiene ninguna religión positivista, y que es hoy el mayor prestigio sociológico de Francia, llegó a las mismas conclusiones que Hitze, sacerdote, uno de los más ilustres campeones del régimen corporativo de Alemania” Cfr. Severino Aznar Estudios económicos y sociales. Madrid, Instituto de Estudios Políticos, 1946, pág. 214. Las primeras ediciones de las obras de Durkheim en España reflejan, por sus fechas, cierta tardanza en su publicación, y por sus traductores, cierta pluralidad de corrientes: el abogado Antonio Ferrer y Robert, el jurista Mariano Ruiz Funes, el sociólogo Carlos G. Posada, el politólogo Francisco Cañada y el líder sindical Ángel Pestaña. Posteriormente fue objeto de atención por la filosofía social de la Escuela de Madrid, y en especial por José Ortega y Gasset y su modelo burgués y meritocrático, profesional y laico de “orden moral” para la sociedad de su época. Mientras, del corporativismo sindical implantado por la CGT, tomaron nota socialistas como Fabra, De los Ríos y Besteiro; del “nacionalismo integral” de Charles Maurras y el “legitimismo” de Bainville quienes ayudarían decisivamente al punto de inflexión de la tradición corporativa española desde las páginas de Acción española o en el organicismo de la Lliga catalanista de F. Cambó y Ventosa.

 

[4] Al respecto véase Daniel Ligou, Histoire du socialisme en France, 1871-1971. París, Presses Universitaires de France, 1962, págs. 416-417.

[5] F. Ponteil, Les classes bourgeoises et l´avenement de la democratie, 1815-1914. París, Albin Michel, 1968, págs. 438 sq.

[6] Ídem , pág. 482.

[7] G. Fernández de la Mora , Los teóricos izquierdistas de la democracia orgánica. Barcelona, Plaza y Janés, 1986. pág. 175.

[8] Aunós  lo llegaba a considerar como el verdadero “anti-Marx” en el prologará en la edición española René la Tour du Pin, Hacia un orden social cristiano. Madrid, Cultura español, 1936, pág. 34-35.

[9] Ídem, pág. 484.

[10] Su idea de “Monarquía neotradicional” afectó sobremanera a los alfonsinos de Renovación española, a los tradicionalistas de Pradera y a distintos intelectuales nacionalistas españoles (de Eugenio d´Ors a Ernesto Giménez Caballero). Con la lectura de Maurras, el neotradicionalismo hispano rescataba a Donoso y Balmes (entrelazados con Bonald  y De Maistre), modernizaba la difusión de su doctrina y sus medios de movilización. Pese al agnosticismo declarado del doctrinario provenzal y la condena vaticana a través de la Encíclica Nous avons lu, varios elementos le hacían imprescindible: la restauración monárquica, el antidemocratismo corporativista, el nacionalismo tradicionalista, y la posibilidad de una “solución de fuerza”contrarrevolucionaria.

[11] Recogido en Charles Maurras , “Trois idees politiques”, en Romantisme et Revoiution. París, Nouvelle Librairie Nationale, 1922, págs. 262 sq.

 

[12] Herni Massi , La vida intelectual en Francia en tiempo de Maurras . Madrid, Rialp, 1956, págs. 21 sq.

[13] A quién prologó su obra Jacques Bainville , Lectures. París, Arthème Fayard, 1937.

[14] Sobre los orígenes de este movimiento destacan las obras de Raoul Girardet , Le Nationalisme français, 1871-1914, Seuil, Paris, 1983 ; y François Huguenin, À l'école de l'Action française, Lattès, Paris, 1998 

 

[15] Sobre su influencia en España véase P.C. González Cuevas , “Charles Maurras  y España”, en Hispania, vol. 54, nº 188. Madrid, CSIC, 1994, págs. 993-1040; y “Charles Maurras en Cataluña”, Boletín de la real Academia de la Historia, tomo 195, Cuaderno 2. Madrid, 1998, págs. 309-362

[16] Charles Maurras , Romantisme et Revolution, Nouvelle Librairie Nationale, París, 1922, pág. 11.

 

[17] Ch. Maurras , La politique religieuse”,  en La democratie religieuse. París, Nouvelles Editons Latines, 1978, pág. 289.

 

[18] Pierre Hericourt, Charles Maurras , escritor político. Madrid, Ateneo, 1953, págs. 13 sq.

[19] Dimensión de su pensamiento analizada por Alberto Caturelli, La política de Maurras y la filosofía cristiana. Madrid, Ed.Nuevo Orden, 1975.

[20] Ch. Maurras, Encuesta sobre la Monarquía. Madrid , Sociedad General Española de Librería, 1935, págs. 65 y 705-706.

[21] Ch. Maurras, Mes idees poiitiques. París, Fayard, 1937, págs. 257 sq

 

[22] Movimiento estudiado por Eugene Weber , L'Action Frangaise. París, Fayard, 1985.

[23] Junto al diario L'Action Française, otros órganos de difusión de las ideas maurrasianas fueron el Círculo Fustel de Coulanges o la Cátedra Syllabus.

[24] Sobre su obra doctrinal podemos citar el estudio de Yves Guchet, Georges Valois .L’action Française - Le Faisceau - La république Syndicale. París, Albatros, 1975.

[25] Georges Valois , L'économie nouvelle. París, Nouvelle Librairie Nationale, 1919, págs. 24 sq.

[26] Publicado en España como G. Valois , “La representación de intereses”, en Acción española, nº 51, Madrid, 1934, págs. 80 y 81.

[27] Eugene Weber , “Francia”, en H. Rogger y E. Weber,  op.cit., págs. 63-108 .

[28] Poujade protagonizó desde 1953 una revuelta contra el Estado francés, encabezando un notable grupo de pequeños comerciantes que protestaba contra la que consideraban como una elevada presión tributaria, tanto normativa como administrativa. Nacía el llamado “poujadismo”, que tras fundar el grupo político ”Unión de Defensa de los Comerciantes y Artesanos (UDCA)”, entró en la misma Asamblea Nacional de 1956 con 52 escaños, entre ellos el de un joven J. M. Le Pen. Aunque la llegada del general De Gaulle, a la presidencia de la  República en 1958, comenzó a frenar la expansión de este experimento político, que años más tarde el Frente Nacional quiso capitalizar como antecedente.

[29] Un testimonio directo lo encontramos en Pierre Poujade,  J'ai choisi le combat Saint-Céré, Société générale des éditions et des publications, 1955.

dimanche, 01 novembre 2009

R. Steuckers: Propositions pour un renouveau politique (1997)

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Propositions pour un renouveau politique

Intervention de Robert Steuckers au Colloque

de “Synergon-Deutschland”, Sababurg, 22-23 novembre 1997

 

L'effondrement du communisme depuis la perestroïka lancée par Gorbatchev en 1985, l'insatisfaction générale et planétaire que provoque la domination sans partage du libéralisme sur le globe tout entier, donne raison à tous ceux qui ont cherché d'autres solutions, des tierces voies ou une forme organique d'humanisme. La majorité de nos concitoyens, dans tous les pays d'Europe, sont désorientés au­jour­d'hui. Nous allons tenter de leur donner des repères.

 

Dans son ouvrage Zurück zur Politik. Die archemedische Wende gegen den Zerfall der Demokratie  (1),  Hermann Scheer constate (et nous partageons son constat):

- Il existe un fondamentalisme occidental, mixte de rationalisme outrancier, de moralisme universaliste, de relativisme délétère, d'économicisme plat et d'hostilité générale et pathologique à l'égard des legs de l'histoire;

- Ce fondamentalisme occidental ne se remet pas en question, ne s'ouvre à aucune nouveauté, ne révise pas ses certitudes, ne tient nullement compte de facteurs culturels non occidentaux, ce qui nous permet de le désigner comme un fondamentalisme équivalent aux autres, exhibant une dose équivalente ou su­périeure de fanatisme;

- Ce fondamentalisme occidental est marqué d'hybris,  de folie des grandeurs;

- Ce fondamentalisme occidental est subjectiviste, écrit Scheer; nous dirions qu'il est “individualiste” ou “hy­per-individualiste”. Il réduit l'homme à sa pure individualité; le fondamentalisme occidental est dès lors un fondamentalisme qui exclut de son champ de prospection toutes les formes d'interrelations humaines. Le “sujet”, c'est-à-dire l'“individu”, n'a plus de devoirs à l'égard de la communauté au sein de laquelle il vit, car la notion même de “devoir” implique des relations réciproques, basées sur une éthique (Sittlichkeit) com­munément partagée.

 

Sans notion de “devoir”, le subjectivisme conduit au déclin moral, comme le constatent également les communautariens américains (2). De surcroît, les sociétés marquées par l'hyper-subjectivisme occiden­tal, par le fondamentalisme individualiste, souffrent également d'une “monomanie économique”. Effecti­ve­ment, le fondamentalisme occidental est obsédé par l'économie. Le double effet du subjecti­visme et de la “monomanie économique” conduit à la mort de l'Etat et à la dissolution du politique. Telles sont les con­clusions que tire Scheer. Elles sont étonnantes pour un homme qui s'inscrit dans le sillage des écolo­gistes allemands et qui a le label de “gauche”. Cependant, il faut préciser que Scheer est un écologiste pragmatique, bien formé sur le plan scientifique; depuis 1988, il est le président de l'“European Solar Energy As­so­ciation” (en abrégé: “Euro-Solar”).

 

Il a exprimé ses thèses dans deux ouvrages, avant de les reprendre dans Zurück zur Politik... (op. cit.):

- Parteien contra Bürger  (1979; = “Les partis contre les citoyens”);

- Sonnen-Strategie  (1993; = “Stratégie solaire”; cet ouvrage traite d'énergie solaire, clef pour acquérir une indépendance énergétique; à ce propos cf. Hans Rustemeyer, «Energie solaire et souveraineté», NdSE n°29, pp. 23-24).

 

sababurg_300x242.jpgLes autres constatations de Scheer sont également fort pertinentes et rejoignent nos préoccupations:

1. Dans la plupart des pays occidentaux, toute idéologie dominante ou acceptée, qu'elle soit au pouvoir ou provisoirement dans l'opposition, est influencée ou marquée par ce fondamentalisme occidental, par ce subjectivisme qui refuse de prendre acte des notions de “devoir” ou d'éthique communautaire, par cette monomanie économique qui dévalorise, marginalise et méprise toutes les autres activités humaines (les secteurs “non-marchands”, refoulés dans les sociétés occidentales).

 

2. La pratique des partis dominants ne sort pas de cette impasse. Au contraire, elle bétonne et pérennise les effets pervers de cette idéologie fondamentaliste.

 

3. Les intérêts vitaux des citoyens exigent pourtant que l'on dépasse et abandonne ces platitudes idéo­logiques. Dès 1979, Scheer constatait:

- que l'aversion des citoyens de base à l'encontre des partis ne cessait de reprendre vigueur;

- que les citoyens n'étaient plus liés à un seul parti dominant mais tentaient de se lier à diverses ins­tan­ces, soit à des instances de factures idéologiques différentes; le citoyen se dégage ainsi de l'étroi­tes­se des enfermements partisans et cherche à diversifier ses engagements sociaux; le citoyen n'abandonne pas nécessairement les valeurs de sa famille politique d'origine, mais reconnait implicitement que les fa­milles politiques d'“en face” cultivent, elles aussi, des valeurs valables et intéressantes, dans la me­su­re où elles peuvent contribuer à résoudre une partie de ses problèmes. Le citoyen, en bout de course, dé­ve­lop­pe une vision de la politique plus large que le député élu ou le militant aliéné dans la secte que de­vient son parti.

- que les mutations de valeur à l'œuvre dans nos sociétés postmodernes impliquent un relâchement des liens entre les citoyens et leurs familles politiques habituelles;

- que les partis n'étaient plus à même de réceptionner correctement, de travailler habilement et de neutra­liser efficacement les mécontentements qui se manifestaient ou pointaient à l'horizon (un chiffre: en France, aujourd'hui, plus de 25% des jeunes de moins de 25 ans sont sans travail et aucune solution à ce drame n'est en vue, dans aucun parti politique);

- qu'il est nécessaire que de “nouveaux mouvements sociaux” émergent, comme, par exemple: le mou­vement populaire anti-mafia en Sicile, les mouvements populaires hostiles à la corruption politique dans toute l'Italie (dont la “Lega Nord”), les mouvements liés à la “marche blanche” en Belgique (qui n'ont mené à rien à cause de la naïveté de la population).

Scheer écrit (p. 97): «Les partis font montre d'une attitude crispée. Ils ne savent pas s'ils doivent consi­dérer les idées nouvelles comme des menaces ou comme un enrichissement, s'ils doivent les bloquer, les intégrer ou coopérer avec elles». D'où l'indécision permanente qui conduit à la dissolution du politique et à l'évidement de l'Etat. Scheer constate, exactement comme le constatait Roberto Michels au début du siècle: «Il existe une loi d'airain de l'oligarchisation». Cette loi d'airain transforme l'Etat en instrument de castes fermées, jalouses de leurs intérêts privés et peu soucieuses du Bien commun. Quand ce pro­ces­sus atteint un certain degré, l'Etat cesse d'être le porteur du politique, le garant des libertés citoyennes et de la justice.

 

Plus loin, Scheer écrit (p. 111): «La démocratie partitocratique se trouve en plein processus d'érosion, car, comme jamais auparavant, elle connait une situation qu'Antonio Gramsci (...) aurait considéré comme la “plus aiguë et la plus dangereuse des crises”: “A un moment précis de l'évolution historique, les classes se détachent de leurs partis politiques traditionnels”. Il se constitue alors “une situation de di­vorce entre les représentés et les représentants”, qui doit immanquablement se refléter dans les struc­tures de l'Etat». C'est précisément ce qui ne se passe pas: la masse croissante des exclus et des préca­risés (même si leur statut est élevé, comme dans la médecine et dans l'enseignement) ne se reconnais­sent plus dans leurs représentants et se défient des programmes politiques qu'ils avaient eu l'habitude de suivre.

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Dans tous les pays, une situation analogue s'observe:

- en Allemagne, la contestation s'exprime dans les partis d'inspiration nationaliste, chez les Verts, dans les initiatives de citoyens (toutes tendances et inspirations confondues), chez les partisans du référen­dum (comme en Bavière);

- en Belgique, elle s'exprime dans les partis (VB, VU) inspirés par le nationalisme flamand (qui a toujours rassemblé en son sein les contestataires les plus radicaux de la machine étatique belge), en marge des partis li­béraux qui prétendent défendre et refléter la révolte des indépendants et des classes moyennes spoliés (dans les années 60: le PLP/PVV; dans les années 90, le VLD de Guy Verhofstadt); ce dernier a prétendu canaliser “la révolte des citoyens contre la pillarisation de la société par les partis”; en Wallonie, cette ré­volte s'est d'abord exprimée chez les “écolos”, mouvement en lisière duquel des intellectuels comme Lambert et le Prof. Van Parijs ont développé une critique radicale et fondamentale du néo-libéra­lisme. Les travaux de Van Parijs ont acquis une notoriété internationale. Ensuite, la contestation, à partir de 1989, s'est exprimée dans le FN, scindé en deux clans depuis l'automne 1991; avec les scandales successifs (assassinat de Cools, disparition d'enfants, affaire Dutroux, scandales Agusta et Dassault), le mécontentement a débouché sur les manifestations d'octobre 1996, dont le point culminant fut la fameuse “marche blanche”, rassemblant 350.000 citoyens.

- en France, la contestation et le ras-le-bol s'expriment dans le vote FN; et, dans une moindre mesure, chez les Verts. La mouvance écologique n'est malheureusement plus dominée par une figure équilibrée comme Antoine Waechter, mais par l'aile pro-socialiste de Mme Voynet, qui s'est empressée de glâner quelques portefeuilles dans le gouvernement Jospin, condamné à l'échec face à l'ampleur de la crise en France.

- en Italie, où les formes de contestation de la partitocratie sont de loin les plus intéressantes en Europe, et les mieux étayées sur le plan théorique, la Lega Nord a cristallisé le mécontentement (nous y revien­drons lors d'un prochain séminaire).

 

Conclusion:

- Un mouvement comme le nôtre doit être attentif en permanence, afin de capter, de comprendre et de tra­vailler les effervescences à l'œuvre dans la société. De percevoir et d'éliminer anticipativement les dysfonctionnements dès qu'ils se développent.

- Le fondamentalisme occidental repose sur une conception erronée de l'homme qui est:

a. non organique et donc non adaptée à l'être vivant qu'est l'homme;

b. hyper-individualiste (dans le sens où personne n'a plus de devoir à l'égard de l'autre, y compris à l'é­gard des membres de sa propre famille); le fondamentalisme occidental ruine la notion de “lignée”, donc de continuité anthropologique. Sur le plan pratique et quotidien, cela implique notamment la disparition de tou­te soli­darité inter-générationnelle, tant à l'égard des ascendants que des descendants.

- Le fondamentalisme occidental débouche sur une pratique de la politique:

a. où les permanents des partis (les “bonzes”) sont irrémédiablement isolés de la vie réelle et inventent mesures, lois et règlements en vase clos, non pas dans la perspective de renforcer le Bien commun mais de conserver à leur profit personnel sinécures, avantages et passe-droits;

b. où le pur et simple fonctionnement des appareils des partis devient but en soi;

c. où ces appareils devenus buts en soi mènent tout droit au “malgoverno” qu'ont dénoncé les adhérents de la Ligue lombarde et le Professeur Gianfranco Miglio (cf. Vouloir  n°109/113, 1993);

d. où les permanents des partis et les fonctionnaires d'Etat nommés par les partis se hissent sans ver­gogne au-dessus de la misère quotidienne des simples gens du peuple et, souvent aussi, au-dessus des lois (c'est le cas en Italie et en Belgique, où partis et magistrature sont manifestement liés à la pègre).

 

La notion de “malgoverno” désigne l'ensemble de toutes les conséquences négatives de la partitocratie. Les observateurs et les politologues italiens ont tiré des conclusions pertinentes de ce dysfonctionne­ment général. Mais, en France, des professeurs isolés, ignorés des médias aux ordres de la politique pé­grifiée, ont également émis des constats intéressants; parmi eux, Jean-Baptiste de Foucauld et Denis Piveteau, dans Une société en quête de sens (3). Si Scheer était très dur et très critique, de Foucauld et Piveteau sont plus modérés. Ils sont en faveur de l'Etat social, de l'Etat-Providence. Celui-ci, à leurs yeux, est efficace, il peut mobiliser davantage de moyens que la solidarité spontanée et communautaire dont rêvent les réactionnaires et les idéalistes “fleur bleue”. Hélas, constatent de Foucauld et Piveteau, l'E­tat-Providence ne suffit plus:

- Il ne peut plus intégrer tous les travailleurs de la communauté nationale;

- Il ne fonctionne plus que pour ceux qui disposent déjà d'un emploi, notamment les fonctionnaires et les sa­la­riés des grandes boîtes multinationales. En pratique, l'Etat-Providence n'est plus capable de résou­dre le problème dramatique du chômage des jeunes;

- Les événements récents viennent de prouver que l'Etat-Providence peut affronter efficacement une si­tuation donnée, à la condition que cette situation soit celle d'une “haute conjoncture”. En revanche, quand cette haute conjoncture se modifie sous la pression des événements internationaux ou d'innova­tions  —bonnes ou mauvaises—  l'Etat-Providence s'avère incapable de résoudre des problèmes nou­veaux, sou­dains ou inattendus.

 

L'Etat-Providence est alors incapable de garantir la solidarité, parce qu'il ne remet pas en question des mécanismes de solidarité anciens mais devenus progressivement surannés. Les données et les faits nouveaux sont perçus comme des menaces, ce qui, dans tous les cas de figure, est une attitude erronée. A ce niveau, notre réflexion, dans ses dimensions “conservatrices-révolutionnaires”, c'est-à-dire des di­mensions qui tiennent toujours compte des si­tuations exceptionnelles, peuvent se montrer pertinentes: les pro­cessus à l'œuvre dans le monde sont multiples et complexes; ils ne nous autorisent pas à penser qu'il y aura ad vitam eternam  répétition des “bonnes conjonc­tures”.

 

L'Etat-Providence repose sur une logique de l'intégration. Tout citoyen, tout travailleur immigré qui a été dûment accepté, devrait, dans un tel Etat-Providence, dans l'appareil social qu'il met en œuvre et orga­nise, être pleinement intégré. Ce serait évidemment possible si les paramètres restaient toujours les mêmes ou si le progrès, immuablement, avançait selon une précision arithmétique ou exponentielle. Mais ce n'est jamais le cas... L'exception guette à tout moment, le pire survient à tout bout de champ. Ceux qui pensent et agissent en termes de paramètres immuables sont des utopistes et sont condamnés à l'échec politique. Ceux qui envisagent le pire font preuve de responsabilité.

 

Dans les médias, aujourd'hui, on ne cesse de parler d'intégration, mais la seule chose que l'on observe, c'est l'exclusion à grande échelle. Jadis, l'exclusion ne touchait que des gens sans revenus ou sans al­lo­cations de re­traite. Aujourd'hui, de 10 à 20% de la population totale est exclue (derniers chiffres: 16% des personnes habitant la Région de Bruxelles-Capitale). Les exclus se recroquevillent dans leur cocon, se replient sur eux-mêmes, ce qui engendre un dangereux nihilisme, le sentiment de “no future”. Les liens communau­taires disparaissent. Un isolement total menace l'exclu. Les intégrés sont immergés dans une cage de luxe, de réalité-ersatz, qui les tient éloignés du fonctionnement réel de la Cité.

 

J. B. de Foucauld et D. Piveteau analysent la situation et ne donnent pas de solutions toutes faites (per­sonne ne croit plus d'ailleurs aux solutions toutes faites). Pour eux, la société est déterminée par une dy­namique conflictuelle entre quatre pôles:

1. Le pôle de l'initiative: ceux qui prennent des initiatives n'acceptent que peu d'obstacles d'ordre con­ven­tionnel, notamment les obstacles installés par les administrations reposant sur une ergonomie obso­lète ou sur des analyses vieilles de plusieurs décennies (exemple: il a fallu trente mois d'attente à une firme de pointe en Wallonie pour obtenir de la part des fonctionnaires  —souvent socialistes, corrompus, incompétents et dépassés—  le droit de lancer son initiative génératrice de 2500 emplois, alors que la ré­gion compte des zones où le chômage atteint 39% de la population active!). Le principe d'initiative peut aussi être pensé sur un mode exclusivement individualiste et relativiser ou transgresser le principe de “coopération”.

2. Le pôle de coopération.

3. Le conflit (inhérent à toute société), vecteur de changements.

4. La contrainte, qui peut avoir la fonction d'un régulateur.

 

Piveteau et de Foucauld dressent une typologie des sociétés bipolarisées (où seuls deux pôles entrent en jeu) et une typologie des sociétés tripolaires (où trois pôles sont en jeu). Pour ces deux auteurs, il s'a­git de montrer que l'exclusion d'un ou de deux pôles conduit à de problématiques déséquilibres sociaux. Les valeurs qui se profilent derrière chaque pôle sont toutes nécessaires au bon fonctionnement de la Cité. Il est dangereux d'évacuer des éventails de valeurs et de ne pas avoir une vision holiste (ganz­heit­lich)  et synergique des sociétés qu'on est appelé à gouverner.

 

Les sociétés bipolaires:

 

- Dans une société régie par le libéralisme pur, de facture hayekienne, où règne, dit-on, une “loi de la jun­gle” (bien qu'il me paraisse difficile de réduire l'œuvre complexe de Hayek à ce seul laisser-faire exagéré), les pôles de l'initiative et du conflit sont mis en exergue au détriment de la coopération (individualisme oblige) et de la contrainte (principe de liberté).

 

- Dans une société autoritaire, d'inspiration conservatrice (Salazar) ou communiste (la Pologne de Ja­ru­zelski), les pôles de coopération et de contrainte sont privilégiés au détriment des pôles d'initiative et de conflit.

 

- Dans les sociétés où domine l'esprit civique, comme dans les nouvelles sociétés industrielles asia­ti­ques, les pôles d'initiative et de coopération sont valorisés, tandis que les pôles de conflit et de con­trainte sont mis entre parenthèses.

 

- Dans les sociétés purement conflictuelles et instables, les pôles du conflit et de la contrainte sont à l'avant-plan, ceux de l'initiative et de la coopération à l'arrière-plan ou carrément inexistants. Plus per­sonne ne lance d'initiative, car c'est sans espoir, et personne ne coopère avec personne, car il n'y a ni confiance ni consensus. Aucune initiative et aucune coopération ne sont possibles. Exemples: les zones industrielles du début du XIXième siècle, décrites par Zola dans Germinal, ont généré des sociétés con­flic­tuelles et contraignantes de ce type. Aujourd'hui, on les rencontre dans les bidonvilles brésiliens; les banlieues marginalisées des grandes villes françaises risquent à très court terme de se brasilianiser.

 

- Dans certaines sociétés sans esprit civique, l'initiative n'est possible qu'avec la contrainte. Piveteau et de Foucauld craignent que la France, leur pays, n'évolue vers ce modèle, car le dialogue social à la belge ou à l'allemande n'existe pas et que le syndicalisme y est resté embryonnaire.

 

- Au sein même des grandes sociétés industrielles, les grandes familles intactes, certaines organisations professionnelles, les minorités ethniques (y compris dans les banlieues à problèmes), développent un modèle principalement coopératif, dans un environnement fortement conflictuel, mais où l'initiative inno­vante est trop souvent absente et où la contrainte étatique est radicalement contestée. Avec, au pire, l'é­mergence de structures mafieuses.

 

Les sociétés tripolaires:

 

- Si seuls les pôles de la coopération, de l'initiative et de la contrainte entrent en jeu, le risque est d'é­vacuer tous les conflits, donc toutes les innovations, née de l'agonalité entre classes ou entre secteurs professionnels concurrents.

 

- Si le pôle de contrainte est évacué, le risque est d'assister à la contestation systématique et stérile de toute autorité féconde et/ou régulative.

 

- Si le pôle de coopération est exclu, la solidarité cesse d'exister.

 

- Si le pôle d'initiative est absent, l'immobilisme guette la société.

 

L'idéal pour de Foucauld et Piveteau est un chassé-croisé permanent et sans obstacle entre les quatre pôles. L'exclusion d'un seul ou de deux de ces pôles provoque des déséquilibres et des dysfonctionne­ments. Pour nos deux auteurs, les difficultés sont les suivantes:

1. Les partis politiques en compétition dans une société ne mettent que trop souvent l'accent sur un seul pôle ou sur deux pôles seulement. Ils n'ont pas une vision globale et synergique de la réalité sociale.

2. Les partis prennent l'habitude, parce que leur objectif majeur se réduit à leur propre auto-conservation, à ne dé­fendre que certaines valeurs en excluant toutes les autres. Cette exclusion reste un vœu pieux, car les valeurs peuvent certes s'effacer, quitter l'avant-scène, mais ne disparaissent jamais: elles de­meu­rent un impératif éthique. La vision politique des grands partis dominants est dès lors mu­ti­lée et mutilante. Elle conduit à la répétition de schémas et de routines politiques, en marge de l'évolution réelle du monde.

3. Un mouvement civil ou populaire comme le nôtre doit se donner la tâche (ardue) de réconcilier les qua­tre pôles, de les penser toujours simultanément, afin de favoriser un maximum de synergies entre eux.

4. De cette manière seulement, émergent une perception et une pratique holistes de la dynamique socia­le.

5. Les schémas que nous proposent de Foucauld et Piveteau expliquent pourquoi diverses catégories de ci­toyens finissent par se lasser de la politique et des partis. Lorsqu'un pôle n'est pas pris en compte, de larges strates de la population sont frustrées, vexées, meurtries, marginalisées voire exclues. Ou ne peu­vent plus exprimer leurs desiderata légitimes.

6. En plaidant pour une prise en compte de ces quatre pôles, Piveteau et de Foucauld visent à (re)donner du sens à la vie politique, car, s'il y a absence de sens, il y a automatiquement dissolution du politique, liquéfaction des institutions, effondrement de la justice et éparpillement des énergies.

 

La critique de Nicolas Tenzer

 

Un autre observateur français de la situation actuelle est le Prof. Nicolas Tenzer, énarque, enseignant auprès de l'Institut d'Etudes politiques de Paris. Dans Le Tombeau de Machiavel  (4), Nicolas Tenzer part du constat que les “grands récits”, c'est-à-dire selon le philosophe Jean-François Lyotard, les visions vec­to­rielles de l'histoire véhiculées par les progressistes, ne sont plus dans le grand public des objets de croyance et de vénération. L'électeur n'attend plus des partis et des hommes politiques qu'ils se mobili­sent pour réaliser des projets téléologiques aussi “sublimes”. Mais ce désintérêt pour les grands mythes téléologiques re­cèle un risque: les sociétés ne formulent plus de perspectives d'avenir et les élites deviennent des “élites sans projet”. La pire conséquence de l'“effondrement des grands récits”, c'est que les partis et les hom­mes politiques se mettent à justifier sans discernement tous les faits de monde et de société présents, même ceux qui ne recèlent plus aucune potentialité constructive, ou ceux qui repré­sen­tent un flagrant déni de justice.

 

Tenzer ne cite jamais Carl Schmitt, mais le jugement négatif qu'il pose sur cette médiocre justification des faits, indépendamment de ce qu'ils sont sur le plan des valeurs ou de l'efficacité, nous rappelle directe­ment la critique négative que Carl Schmitt et Max Weber adressaient à la légalité, cage d'acier rigide em­prisonnant la légitimité, qui, elle, est toujours souple et dynamique.

 

Pour Tenzer, la “deuxième gauche” (c'est-à-dire la gauche qui se considère comme modérée et socialiste et prétend ne pas vouloir gouverner avec les communistes) est une école politique qui légitimise, justifie et accepte les faits simplement parce qu'ils existent, sans plus déployer aucune prospective ni perspec­ti­ve, n'envisage plus au­cun pro­grès et n'a plus la volonté de réaliser des plans, visant le Bien commun ou sa restauration. A ce niveau de la démon­stration de Tenzer, nous sommes contraints d'apporter une précision sémantique. Tenzer condamne l'at­titu­de de la “deuxième gauche” pour son acceptation pure et simple de tous les faits de monde et de so­ciété, sans es­prit critique, sans volonté réelle de réforme ou d'élimination des résidus figés ou dysfonc­tion­nants. Cette “deuxième gau­che” prendrait ainsi, dit Tenzer, une attitude “naturaliste”. Pour la pensée conser­vatrice (du moins les “conservateurs axiolo­giques”) et les écologistes, il y a primat du naturel sur toutes les con­struc­tions. En règle générale, les gauches libérales et marxistes, accordent le primat aux choses construites. Mais en développant sa cri­tique de la “deuxième gauche”, en la dénonçant comme “natu­raliste”, Tenzer met les conservateurs (axio­logiques) et les écologistes en garde contre une tendance politique actuelle, celle d'accepter tous les faits accomplis trop vite, de considérer toutes les dérives comme inéluctables, comme le résultat d'une “catallexie”, c'est-à-dire, selon Hayek, d'une évolution naturelle contre laquelle les hommes ne peuvent rien. Dans ce cas, la volonté capi­tu­le. Tenzer dénonce là la timi­dité à formuler des projets et la propension à faire une confiance aveugle à la “main invisible”, chère aux libéraux. Dans le fond, Tenzer ne critique pas le réa­lis­me vitaliste de la pensée conservatrice et/ou écologiste, mais s'oppose à la notion néo-libérale de “ca­tal­lexie”, réintroduite à l'époque de Thatcher, à la suite de la réhabilitation de la pensée de Hayek.

 

Dans la vie politique concrète, dans la situation actuelle, un “naturalisme” mal compris conduirait à accep­ter et à légitimer l'exclusion de millions de citoyens au nom du progrès, de la démocratie, de l'Etat de droit, de la morale, etc. Légitimer des faits aussi négatifs est évidemment absurde.

 

Tenzer nous avertit aussi du mauvais usage de la notion de “complexité”. Pour nous, dans notre perspec­tive organique, la complexité constitue un défi, nous oblige à éviter toutes les formes de réductionnisme. En ce sens, nous avons retenu les leçons d'Arthur Koestler (Le cheval dans la locomotive),  de Konrad Lorenz et, bien entendu, du biohumanisme qu'avait formulé Lothar Penz (5). Malheureusement, aux yeux d'un grand nombre de terribles simplificateurs, la complexité est devenu un terme à la mode pour esquiver les défis, pour capituler devant toutes les difficultés. Quand un problème se pose, on le déclare “com­plexe” pour ne pas avoir à l'affronter. Le réel est donc posé a priori comme trop “complexe” pour que l'hom­me ait la volonté de mener une action politique quelconque, d'élaborer des plans et de développer des pro­jets. On accepte tout, tel quel, même si c'est erroné, injuste ou aberrant.

 

Tenzer ne rejette pas seulement le “naturalisme” (auquel il donne une définition différente de la nôtre) mais aussi

a) l'enthousiasme artificiel pour la complexité que répandent les journalistes qui se piquent de postmodernité et proposent insidieusement une idéologie de la capitulation citoyenne;

b) l'hypermoralisation; en effet, aujourd'hui, dans les médias, nous assistons à une inflation démesu­rée de discours moralisants et, en tant que tels, anesthésiants. La philosophie ne cherche plus à com­prendre le réel tel qu'il est, mais produit des flots de textes moralisants et prescriptifs d'une confondante banalité, pour aveugler, dit Tenzer, le ci­toyen, le distraire du fonctionnement réel de sa communauté politique (Tenzer adresse cette critique à André Comte-Sponville notamment). Dans les médias, c'est sur base de telles banalités que l'on manipule les masses, pour les empêcher de passer à l'action. L'objectif principal de cet hyper-moralisme, c'est de “frei­ner toute action citoyenne”. Ceux qui veulent freiner cette action citoyenne entendent main­te­nir à tout prix le statu quo (dont ils sont souvent les bénéficiai­res), se posent comme “légalistes” plutôt que comme “légitimistes”. Mais l'option légaliste (ou “légalitaire”) est foncièrement anti-politique, car elle re­fuse de considérer le politique comme une force qui chevauche et maîtrise la dynamique hi­sto­rique et sociale. Le légaliste-légalitaire est aussi celui qui con­çoit le droit comme une idée abstraite, détachée de tout continuum historique. Dans le domaine du po­litique, ce qui est le produit direct d'un continuum historique est légitime. Une légalité rigide, en revanche, conduit à une rupture (souvent trau­ma­tisante) à l'endroit d'une continuité puis à la dissolution du politique et de l'Etat, car la dynamique qui émane du peuple, porteur du poli­ti­que et acteur de l'histoire, est freinée et étouffée.

 

Dans le processus de dissolution de l'Etat, dans ses phases successives d'affaiblissement, celui-ci ces­se d'être aimé, constate Tenzer, car, en effet, sa dissolution est toujours simultanément une dé-légitimi­sation, et, par­tant, une réduction à de la pure légalité.

 

Des élites sans projet

 

Revenons au débat allemand. Il y a quelques années, j'ai été étonné de découvrir que trois figures de proue de la politique allemande avaient écrit de concert un ouvrage très critique à l'encontre des partis. Ce livre s'intitulait Die planlosen Eliten (= “Les élites sans projet”) (6). Ses auteurs étaient Rita Süssmuth (aile gauche de la CDU démocrate-chrétienne), Peter Glotz (intellectuel en vue de la SPD socialiste) et Konrad Seitz (ministre de la FDP libérale). Dans ce livre, ils expriment:

- leur nostalgie d'une élite et d'une caste dirigeante cohérentes;

- leur souhait de voir cette élite résoudre les problèmes politiques, économiques et écologiques;

- leur inquiétude de voir la classe politique allemande décliner et tomber très bas dans l'estime des mas­ses; ce déclin s'explique parce qu'il y a eu des scandales dans le financement des partis; parce que les promesses électorales n'ont jamais été tenues (p. ex.: réunification sans augmentation des impôts).

 

Nos trois auteurs écrivent (p. 181): «La fabrication en série de mythes et de grands sentiments conduit au cynisme et à l'apathie dans la population». Ensuite, ils déplorent que le procédé de recrutement de la clas­se politique reste le “travail à la base”; or celui-ci effraie les individualités créatives, imaginatives et intelligentes et les détourne de la politique. Süssmuth, Glotz et Seitz constatent à ce propos (p. 182): «C'est sans doute un paradoxe, mais on est bien obligé de constater qu'il est réel: la dé­mo­cra­tisation des partis a conduit simultané­ment à leur fermeture. A l'époque de Weimar ou dans les premiers temps de la Bundesrepublik, les appa­reils dirigeants des partis pouvaient imposer des candidats à la “base”; de cette façon, des personnalités originales, des experts, des intellectuels, des conseillers de grandes en­tre­pri­ses et des représentants d'autres groupes s'infiltraient dans le monde politique. Mais aujourd'hui, celui qui refuse de se soumettre au contrôle des faciès opéré par les pairs des partis, n'a plus aucune chan­ce». Ce constat affolant est suivi de plaidoyers:

- pour un changement dans la psychologie des hommes et des femmes politiques, où nos trois auteurs réclament plus de modestie (p. 192);

- pour une plus forte participation de la population aux décisions politiques directes (via des techniques de consultation comme le plébiscite et le referendum);

- pour une ouverture des partis politiques à la vie réelle des citoyens.

Enfin, Süssmuth, Glotz et Seitz émettent ce jugement terrible pour le personnel politique en place: «Quand on est âpre de prébendes, vulgaire et envieux, on ne doit pas s'attendre à susciter le respect des autres».

 

Les pistes que nous suggérons

 

La classe politique a failli partout en Europe. Elle n'est pas capable d'affronter les nouvelles donnes, par­ce que son personnel n'a ni l'intelligence ni la culture nécessaires pour orienter et réorienter les ins­tances politiques sous la pression des faits. Telle est la situation. Mais quelles sont les réponses, ou les pistes, qu'un mouvement comme le nôtre peut apporter?

 

1. La première piste dérive d'une prise en compte des leçons du “communautarisme” américain.

- Le communautarisme américain constate que le modèle occidental est une impasse.

- Dans cette impasse, les citoyens ont perdu tous liens avec les valeurs qui fondent les sociétés et les main­tiennent en état de fonctionner dans la cohérence. C'est ainsi qu'a disparu le sens civique. Et sans sens civique, il n'y a pas de démocratie viable. Sans sens civique, sans valeurs fondatrices, sans rejet explicite d'un relativisme omniprésent, il n'y a pas de justice.

- Nous devons coupler la réhabilitation de la notion de “communauté” que nous trouvons dans le commu­nautarisme américain actuel à la notion schmittienne d'“ordre concret” (konkrete Ordnung).  Pour Carl Schmitt, un ordre concret est un ordre produit par un continuum historique, par exemple un Etat né de l'histoire. A l'intérieur de tels Etats, nous trouvons, généralement, une façon précise et originale de dire le droit et d'appliquer une jurisprudence. Dès lors, les règles ne sont des règles réelles et légitimes que si elles sont imbriquées dans un ordre né d'une continuité historique précise.

 

En insistant sur la concrétude des ordres en place dans les sociétés traditionnelles et/ou légitimes, Carl Schmitt conteste le pur normativisme des Etats libéraux. Le normativisme libéral repose sur la norme, qui serait une idée générale propre à l'humanité toute entière, hissée au-dessus de toutes les contingences spa­tio-temporelles. La normativisation du droit conduit à un gouvernement du droit et non plus à un gou­ver­nement d'hommes au service d'autres hommes. L'Etat de droit (où le droit est conçu comme le produit d'une histoire particulière) dégénère en Etat légal(iste), ce qui nous amène à l'actuelle “political correct­ness”. Par ailleurs, le pur décisionnisme, qu'avait défendu Carl Schmitt à ses débuts, en même temps que les fas­cistes, ne permet pas à l'homme d'Etat de saisir la dynamique historique, le noyau fondamental de la Cité qu'il est appelé à régir. Raison pour laquelle, l'homme d'Etat doit simultanément se préoccuper des institutions, de la con­ti­nuité institutionnelle (selon la définition que donne Hauriou de l'institution, soit un “ordre con­cret”), et des dé­cisions, à prendre aux moments cruciaux, pour trancher des “nœuds gordiens” et sortir la Cité d'une impasse mortelle. Au sein des ordres con­crets, qui ont produit un système juridique au fil de l'histoire, les communautés humaines concrètes fon­dent du sens. Ces communautés charnelles d'hommes et de femmes de diverses lignées et générations acquièrent ainsi prio­rité sur les normes ab­straites. Les com­munautariens amé­ricains s'efforcent de contribuer, comme nous, au rétablis­sement de l'Etat de droit, contre tou­tes les tentatives entreprises pour le remplacer par l'Etat normatif, “politique­ment correct”, excluant en même temps que toutes les valeurs léguées par l'histoire, tous les possibles qui pour­raient contredire ou atténuer la rigueur abstraite de la norme.

 

Ernst Rudolf Huber et le «Kulturstaat»

 

2. Ce débat de fond suscite d'autres questions. Par exemple: quelles facettes doit présenter un Etat porté par les ordres concrets qui vivent et se déploient en son sein? De notre point de vue, un tel Etat serait celui qu'Ernst Rudolf Huber a défini comme Kulturstaat (“Etat-culture”) (7). Pour Huber, “le Kultur­staat  est le gardien de la culture populaire face à la destruction dont la menace la société” (i. e.: les in­té­rêts privés, désolidarisés du Bien commun, ndlr). La “culture” dans ce sens est à la fois constitutive de la Staatlichkeit  (de la substance de l'Etat) et la légitimise. L'action de l'E­tat est soumise aux valeurs sub­stan­tielles que véhicule cette culture. En conséquence, l'Etat n'est pas un pur instrument, car la culture n'est pas une fabrication faite à l'aide d'instruments, mais un héritage et une matrice de valeurs qui, en der­nière instance, ne sont ni rationalisables ni normalisa­bles. En ce sens, cette matrice est elle-même une valeur qu'il convient de préserver contre les intérêts matériels et fac­tieux, contre les agents de déli­quescence, intérieurs ou extérieurs. En théorisant la notion de Kulturstaat,  Huber entend étoffer la notion hégélienne de Sittlichkeit  (éthique, mœurs) en l'imbriquant dans une culture et la solidarisant d'office avec toutes les autres manifestations de cette culture. L'éthique cesse automatiquement d'être un jeu propret de concepts purs, détachés de la vie réelle et trépidante des peuples.

 

Tout Kulturstaat est nécessairement organisé selon un modèle fédéral, il est un Bundesstaat  (qui res­pecte le principe de subsidiarité), car toute communauté au sein de cet Etat est un ordre concret, qui doit être res­pecté en tant que tel, auquel il faut assurer un avenir. Pour le juriste français Stéphane Pierré-Caps, dans son ouvrage intitulé La mul­tina­tion (8), le futur Etat mitteleuropéen ne pourra pas se bâtir sur le modèle unitaire, centraliste et jacobin de l'Etat-Nation, où la norme abstraite régente, oblitère et éma­scule tous les ordres concrets et toutes les institutions et les communautés concrètes, mais devra opter pour une forme d'Etat qui respecte et orga­nise institutionnellement toutes les différences vivantes d'un territoire donné.

 

Ce principe est universellement valable, tant pour le territoire d'un Etat national classique que pour des territoires éventuellement plus vastes, comme les sphères culturelles (ex.: la Mitteleuropa, l'Europe en voie d'unification, des regroupements régionaux comme l'espace Alpes-Adriatique). Certes ces espaces con­naîtront encore des frontières, mais celles-ci délimiteront les “civilisations” dont parle Samuel Hun­ting­ton dans Le choc des civilisations  (9). Ces civilisations diviseront demain l'humanité en vastes sphè­res différenciées voire antagonistes (dans le pire des cas), sans que l'on n'ait à appliquer globalement des normes gé­né­rales, abstraites et universalistes, lesquelles ne sont en aucun cas des valeurs. Ces normes sont clo­ses sur elles-mêmes, fermées et rigides, car elles sont des produits de l'esprit de fabri­ca­tion et purement prescriptives. Les valeurs sont vivantes, ouvertes aux innovations fusant de tou­tes parts, effervescentes et dynamiques. Les valeurs ne sont jamais univoques, contrairement aux normes, elles sont “plurivoques”. Les normes ne recèlent en elles qu'un seul possible. Les valeurs sont à même de générer une pluralité de possibles.

 

Conclusion: Pour rétablir les communautés des communautariens, les ordres concrets qui fondent le droit selon Carl Schmitt, les Kulturstaaten  selon Huber, les communautés de Kulturstaaten  à l'intérieur de sphères culturelles ou de grands espaces de civilisation, nous devons renvoyer les “élites sans projet”, dénoncées par Süssmuth, Glotz et Seitz, et faire advenir des élites conscientes de leur devoir de respecter les acquis et de façonner l'avenir. De telles élites cultivent une éthique de la responsabilité. Celle-ci a été définie avec brio par des philosophes com­me Max Weber, Hans Jonas et Karl-Otto Apel (10). Elle constituera le thème d'un prochain séminaire de “Synergies européennes”. Appelé à compléter celui d'aujourd'hui.

 

Robert STEUCKERS.

Forest, novembre 1997.

 

Notes:

 

(1) Hermann SCHEER, Zurück zur Politik. Die archimedische Wende gegen den Zerfall der Demokratie, Piper, München, 238 S., DM 29,80, ISBN 3-492-03782-8.

(2) Walter REESE-SCHÄFER, Was ist Kommunautarismus?, Campus, Frankfurt a. M., 1994, 191 S., DM 26,80, ISBN 3-593-35056-4. Voir également/Siehe auch: Transit. Europäische Revue, Nr. 5 («Gute Gesellschaft»), Winter 1992/93, Verlag Neue Kritik, Frankfurt a.M., ISSN 0938-2062.

(3) Jean-Baptiste de FOUCAULD & Denis PIVETEAU, Une société en quête de sens, Odile Jacob, Paris, 1995, 301 p., 140 FF, ISBN 2-7381-0352-9.

(4) Nicolas TENZER, Le tombeau de Machiavel, Flammarion, Paris, 1997, 546 p., 140 FF, ISBN 2-08-067343-2.

(5) Lothar PENZ, siehe Hefte von Junges Forum (genaue Angaben)

(6) Peter GLOTZ, Rita SÜSSMUTH, Konrad SEITZ, Die planlosen Eliten. Versäumen wir Deutschen die Zukunft?, edition ferenczy bei Bruckmann, München, 1992, 251 S., ISBN 3-7654-2701-2.

(7) Max-Emanuel GEIS, Kulturstaat und kulturelle Freiheit. Eine Untersuchung des Kulturstaatskonzepts von Ernst Rudolf Huber aus verfassungsrechtlicher Sicht, Nomos-Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1990, 298 S., ISBN 3-7890-2194-6.

(8) Stéphane PIERRÉ-CAPS, La multination. L'avenir des minorités en Europe centrale et orientale, Odile Jacob, Paris, 1995, 341 p., 160 FF, ISBN 2-7381-0280-8.

(9) Samuel HUNTINGTON, Le choc des civilisations, Odile Jacob, Paris, 1997, 402 p., 150 FF, ISBN 2-7381.0499.1.

(10) Detlef HORSTER, Politik als Pflicht. Studien zur politischen Philosophie, Suhrkamp, stw 1109, Frankfurt, 1993, 281 S., DM 19,80, ISBN 3-518-28709-5.

 

lundi, 26 octobre 2009

Revolte: met het nationalisme tegen het kapitalisme

Met het nationalisme tegen het kapitalisme

Geplaatst door yvespernet op 22 October 2009

Ondertussen al een paar weken uitgekomen, maar daarom niet minder interessant.

Voorpost en het solidarisme – Johan van Slambrouck
Economische soevereiniteit – Sacha Vliegen
Verankering van de economie – Johan van Slambrouck
Over het Amerikaans bankensysteem – Yannick Goossens
Cultuur en globalisme – Yves Pernet
Het verschil tussen natinonaal en internationaal kapitaal – Yves Pernet
Boekbespreking “The Web of Debt” – Yves Pernet
Vlamingen een volk van meiden en knechten, mag het ietsje meer zijn? – Eddy van Buggenhout
De ondergang van Fortis – Johan van Slambrouck
Boekbespreking “The world is flat” – Yannick Goossens
Omdat economie niet aan de economen mag worden overgelaten – Joost Venema
Huizen van Vlaamse solidariteit: solidarisme in de praktijk – Luc Vermeulen

De inhoudstafel is als volgt:

( 1 ) Voorpost en het solidarisme - Johan van Slambrouck
( 2 ) Economische soevereiniteit – Sacha Vliegen
( 3 ) Verankering van de economie – Johan van Slambrouck
( 4 ) Over het Amerikaans bankensysteem – Yannick Goossens
( 5 ) Cultuur en globalisme – Yves Pernet
( 6 ) Het verschil tussen natinonaal en internationaal kapitaal – Yves Pernet
( 7 ) Boekbespreking “The Web of Debt” – Yves Pernet
( 8 ) Vlamingen een volk van meiden en knechten, mag het ietsje meer zijn? – Eddy van Buggenhout
( 9 ) De ondergang van Fortis – Johan van Slambrouck
( 10 ) Boekbespreking “The world is flat” – Yannick Goossens
( 11 ) Omdat economie niet aan de economen mag worden overgelaten – Joost Venema
( 12 ) Huizen van Vlaamse solidariteit: solidarisme in de praktijk – Luc Vermeulen

Wie denkt in dit Revoltenummer enkel oproepen te vinden om “alles anders te doen” zonder invulling zal nog verschieten. Meerdere analyses van wat er is fout gelopen, wat er anders moet, hoe dat moet en waarom. Dat is wat u kan verwachten.

Mijn bijdragen plaats ik later nog op dit weblog.